PRESIDENTIELLE GABONAISE : L’opposition pourra-t-elle créer la surprise ?
Les Gabonais sont appelés aux urnes, ce 27 août 2016. Ils devront désigner celui qui présidera aux destinées de leur pays les 5 années à venir. En attendant l’heure de vérité pour les onze candidats en lice, on peut dire que la campagne s’est bien passée dans l’ensemble. Bien entendu, il y a eu des violences policières contre les opposants. Ce qui est indigne d’une démocratie qui se respecte. En outre, le débat politique n’a pas non plus volé très haut. Il aura beaucoup tourné plus autour des personnes des principaux candidats que des projets de société. Pas étonnant quand on sait qu’en Afrique, rarement projet de société a fait élire un président. Tout cela est déplorable, mais, il n’y a pas eu de déflagration majeure comme on pouvait légitimement le redouter, au regard des discours violents et des enjeux de ce scrutin. C’est déjà quelque chose de gagné.
Face au camp Ali Bongo, on a une opposition qui n’est pas totalement unie
Concernant la médiatisation de cette campagne, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Ali Bongo n’a pas entendu laisser à l’opposition, de la visibilité au niveau des médias publics. Ces médias, en dépit des dénégations du pouvoir en place, auront été à la solde du candidat Ali Bongo. En tout cas, l’opposition n’a pas eu droit à un traitement équitable en termes d’accès à ces médias publics. Bien au contraire. Or, l’importance des médias pour la visibilité d’un candidat, n’est plus à démontrer. Ainsi, les candidats de l’opposition se seront retrouvés avec une longueur de retard sur le candidat du pouvoir. On est coutumier du genre en Afrique. Les candidats sortants s’accaparent de toutes les ressources publiques. La prime au sortant leur permet de se servir abusivement des moyens de l’Etat pour battre campagne à l’effet de se maintenir au pouvoir. En plus de cet accaparement des ressources publiques et de l’espace médiatique, on peut noter le caractère inique de ce scrutin à un seul tour. Cette véritable hérésie démocratique est l’apanage de quelques dictateurs comme on en trouve dans les Grands Lacs, qui clament haut et fort leur légitimité, mais qui, au fond d’eux-mêmes, ont une peur bleue du scrutin à deux tours. Pour rien au monde, ils ne prendraient le risque de se retrouver en ballotage défavorable. Avec un scrutin à tour unique appuyé par les fraudes, les satrapes s’assurent de rester indéfiniment au pouvoir. Ce n’est certainement pas un hasard si Ali Bongo a vite fait de conserver cette relique électorale concoctée par son défunt père, Omar Bongo Ondimba. C’est de bonne guerre ; son père n’avait-il pas laissé entendre qu’en Afrique, on n’organise pas une élection pour la perdre ? Dans un tel contexte, on ne peut que s’interroger sur les chances réelles de l’opposition de provoquer l’alternance. Pourra-t-elle créer la surprise ? Rien n’est encore sûr, d’autant plus que face au camp Ali Bongo qui ne lésine sur aucun moyen pour conserver le pouvoir, on a une opposition qui n’est pas totalement unie. Ce qui constitue une véritable faiblesse au regard du fait qu’on a affaire à un scrutin à un seul tour. De plus, l’opposition a longtemps pris l’ombre pour la proie en bâtissant une stratégie – qui a fait chou blanc – autour de la contestation de la filiation d’Ali Bongo, se détournant ainsi de l’essentiel. Mais, en dépit des faiblesses évoquées, l’opposition gabonaise conserve bien ses chances dans ce scrutin. On est même fondé à penser que le candidat Ali Bongo n’est pas si serein que cela. Ce n’est certainement pas pour rien qu’il a décliné l’offre de débat, formulée par son principal challenger, Jean Ping. En tout cas, ce ne sont pas les arguties de son porte-parole pour qui « la demande d’un débat contradictoire n’est pas prévue par les lois de la République », qui vont convaincre grand monde de la sérénité de son mentor face à l’ancien président de la Commission de l’Union africaine (UA). Si un tel débat n’est pas prescrit, il n’est pas non plus proscrit par les textes. C’est aussi simple que cela. En réalité, le ralliement de trois ténors de l’opposition à la candidature de Ping, n’est pas un non-événement comme on veut le laisser croire.
Que le meilleur gagne en toute transparence
Il est vrai que cette coalition de l’opposition est intervenue de façon tardive. Elle aurait certainement eu plus d’effet si elle était intervenue plus tôt, avant le début de la campagne. Ses acteurs auraient ainsi eu le temps de mieux peaufiner leur stratégie. Qu’à cela ne tienne, elle a au moins le mérite d’avoir été actée. Cette coalition réunit en son sein des personnalités et pas des moindres. Elles ont, du reste, contribué à asseoir le pouvoir du même Ali Bongo. Son candidat, Jean Ping, est à même de troubler le sommeil du président sortant. Cette coalition de l’opposition serait bien inspirée de rester unie, même si les résultats de cette présidentielle venaient à être en sa défaveur. Il faut surtout croiser les doigts pour que cette élection soit la plus transparente possible. Tout le monde y a intérêt. Ali Bongo dont les conditions d’accès au pouvoir n’ont pas été sans fortes odeurs de suspicions de fraudes, a tout intérêt à se faire réélire « proprement », si tant est qu’il veuille s’afficher comme le véritable choix du peuple gabonais. Si le candidat Bongo remporte cette présidentielle, il faut qu’il n’y ait pas vraiment matière à contestation. Il aurait dès lors, la légitimité nécessaire pour mieux travailler en vue de sortir les Gabonais de la misère et du chômage ambiants. Si, par contre, un de ses opposants, Jean Ping ou un autre, venait à réussir le pari d’être élu, Ali Bongo devra avoir l’élégance de s’incliner. Ce, au nom de la démocratie et de l’intérêt supérieur du Gabon. Aux urnes, Gabonais et que le meilleur gagne en toute transparence !
« Le Pays »
Anonyme
/
Commentaire…huum!on va comment?courage à eux et que Dieu les aide à oublier le droit mal compris et d,ailleurs inspiré des réalités d,autres cieux
26 août 2016Mohamed Abdillahi Bahdon
/
Quand on analyse les élections présidentielles dans un pays africain, on a tendance à généraliser. L’auteur.e de cet article tombe dans un pessimisme permanent ou une vision trop étroite quant à la perception des élections présidentielles. Il est temps de procéder à des analyses contextualisées. Le Bénin, les Iles Caps Verts, le Botswana et le Mali avant le coup d’Etat de l’an 2012 ont expérimenté des processus électoraux, qui ont stabilisé ces pays sur le plan politique.
26 août 2016Il faut étudier la situation actuelle gabonaise dans un autre contexte, celui de la transition démocratique et la nature du pouvoir dans ce pays de l’Afrique centrale. La transition au régime pluraliste a été bien contrôlée. En fait, pour les dirigeants politiques de l’Etat gabonais ou l’Etat “omarien”, qui tournait autour du personnalisme, l’introduction du pluralisme politique n’a été qu’une simple formalité, destinée à rassurer la diplomatie du début des années la France de Mitterrand. Et l’auteur de l’article a raison de citer la célèbre phrase d’Omar Bongo Odimba sur les élections “on n’organise pas une élection pour la perdre.” Un autre dirigeant de cette région a utilisé aussi cette expression, le Président Congolais Pascal Lissouba. Les élections présidentielles du 28 août opposent à deux candidats du système politique gabonais. Jean Ping a reconnu lui-même d’avoir connu le système avant d’être Président de la Commission Africaine. Ce qu’il faut noter, et c’est le sens de l’enjeu de cette élection, le fait que des opposants unissent autour d’un candidat, qui a un certain prestige dans le continent. Mais face à un pouvoir, qui a toujours fonctionné par la malversation et la manipulation tant de la loi comme des rapports politiques et sociaux, on est en droit de se poser la question du sérieux d’un candidat, qui se voit déjà vainqueur, le candidat sortant, Ali Bongo.
Sur l’importance des médiats publics dans la compagne électorale, on peut avoir des doutes. Car même ces médiats sont tellement présents dans la vie quotidienne des Gabonais.es, il y a encore une partie de l’électorat qui ne suit pas l’actualité politique et sociale par ces médiats. Mais il est à l’honneur d’un Etat, qui veut théoriquement neutre dans une lutte politique comme l’élection de l’occupant.e de la magistrature suprême du pays. Comment peuvent-ils être neutres des médiats dont les hauts responsables sont nommés par complaisance au pouvoir en place. Au lieu de débattre ces aspects anachroniques, il fallait mieux prodiguer à la société civile d’avoir une grande capacité et une vigilance tant durant la compagne électorale comme le jour de l’élection et l’après annonce des résultats pour éviter des débordements des deux camps. Sans exclure les acteurs.es politiques, il faut une grande implication d’une société civile active.
La situation du Gabon peut être à certaines situations africaines comme le Togo, le Congo ou la République Démocratique du Congo, mais pas à tout le continent. Il faut tenir à l’esprit les particularités de cette région ou sous-région et même de pays.
Mohamed Abdillahi Bahdon
Andy Juss
/
M. Mohamed Abdillahi Bahdon, votre commentaire est long et confus. La situation au Gabon n’est pas comparable à celle de la République du Congo. Le Congo aujourd’hui vit une dictature où la liberté d’expression n’existe pas. Lors des élections présidentielles M. Sassou a fait couper tous les moyens de communications. La circulation routière était interdite, facebook, internet, la communication cellulaire dans toutes ses formes étaient bloquées et ce pendant près d’une semaine. Ceci n’est pas le cas du Gabon.
31 août 2016Au Congo, les opposants étaient assignés à domicile, leur maisons encerclées par l’armée. Ce n’est pas le cas du Gabon.
En plus vous citez à tort le président Lissouba. Vous sortez sa déclaration de son contexte; En fait la raison même d’un parti politique c’est la prise du pouvoir. Alors s’il faut aller aux élections, il faut y aller pour la remporter. Lissouba n’avait pas truqué les élections n’avait pas contesté le verdict des urnes.Renseignez-vous sur cette période du Congo, vous comprendrez que le Congo était un bon exemple jusqu’à ce que Sassou a décidé de le mettre à feu et à sang.
Mohamed Abdillahi Bahdon
/
Bonsoir M. Andy Juss. D’abord merci pour l’appréciation que vous faites de mon texte. La première phrase sort de l’appréciation du contenu. Je reviens au point qui vous préoccupe le plus : la comparaison inexistante entre le Congo et le Gabon. Je ne compare pas des situations nationales différentes. Je suis d’accord avec vous qu’au Congo, il y a eu une transition, même si elle n’a pas duré longtemps. Celui qui a dirigé le pays durant à peu 20 ans jusqu’au gouvernement de Pascal Lissouba, est revenu. Je cite le Congo dans un contexte régional où l’alternance au sommet de l’Etat n’est pas réalisée par un processus électoral comme au Bénin, au Mali (avant le Coup d’Etat de 2012). L’Afrique centrale n’a pas le monopole des régimes autoritaires, qui perdurent après l’adoption des fameuses constitutions libérales. La Corne de l’Afrique (Jibouti, Ethiopie, Erythrée – qui n’a jamais organisé des élections depuis son indépendance en 1994) est un autre exemple de ces régions dont les dirigeants rechignent de respecter la transparence et le verdict électoral. Quant à l’expression “on n’organise pas une élection qu’on ne gagne pas”, je me rappelle avoir lu dans un entretien qu’avait accordé Lissouba à un journal à la fin de son mandat. Je vous rappelle que reconnaître la perte aux élections présidentielles est aussi un geste démocratique, qui évite des tensions sociopolitiques, ethniques et des affrontements dans la société. L’élection, est un jeu et comme tout jeu, il y a un vainqueur et un perdant. Il faut donc se préparer aussi à perdre le jeu.
3 septembre 2016