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PRESIDENTIELLES AU TCHAD ET AU BENIN


Au pays du maréchal Deby tout comme dans l’ancien Dahomey, les populations sont appélées à se rendre aux urnes pour choisir leurs dirigeants, le 11 avril 2021. Les deux élections présentent de grandes similitudes, quand bien même les deux pays appartiennent à deux entités géographiques différentes. La première de ces similitudes est que dans l’un ou l’autre cas, les résultats sont connus d’avance. Au Tchad comme au Bénin, aucun marabout ou maitre du vaudou ne saurait détricoter les mécanismes mis en place par Idriss Deby au pouvoir depuis trois décennies et candidat à un sixième mandat consécutif, ou par Patrice Talon qui, au terme d’un premier quinquennat, a pris goût au pouvoir au point de revenir sur sa promesse de faire un mandat unique. Dans les deux pays, les urnes n’auront  donc pas de secrets à livrer au soir de la journée électorale. C’est, du reste, ce qui fait qu’au Bénin comme au Tchad, la campagne menée en roue libre par les princes régnants, n’emballe pas grand monde.

 

Dans ces démocraties jumelles, la seule différence est le contexte sécuritaire

 

L’autre trait de similitude dans ces scrutins sans véritable enjeu, c’est la situation des opposants qui partagent la même galère : ils ont été réduits au silence soit par les armes comme on l’a vu au Tchad avec l’assaut meurtrier contre le domicile de l’opposant Yaya Dillo, qui a coûté la vie à cinq membres de sa famille, soit par les tracasseries judiciaires qui les ont contraints à l’exil comme dans le cas béninois. Enfin, le dernier trait de ressemblance dans les deux élections, est qu’elles interviennent dans un contexte de frustrations qui rendent le climat politique très délétère dans les deux pays. En effet, au Tchad, le principal opposant, Saleh Kebzabo, a annoncé son retrait de la compétition, dénonçant « une  militarisation évidente du climat politique » et cela, dans un contexte marqué par des arrestations arbitraires et la répression systématique de toute tentative de manif de l’opposition et de la société civile. Amnesty International dénonce des « restrictions disproportionnées du droit à la liberté de réunion pacifique ». La conséquence de ce climat de terreur est que certains opposants, après avoir jeté l’éponge, appellent simplement et purement au boycott de la présidentielle, estimant que « les conditions ne sont pas réunies pour assurer un scrutin crédible et transparent ». Au Bénin, même si l’on n’est pas encore à la démocratie guerrière comme au pays du président maréchal qui porte ostentatoirement la démocratie au bout du fusil,  l’on n’en est pas véritablement loin. En effet, des incidents ont été signalés dans plusieurs villes à l’approche de la présidentielle, entraînant une mobilisation exceptionnelle de l’armée. Si ces manifs sont consécutives à la polémique sur la fin du mandat du président Patrice Talon, elles tirent véritablement leurs origines du fait que les principales figures de l’opposition en exil ont vu leurs candidatures recalées. Dans ces démocraties jumelles, la seule différence est le contexte sécuritaire. Au Tchad, l’enjeu sécuritaire reste de taille aux regards des heurts fréquents entre l’armée et les illuminés de Boko Haram.

 

Une nouvelle ère des dictatures en Afrique n’est plus exclue

 

Il plane donc sur le scrutin, une menace terroriste qui peut mettre des grains de sable dans la machine de Deby. Au Bénin, même si la partie Nord du pays jouxtant le Burkina Faso, a fait parler d’elle par des enlèvements d’expatriés dans le parc de la Pendjari ou des incursions de groupes armés venant des pays voisins, il n’ y a véritablement pas à l’horizon un péril sécuritaire qui pourrait gravement impacter le processus électoral. Il faut cependant garder l’arme au pied car les velléités d’expansion des groupes terroristes vers le golfe de Guinée, ne sont un secret pour personne.     De cette analyse comparée des enjeux électoraux au Tchad et au Bénin, la conclusion que l’on peut tirer est que les deux pays donnent de la démocratie en Afrique, une piteuse image. Le cas de l’ancienne colonie française du Dahomey, est cependant le plus écœurant. Après avoir été une vitrine démocratique sur le continent, le pays s’est installé, avec l’avènement de Patrice Talon au pouvoir, dans la classe des cancres de la démocratie. Talon a vendangé tout l’héritage démocratique acquis de haute lutte par le peuple béninois et ce qu’il faut craindre aujourd’hui est que sa pratique fasse recette ailleurs. Une nouvelle ère des dictatures en Afrique n’est plus donc exclue après le vent d’espoir qu’avaient apporté le printemps arabe et ses répercussions au Sud du Sahara. Cela dit, le peuple béninois peut détricoter tout le système mis en place par Patrice Talon pour assurer sa réélection. Les Béninois ont, en effet, habitué la communauté internationale à de grandes leçons de démocratie et rien ne les empêche de rééditer les exploits qu’ils ont réalisés de par le passé. Quant au Tchad, il faut totalement en désespérer. Le mythe Deby a été construit dans le sang de ses compatriotes. Ce  pacte de sang qui le lie irrémédiablement à son peuple, agit comme une malédiction divine. En plus de subir les ardeurs du soleil et du désert de leur terre natale, les Tchadiens doivent ployer encore longtemps sous la férule d’une dynastie tyrannique en gestation et  qui ne peut leur offrir que des larmes.

 

« Le Pays » 


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