PRESIDENTIELLE CONGOLAISE SUR FOND DE RECUSATION D’OBSERVATEURS CREDIBLES
Le 21 mars dernier, les Congolaises et les Congolais se sont rendus aux urnes pour élire un nouveau président. Sept candidats étaient dans les starting-blocks, dont le sortant Denis Sassou Nguesso. Ce dernier, qui cumule déjà 36 ans à la tête du pays, brigue un quatrième mandat consécutif. Un des principaux enjeux du scrutin est la transparence. Sur la question, beaucoup de faits autorisent à être sceptique. Le premier élément qui permet d’étayer cette thèse est que le scrutin se déroule dans un pays où les réseaux sociaux viennent d’être mis hors de service. L’on peut y voir, par là, une volonté des autorités de contrôler la situation de sorte à ne pas permettre aux citoyens de communiquer sur les péripéties du scrutin en temps réel. Et dans tous les pays d’Afrique, où la démocratie reste un vain mot, les dictateurs, à chaque fois qu’ils organisent un scrutin, se méfient des réseaux sociaux comme un vampire se méfie de la lumière. Ce fut le cas de Alpha Condé en Guinée. Et ce sera certainement le cas du Maréchal Idriss Déby en avril prochain.
Sassou Nguesso croit dur comme fer, qu’en dehors de lui, il n’y a personne pour diriger le Congo
Le deuxième élément qui permet de ne pas croire, un seul instant, à la transparence du scrutin, est lié au refus du pouvoir d’accréditer les 4 000 observateurs de la Conférence épiscopale. Et l’on peut aisément deviner ce qui a véritablement motivé cette attitude. En effet, l’Eglise catholique fait partie des vigies de la démocratie les plus crédibles en Afrique. De ce point de vue, elle ne craint pas de dire, à haute et intelligible voix, ce qu’elle a réellement vu quand elle observe un scrutin. En RDC voisine, par exemple, ses observateurs n’avaient pas eu besoin de porter de gants pour dire que le vrai vainqueur du dernier scrutin présidentiel, n’était pas celui que la CENI avait déclaré vainqueur. Bien sûr, par la suite, elle s’est dégonflée comme un ballon de baudruche pour reconnaître Félix Tshisékédi comme président du pays. Mais cela n’enlève rien au fait que l’Eglise a eu le mérite de clamer haut et fort, ce que dans bien des chancelleries, l’on se dit tout bas. Sassou Nguesso, qui croit dur comme fer, qu’en dehors de lui, il n’y a personne pour diriger le Congo, ne peut donc pas prendre le risque de faire observer les scrutins qu’il organise pour les gagner systématiquement, par les Hommes de Dieu. C’est aussi simple que cela. A contrario, Sassou Nguesso peut s’accommoder des observateurs de l’UA (Union africaine), de ceux de CIRGL (Conférence internationale sur la région des Grands Lacs) ou encore de ceux de la CEEAC (Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale). La raison est tout aussi simple : ces genres d’observateurs sont, en réalité, de véritables touristes électoraux qui ne voient rien et dont le gîte et le couvert sont assurés par les princes régnants. Et les dictateurs savent comment faire pour davantage agrémenter leur villégiature électorale. De ce point de vue, rien de crédible ne peut sortir de leur observation. D’ailleurs, les observateurs de ces 3 structures ont reconnu être venus au Congo pour des missions dites « à court terme » et non pour une observation de l’ensemble du processus.
La démocratie au pays des Bantous amuse les Occidentaux
C’est clair et net, ils observeront ce que donc le dictateur voudrait qu’ils observent. Et l’on peut, d’ores et déjà, imaginer ce qu’ils consigneront dans leur rapport. En tout cas, ils ne manqueront pas de ressasser la phrase selon laquelle « tout s’est globalement bien passé ». Le troisième et dernier élément qui permet de douter de la transparence du scrutin, est lié au fait que c’est le président de la Cour suprême qui pilote en même temps la structure chargée d’organiser les élections. Or, ce responsable a été nommé par un certain… Sassou Nguesso. C’est donc un magistrat acquis à la cause du dictateur, qui va organiser les élections et qui va décider de qui les aura gagnées. Joseph Kabila avait Corneille Nangaa en RDC pour faire le sale boulot. Au Congo, l’on peut dire que Sassou Nguesso a Henri Bouka, puisque c’est de lui qu’il s’agit, pour manipuler les chiffres de sorte à le déclarer vainqueur du scrutin. Là-dessus, le doute n’est pas permis. Et c’est pour cette raison d’ailleurs, peut-on dire, que les chancelleries occidentales n’ont pas voulu être associées à cette mascarade en perspective. En réalité, la démocratie au pays des Bantous amuse les Occidentaux. Et ces derniers, l’on peut avoir l’impression, semblent ne plus en faire une préoccupation. Si en Afrique de l’Ouest, le 3e mandat passe mal à leurs yeux, en Afrique centrale, ils ne se donnent même plus la peine de compter le nombre de mandats des princes qui gouvernent les pays de cette partie de l’Afrique où seule Dame nature semble imposer l’alternance. En tout cas, au Congo, Sassou Nguesso ne quittera pas le pouvoir par les urnes. Et si par extraordinaire, les urnes le désavouaient, l’on peut être sûr qu’il reviendrait par les armes pour reprendre « sa chose». Il l’a déjà fait en délogeant, en plein jour et à coups de canon, le seul président élu démocratiquement au Congo, Pascal Lissouba. De ce qui précède, la grande interrogation de cette élection porte moins sur le nom du vainqueur que sur l’usage que Sassou fera d’un nouveau quinquennat ; lui qui cumule aujourd’hui 36 ans à la tête du Congo, sans pour autant extirper le pays de la pauvreté malgré ses énormes richesses.
« Le Pays »