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PRESIDENTIELLES AU TCHAD, BENIN, CONGO BRAZZA…


A qui servent finalement les élections en Afrique ? Telle est la question que l’on pourrait se poser, au regard de ce qui se passe sur le continent noir. En effet, d’Est en Ouest et du Nord au Sud en passant par le Centre, le jeu électoral a été tellement biaisé qu’il n’est pas rare de voir des dirigeants africains briguer sans aucune gêne trois, quatre, cinq mandats voire plus s’ils n’affichent pas des velléités de pouvoir à vie, là où la Constitution donne pourtant clairement droit à seulement deux mandats. Le dernier acte en date est la candidature, après plus de trente ans au pouvoir, du président tchadien, Idriss Déby Itno, à un sixième mandat lors de la présidentielle du 11 avril dernier à laquelle sa réélection, sans coup férir, ne fait, du reste, pas l’ombre d’un doute. Quelques semaines avant lui, c’est le Congolais Denis Sassou Nguesso, 77 ans, qui rempilait pour un quatrième mandat consécutif après 36 ans de pouvoir, avec un score à la soviétique de près  de 89%.  Et que dire du Camerounais Paul Biya, au pouvoir depuis 1982 et qui s’est taillé, en 2018, un septième bail à la tête du Cameroun ?

 

C’est dire toutes les difficultés qu’endure le continent africain pour lequel la démocratie apparaît de plus en plus comme un mirage

 

 

Autant d’exemples de vieux caïmans de la mare politique africaine qui brillent par le mauvais exemple, et qui amènent à se demander s’il ne faut pas finalement désespérer de l’Afrique. Car, comment comprendre qu’ailleurs dans le monde, l’alternance ne pose pas de problème alors que c’est le cas en Afrique ? La question mérite d’autant plus d’être posée qu’à côté de ces vieux dinosaures qui lacèrent avec leurs griffes géantes, les flancs de la démocratie sur le continent noir, il y a ceux, comme le Béninois Patrice Talon ou encore le Sénégalais Macky Sall, dont on se demande s’ils ne rêvent pas d’entrer dans la cour de la satrapie, à la suite de l’Ivoirien Alassane Ouattara et du Guinéen Alpha Condé qui ont déjà franchi le Rubicon, en succombant à la tentation du troisième mandat. Et ce n’est pas tout, puisque le Togolais Faure Gnassingbé qui totalise déjà quatre mandats à la suite de son père, mort au pouvoir après 38 ans de règne sans partage, continue de malmener les règles de l’alternance dans son pays qui ne connaissait pas, jusqu’aux dernières élections tenues en 2020, de limitation de mandats. C’est dire toutes les difficultés qu’endure le continent africain pour lequel la démocratie apparaît de plus en plus comme un mirage, du fait d’une race de dirigeants qui ne s’imaginent pas une autre vie en dehors du pouvoir et qui sont prêts à tout pour s’y maintenir par tous les moyens. Ainsi, après avoir expérimenté, des années durant, la méthode des bourrages d’urnes sur fond de tripatouillages constitutionnels pour se maintenir dans le jeu, l’heure semble à présent à l’utilisation de méthodes plus subtiles, celle des artifices judiciaires pour se débarrasser en amont des concurrents les plus sérieux, tout en prenant le soin de placer des hommes-liges à la tête des institutions de validation des élections pour une maitrise totale du processus de bout en bout. Le tout dans un contexte de musèlement de la société civile, de coupures des réseaux sociaux et d’activation de l’appareil répressif le cas échéant.

 

L’Afrique a encore du chemin à parcourir

 

C’est dire combien tout est souvent minutieusement mis en œuvre pour le maintien de l’ordre ancien sous nos tropiques. En tout cas, jamais la logique « Omar Bongo ienne » qui veut qu’on n’organise pas des élections pour les perdre, n’a été aussi prégnante sous nos tropiques. Si fait que ces consultations populaires, qui donnent théoriquement le pouvoir au peuple de choisir ses dirigeants, apparaissent aujourd’hui beaucoup plus comme de la poudre de perlimpinpin jetée aux yeux de peuples qui se retrouvent au bout du compte être les dindons de la farce.  Pire, ces élections sont devenues des moments de vives appréhensions pour les populations quand celles-ci n’affichent pas une certaine désaffection vis-à-vis d’une compétition électorale sans enjeu et aux résultats connus d’avance. Comme ce fut récemment le cas au Bénin et au Tchad, à la faveur des présidentielles respectives du 11 avril dernier. C’est pourquoi l’on est porté à se demander s’il faut encore organiser des élections dans certains pays africains qui ne montrent pas d’autre visage que celui de pays du Gondwana. Car, non seulement la démocratie n’en sort jamais renforcée parce que les règles du jeu sont faussées dès le départ, mais aussi et surtout, ces élections sont sources de violences meurtrières qui contribuent à creuser davantage le fossé de la division entre les fils d’une même nation. Peut-être aurait-il fallu dans ces dictatures,  décréter purement et simplement une monarchie! Si encore les satrapes du continent travaillaient réellement au bonheur des populations, le fait de s’accrocher au pouvoir, aurait pu être vécu comme un moindre mal. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Et le pire est que ces dictateurs donnent souvent le sentiment que leur boulimie du pouvoir n’a d’égale que leur volonté de piller les richesses du pays au profit d’un clan. C’est pourquoi, si l’on convient que l’alternance constitue le baromètre de la démocratie dans le monde, il faut admettre qu’en la matière, l’Afrique a encore du chemin à parcourir. Et pas des moindres.

 

« Le Pays »

 


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