PROCES DE LA TENTATIVE D’ATTAQUE DE LA MACA : Après le chauffeur de taxi-moto, le marabout rejette en bloc les faits
Les auditions des soldats de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP) et autres civils inculpés pour association de malfaiteurs et détention illégale d’armes à feu et de munitions de guerre se sont poursuivies hier 10 janvier 2017, avec l’audition du marabout accusé d’avoir voulu aider Madi Ouédraogo dans son coup. Le verdict dudit dossier pourrait tomber ce 11 janvier 2016.
Ladji Cheick Alassane Ouédraogo, c’est le nom du marabout soupçonné d’avoir voulu aider Madi Ouédraogo et autres soldats de l’ex-RSP qui projetteraient d’attaquer la Maison d’arrêt et de correction des armées (MACA) pour libérer les généraux Djibrill Bassolé et Gilbert Diendéré. Le « marabout », pour l’accusation, et « Ladji » pour la défense, est poursuivi pour association de malfaiteurs et détention illégale d’armes à feu et de munitions de guerre. Hier, 10 janvier 2017, il a été appelé à la barre pour être entendu sur ces chefs d’accusation. Ne s’exprimant pas bien dans la langue de Molière, un interprète est donc choisi pour lui par le Tribunal. Tout comme d’autres prévenus, il réfute la thèse de l’association de malfaiteurs et se défend contre la charge de détention illégale d’armes de guerre et de munitions. En effet, pour ce deuxième civil appelé à la barre après le chauffeur de taxi-moto, la détention d’armes de guerre par devers lui ne visait à aucun moment, à la libération des généraux Djibrill Bassolé et Gilbert Diendéré.
« J’ai dit au général que nous allons prier pour lui pour qu’il subisse une peine moins lourde »
Pourtant, il explique lui-même qu’il a effectué le déplacement de la MACA, le samedi 19 décembre 2015, en compagnie de Mohamadi Zallé, ex-RSP co-accusé, pour rendre une visite de courtoisie au général Gilbert Diendéré dont il a fait la connaissance chez un de ses vieux décédé. « Je suis allé m’enquérir de l’état de sa santé, au regard des situations qu’il a vécues (NDLR : Putsch manqué du 16 septembre 2015) », a-t-il soutenu. A la question du juge de savoir sur quoi a porté l’objet de leur rencontre, l’accusé se défend : « Le général ne m’a pas fait de commission ». « Mais ne lui avez-vous pas dit que vous pouviez faire des sacrifices pour qu’il puisse sortir de prison ? », lui a demandé le juge. Et l’accusé de répondre: « J’ai dit au général que nous allons prier pour lui pour qu’il subisse une peine moins lourde ». Un éclat de rire dans la salle. Et ce qui est à noter, selon le procès-verbal du juge d’instruction, c’est que dans l’après-midi du 19 décembre 2015, Ladji Cheick Alassane Ouédraogo était à la réunion tenue au domicile du caporal Madi Ouédraogo, situé sur la route de Pô, non loin du château de l’ONEA, avant le panneau de contrôle de la Police nationale. Est-ce pour faire le compte rendu de sa rencontre avec le général Diendéré aux soldats qui devraient y être ? Difficile de répondre par la négative, si l’on s’en tient aux dires de l’accusé. Pour lui, Madi Ouédraogo lui aurait demandé de venir à la réunion pour prier pour eux. Après insistance du parquet, Ladji Cheick Alassane Ouédraogo reconnaît avoir pris la parole au cours de la réunion. « J’ai conseillé Madi et ses camarades en leur disant que le projet qu’ils voulaient entreprendre compliquerait davantage la situation du général », a-t-il dit. A la question du Commissaire du gouvernement, Alioun Zanré, de savoir s’il n’avait pas ajouté quelque chose d’autre à la réunion, le marabout passe aux aveux : « Lorsque je me suis rendu à la réunion, je me suis rendu compte qu’ils (NDLR : les soldats) ne s’entendaient pas et je suis reparti ». Et le parquet de lui demander si malgré cela, il a prié et faits les sacrifices qu’il voulait faire pour le coup « foiré » de Madi Ouédraogo. « Si vous demandez qu’on prie pour vous et qu’entre vous-mêmes vous ne vous entendez pas, Dieu ne peut pas exaucer les prières », a réagi l’accusé, créant un éclat de rire dans la salle. Pourtant, c’est après cette réunion que Ladji Cheick Alassane Ouédraogo s’est rendu à Ramatoulaye, localité située au Nord du Burkina, pour une séance de prières et de sacrifices, ont révélé les PV du juge d’instruction. En s’y rendant, il prend le soin d’appeler son beau-frère, Sibli Gilbert Guira, chauffeur de taxi-moto pour lui demander d’aller chercher un sac à son domicile et de le mettre en lieu sûr. Chose que son beau-frère fera en enterrant le sac contenant deux kalachnikovs et des munitions, selon le parquet. Ce qui a prévalu à sa comparution devant le Tribunal militaire. Mais comment ce sac contenant des armes de guerres et de munitions est-il arrivé au domicile de Ladji Cheick Alassane Ouédraogo ? Pour s’expliquer, le « marabout » a souligné que le sac appartenait à Mohamadi Zallé et deux autres individus qui seraient passés chez lui un soir, pour lui demander de prier pour eux, au regard du « calvaire » qu’ils vivaient depuis la dissolution de leur corps, le RSP. « Lorsqu’ils ont laissé le sac chez moi, j’ai contacté le Caporal Zallé plus tard pour qu’il revienne le chercher», a laissé entendre l’accusé, après avoir souligné qu’il ne connaissait pas exactement le contenu dudit sac. Mais ce qui est clair dans cette affaire, c’est que, souligne le Commissaire du gouvernement, Alioun Zanré, le sieur Ladji Ouédraogo était conscient du contenu du sac, car de ce qui ressort de sa déposition, il aurait dit ceci: « Je ne savais pas ce que le sac contenait (…). Mais lorsque j’en ai vérifié le contenu, j’ai joint le Caporal Zallé au téléphone pour qu’il vienne chercher son sac ».
« Je ne connais pas la loi »
Dans les Procès-verbaux du juge d’instruction, il ressort aussi que la perquisition au domicile de Ladji Ouédraogo a permis de découvrir qu’il avait 3 pistolets automatiques dont un qui lui aurait été offert par l’ancien président du Faso, Blaise Compaoré. A la barre, l’accusé dit ne pas se reconnaître dans cette déposition, mais reconnaît être un bénéficiaire de la « caisse noire de Kosyam ». « Je partais demander de l’aide à la présidence », a-t-il soutenu. « Mais comment et à qui ?», lui a demandé le parquet. « On me contactait par téléphone. C’était une dame. Mais, je ne connais pas son identité », a-t-il fait savoir. C’est dans ces débats que l’audience a été suspendue aux environs de 12h40 pour reprendre à 14h.
A la reprise du procès, à 14h14, le président du tribunal tient d’abord à préciser un fait. L’interprète du jour a été remplacé pour des raisons indépendantes de sa volonté. Un changement qui n’entache pas du tout le cours du procès car, très vite, la parole est donnée au commissaire du gouvernement pour ses questions. La participation de Ladji à la réunion, revient sur la table. Celui-ci reconnaît avoir pris part à la réunion, mais juste pour aider ceux qui s’y trouvaient pour qu’ils puissent entrer en possession de leurs matériels perdus. Le commissaire du gouvernement poursuit son interrogatoire en demandant à Ladji pourquoi après avoir pris connaissance de ce qui se disait à la réunion, il n’a pas informé les autorités compétentes conformément à la loi. « M’pa mi la loi yé », a-t-il rétorqué, c’est-à-dire : « Je ne connais pas la loi ». Mais, le commissaire du gouvernement revient à la charge, cette fois-ci pour demander à Ladji s’il reconnaît oui ou non avoir déclaré, lors de la fameuse réunion, qu’une fois les généraux libérés, l’on pourrait utiliser son domicile pour les accueillir. « Général pa taar zaaka là ? », « Le général n’a pas de domicile ? », a-t-il répondu au commissaire. Pour le reste, Cheick Alassane Ouédraogo réfutera toutes les autres questions. D’ailleurs, la plupart des questions qui lui ont été posées dans la matinée, ont été reconduites dans la soirée. Et le commissaire du gouvernement de conclure que, pour lui, depuis le matin, Ladji est resté dans sa logique. « Une logique qui consiste à tout nier », a-t-il dit. Le sergent Zallé Mahamadi est alors appelé à la barre. Considéré comme le numéro 2 dans « l’affaire Madi Ouédraogo », il est également poursuivi pour association de malfaiteurs et détention illégales d’armes à feu. « Je reconnais partiellement les faits », a-t-il dit, après que le président du tribunal lui ait présenté les chefs d’accusation. « Expliquez-vous donc », lui a demandé le président du tribunal. Selon lui, c’est à la MACA qu’il a rencontré le sieur Haro Athéna. Celui-ci lui a fait savoir qu’il avait des problèmes pour réintégrer ses armes. C’est à ce moment qu’il a consenti à lui venir en aide. Rendez-vous a donc été donné et il s’est rendu chez Haro Athéna pour récupérer les armes et les réintégrer au niveau de son corps. Là-bas, dans les échanges, a poursuivi Mahamadi Zallé, le problème du matériel est revenu car tous deux, ils avaient perdu leurs matériels depuis l’assaut du camp Naaba Koom II. C’est à ce moment qu’il a fait cas de Ladji comme une personne ressource qui pouvait les aider à récupérer leur matériel. Les armes dans un sac, ils se sont donc rendus chez Ladji, accompagnés de Madi Ouédraogo. Un moment après les salutations d’usage et les présentations, Madi Ouédraogo et Haro Athéna se sont retirés, le laissant seul avec Ladji. Quelques temps après, il fut contraint de prendre congé de Ladji pour aller chercher sa mère à la gare, en prenant le soin de lui confier les armes. Depuis ce temps, il a été pris d’un mal de dos qui l’a empêché d’aller récupérer les armes. S’agissant de l’association de malfaiteurs, le sergent Zallé a confié qu’il s’était, en effet, rendu chez Madi Ouédraogo, le 19 décembre. Selon lui, dès que ce dernier a pris la parole pour leur parler du matériel perdu, un caporal du nom de Claude Ido l’interrompit, pour leur dire de laisser tomber cette affaire d’armes et d’aller libérer leurs camarades qui souffrent à la MACA. « Un caporal plus petit que nous et qui a la bouche plus que nous tous », a-t-il fait remarquer avant de poursuivre que dès qu’il a entendu les propos de Ido, il l’a sommé de se taire parce qu’ils ne s’étaient pas réunis pour cela. « Je lui ais dit, mon petit, je comprends ta souffrance, mais laisse ça tomber », a ajouté Mahamadi Zallé. Après cette intervention, toujours selon le sergent Zallé, des contestations se faisaient entendre au sein du groupe. Lui, a-t-il ajouté, s’est simplement retiré pour aller chercher de la cigarette. A son retour, le groupe s’était dispersé. Après les interrogations et les observations du commissaire du gouvernement et de l’avocat, le présumé cerveau de l’affaire a été appelé à la barre. Il s’agit du caporal Madi Ouédraogo. Nous vous proposons de lire son déballage dans notre article intitulé, « Nous sommes ici parce qu’on a refusé de participer au complot de Zida pour renverser Roch ».
Mamouda TANKOANO et Adama SIGUE
ENCADRE : Le verdict dudit dossier caporal Madi Ouédraogo pourrait tomber aujourd’hui
Ce 11 janvier 2017 pourrait être un jour déterminant dans le procès de la tentative d’attaque de la MACA. En effet, si les choses avancent vite et bien, le verdict du dossier caporal Madi Ouédraogo et autres personnes poursuivis pour association de malfaiteurs et détention illégale d’armes à feu et de munitions de guerre pourrait tomber aujourd’hui. Le présumé cerveau du coup, le caporal Madi Ouédraogo dont l’audition est déterminante dans ce procès, a débuté hier, 10 janvier, dans l’après-midi. Tout comme les jours précédents, des révélations pourraient « pleuvoir » ce 11 janvier.