HomeA la unePRESUMEE SORTIE EPISTOLAIRE DE IYAD AG GHALY POUR UN CESSEZ-LE-FEU AU NORD-MALI : Le loup peut-il devenir agneau ?

PRESUMEE SORTIE EPISTOLAIRE DE IYAD AG GHALY POUR UN CESSEZ-LE-FEU AU NORD-MALI : Le loup peut-il devenir agneau ?


 

S’il y a un événement du moment  qui tient en éveil les Maliens et qui est commenté sous toutes les latitudes, c’est bel et bien la lettre qu’aurait adressée au président du Haut conseil islamique du pays, Mahmoud Dicko, le leader djihadiste touareg, Iyad Ag Ghaly. Des questions peuvent être formulées, à juste titre, à propos de cette missive. La première est de savoir si cette lettre est authentique. Car, à en croire la personne à qui elle a été adressée, c’est-à-dire Mahmoud Dicko, le doute n’est pas permis. Selon lui, en effet, la lettre a été écrite en septembre 2016 et est bien signée de la main de Iyad Ag Ghaly. Au cas où les dires de Mahmoud Dicko seraient avérés, l’on peut se permettre de faire le commentaire suivant. D’abord, l’on peut faire un lien entre la nouvelle posture de Iyad Ag Ghaly et le fait que la personne qui a été désignée par Bamako comme autorité intérimaire de Kidal, est un Touareg qui a la particularité d’être de la même tribu que le gourou d’Ansar Dine. Et ce choix de Bamako peut être décrypté comme un clin d’œil des autorités maliennes en direction du chef djihadiste à l’effet de l’amener à intégrer le jeu politique.

L’instinct de survie commande à Iyad Ag Ghaly de faire profil bas

Mais comme le gouvernement ne peut pas prendre le risque de le faire officiellement, au regard du fait que le principal concerné est inscrit sur la liste noire de la Communauté internationale comme djihadiste dangereux, Bamako a choisi de faire exécuter la besogne par des réseaux officieux. Et la personne qui a le plus le profil du métier est sans aucun doute, le président du Haut conseil islamique du Mali, Mahmoud Dicko. Cet imam, on le sait, est un partisan de la négociation avec les islamistes maliens. L’argument massue qu’il a toujours brandi, est que cette option permettra de les déconnecter des islamistes étrangers. Cette analyse tient d’autant plus la route, qu’à la question de savoir si le gouvernement malien est au courant de la démarche du Haut conseil islamique du Mali, Mahmoud Dicko a laissé entendre ceci : «  Ils savent que j’étais en train de démarcher ». Un autre élément que l’on pourrait verser dans ce rapprochement entre Bamako et le djihadiste touareg, via l’imam Dicko, peut être lié à la considération suivante : le gouvernement malien a pris conscience que Iyad Ag Ghaly a beau être un djihadiste, mieux vaut l’avoir avec soi que contre soi. En effet, l’homme passe pour être un redoutable guerrier qui n’a pas besoin de boussole pour se déplacer dans le septentrion malien. C’est pour cette raison qu’il porte l’appellation de « Lion du désert ». Il a donc une capacité de nuisance incontestée et incontestable. A cela, l’on peut ajouter le fait qu’il vient d’une famille féodale qui représente encore un grand symbole dans l’imaginaire des populations touaregs. Le dernier élément qui peut trouver sa place dans cette analyse qui accrédite le pourquoi d’un rapprochement entre le pouvoir de Bamako et Iyad Ag Ghaly, pourrait être lié au fait que ce dernier s’est rendu compte que l’option djihadiste était un chemin sans issue au regard de la croisade entreprise, ces derniers temps, par la Communauté internationale à Raqqa, à Mossoul et à Syrte contre les « barbus ». Et les monarchies du Golfe, avec à leur tête l’Arabie Saoudite, accusées à tort ou à raison d’avoir des atomes crochus avec certaines organisations djihadistes dont celle justement de Iyad Ag Ghaly, se sont associées à cette riposte de l’Occident. Dans ces conditions, l’instinct de survie commande à Iyad Ag Ghaly de faire profil bas en revenant à  de meilleurs sentiments. D’ailleurs, cette mue pourrait ne pas fâcher outre mesure la Communauté internationale ; elle qui, sous d’autres cieux, négocie en coulisse avec certains djihadistes. L’on peut, à titre d’illustration, évoquer le cas des Talibans dit modérés de l’Afghanistan. Cela dit, et pour autant que Bamako ne soit pas contre un rapprochement avec le gourou d’Ansar Dine, comme le laisse croire l’imam Mahmoud Dicko, l’on peut tout de même se poser la question suivante : un djihadiste de l’envergure de Iyad Ag Ghaly peut-il renoncer de son propre chef à son arme favorite, c’est-à-dire, la terreur pour revêtir le manteau de colombe ? Autrement dit, le loup peut-il devenir agneau ? Ceux qui ont une vision optimiste de la nature humaine, pourraient être tentés de répondre par l’affirmative. L’Imam Dicko pourrait être de ceux-là. Mais cette thèse pourrait être battue en brèche par bien des personnes. En effet, quand on observe la psychologie du djihadiste, on pourrait adhérer à cette vision des choses : jamais un djihadiste ne s’est véritablement prêté à l’exercice de la contrition.

Les Maliens et la Communauté internationale auraient tort de croire Iyad Ag Ghaly sur parole

Le seul qui s’y est déjà essayé est celui qui, récemment à La Haye, s’était confondu en regrets pour l’ensemble de ses basses œuvres dirigées contre les monuments du septentrion malien. Mais là aussi, l’on peut se demander si cela ne s’apparentait pas à des larmes de crocodile. De ce point de vue et pour autant que la missive de Iyad Ag Ghaly où il annonce un cessez-le-feu unilatéral soit authentique, les Maliens et la Communauté internationale auraient tort de le croire sur parole. Mais on ne sait jamais. Car, l’on peut se risquer à dire qu’aussi paradoxal que cela puisse être, la Communauté internationale donne l’impression que le scalp de Iyad Ag Ghaly ne l’intéresse pas. Autrement, elle a les moyens, si elle est décidée à l’avoir. Et le chef d’Ansar Dine n’est pas le seul avec qui les grandes puissances entretiennent des relations troubles. Mais si cela est vrai, l’on peut dire que l’Occident joue avec le feu. L’on a assisté dans le passé au cas de Oussama Ben Laden, cette créature des Américains pour contrer les Russes en Afghanistan. Le monstre a fini par se retourner contre ses géniteurs. La suite, on la connaît. Les Américains ont mis tous les moyens pour le neutraliser. Le jour où ils voudront que ce sort soit réservé à Iyad Ag Ghaly, ce sera un jeu d’enfant.

Il faut préciser, pour terminer, que la présumée sortie épistolaire de Iyad Ag Ghaly, intervient à un moment où d’anciens alliés de l’Azawad donnent de la voix pour signifier leur mécontentement à propos de la désignation des autorités intérimaires au Nord-Mali. Cela intervient également à un moment où un Malien, dissident du MUJAO (Mouvement pour l’unité et le jihad en Afrique de l’Ouest), vient de prêter allégeance à l’Etat islamique (EI). Tous ces faits ne sont pas de nature à rassurer les Maliens épris de paix pour leur pays. Ce sentiment peut être partagé par l’ensemble des populations du Sahel ; elles qui, depuis longtemps, du fait de la menace djihadiste, ne savent plus à quel saint se vouer.

« Le Pays »


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