HomeA la unePROCES DU DICTATEUR HABRE ; Ils sont nombreux sur la liste d’attente !

PROCES DU DICTATEUR HABRE ; Ils sont nombreux sur la liste d’attente !


Au deuxième jour de sa comparution forcée devant les Chambres africaines extraordinaires à Dakar, l’ex-président tchadien, Hissène Habré, a vu son procès reporté au 7 septembre prochain, pour permettre à ses avocats commis d’office de s’imprégner du dossier. Si l’on en est arrivé là, c’est parce que le dictateur tchadien, qui cherche par tous les moyens à se soustraire à la justice, a interdit à ses conseils légalement constitués de se présenter devant cette Cour dont il dit ne pas reconnaître la compétence. Comme on le voit, après avoir martyrisé nombre de ses compatriotes au cours de ses huit ans de règne, Hissène Habré ne veut tout simplement pas répondre de ses actes.

 

L’impunité et la longévité au pouvoir sont les poisons de la démocratie en Afrique

Et l’on comprend la déception et l’amertume de ses victimes qui se voient obligées de patienter encore pendant 45 jours avant de voir revenir à la barre, leur bourreau qui n’a pas manqué de les narguer en faisant un signe de victoire, suite à la décision de la Cour d’ajourner son procès. D’autant plus que, comme l’a fait remarquer un défenseur des droits de l’Homme, « l’ironie, c’est que Hissène Habré, qui a déjà envoyé des milliers de personnes en prison sans procès, doit bénéficier, qu’il le veuille ou non, d’une défense ».

Mais il faut saluer la Cour, dans sa volonté de dire le droit pour rendre justice aux victimes. L’essentiel est que ce procès aille jusqu’à son terme et que le cas Habré serve de leçon à tous ces dictateurs qui ne savent pas gérer le pouvoir d’Etat avec

droiture ni modération. Utilisant la force publique et les moyens de l’Etat pour se maintenir durablement au pouvoir, en usant bien souvent de trafic d’influence, de la terreur et de la corruption pour forcer le respect de leurs compatriotes. Certains en arrivent à penser qu’ils ont un droit de vie et de mort sur leurs compatriotes, et ne se gênent pas de montrer leur toute puissance. C’est pourquoi la plupart de ces chefs d’Etat ont leurs placards remplis de cadavres. Et c’est ce qui explique, quelque part, leur volonté de s’accrocher au pouvoir par tous les moyens, pour ne pas avoir à répondre de leurs actes.

Oubliant bien souvent que la roue de l’histoire tourne et que comme dit un adage africain, « quelle que soit la durée de la nuit, le jour finira par se lever ». Tôt ou tard, viendra l’heure de la reddition des comptes, comme c’est le cas de Hissène Habré aujourd’hui. Et cela est heureux. Car, l’impunité et la longévité au pouvoir sont les poisons de la démocratie en Afrique. Les deux sont d’ailleurs liés. La seconde entraîne souvent la première en ce sens que quand les dictateurs durent au pouvoir, ils finissent par se croire tout permis. Certains sont tellement enivrés qu’ils en viennent à se croire investis d’un destin messianique. Leurs compatriotes finissent, dans bien des cas, par se résigner, et les courtisans se multiplient. A un moment donné, ils sont nombreux, y compris lui-même, à penser qu’il ne peut plus partir. C’est alors la porte ouverte à toutes les dérives, abus et turpitudes : détournements de deniers publics, népotisme, gabegie, assassinats, musèlement, etc. Les casseroles s’empilent et les placards se remplissent de macchabées. A un moment

donné, il n’y a plus d’autre solution que de s’accrocher par tous les moyens au pouvoir pour maintenir le pied sur la dalle des disparus et des scorpions.

Bien souvent, c’est l’Occident qui produit les dictateurs

C’est pourquoi le cas Habré doit donner à réfléchir à toutes ces têtes couronnées du continent. De leur gestion du pouvoir dépendra le sort qui sera le leur après le pouvoir. Malheureusement, au vu de la situation d’ensemble du continent, il y a lieu de croire qu’à la suite de Hissène Habré, ils sont nombreux sur la liste d’attente, à emprunter les chemins tortueux de la mal gouvernance et de la dictature qui ne pourront que les conduire, un jour, devant le tribunal de l’histoire. A l’image du Soudanais Omar el Béchir, du Burundais Pierre Nkurunziza, du Camerounais Paul Biya, des Congolais Sassou Nguesso et Joseph Kabila, et la liste est longue, tous des prédateurs de la démocratie sur le continent, et autant de candidats sérieux à la succession de Habré à la barre.

Pourtant, certains chefs d’Etat africains ont prouvé qu’il y a bien une vie après le pouvoir et qu’il n’y a aucun mal à jouer le jeu de la démocratie à fond et à passer le témoin. Sont de ceux-là, le Malien Alpha Oumar Konaré, le Ghanéen John Jerry Rawlings, le Tanzanien Jakaya Kikwete et tous ses prédécesseurs, etc. Aussi longtemps qu’ils vivront, ces chefs d’Etat circuleront librement, la tête haute, d’un bout à l’autre du continent et même de la planète, avec la reconnaissance de leur peuple et les honneurs dus à leur rang. Pendant ce temps, les cancres de la démocratie qui n’auront pas réussi à préserver leur pouvoir, seront obligés de mener une vie d’errance, dans la hantise d’être rattrapés à tout moment par leur passé et leurs actions. Et cela, sans le soutien ni la protection de ceux-là qui les ont pourtant soutenus à bout de bras lorsqu’ils étaient au pouvoir, et qui ont grandement contribué à les élever au rang de démiurges. Car, il faut bien se le dire, si beaucoup de dictateurs africains agissent ou ont pu agir avec autant d’assurance, c’est qu’ils bénéficient dans l’ombre de soutiens puissants, surtout de la part des occidentaux. Bien souvent, c’est l’Occident qui produit les dictateurs, en acceptant de fermer les yeux sur certaines dérives, tant que cela ne touche pas à leurs intérêts, ou en collaborant à leur fournir les moyens de leur politique. C’est pourquoi il faudrait de plus en plus penser à situer la part de responsabilité et de complicité des uns et des autres, afin que ce genre de procès aient une plus grande portée pédagogique.

En tout état de cause, il faut que ce procès aille jusqu’à son terme et que justice soit rendue aux victimes de Hissène Habré qui attendent, depuis 15 ans voire plus, que leur bourreau réponde de ses actes. Ce serait un comble si Habré réussissait à se déjouer de tout le monde. C’est pourquoi, la Cour ne doit pas se laisser distraire par le comportement de cet ex-président qui avait droit de vie et de mort sur tout ce qui respire au Tchad.

« Le Pays »


Comments
  • LePays, vous avez oublié de citer Blaise Compaoré. Lui aussi a des cadavres sous le placard. On l’a mis en accusation mais ils se trouve des chantres de l’impunité qu’il appellent inclusion pour crier à l’injustice.

    23 juillet 2015

Leave A Comment