HomeA la unePROCES DU PUTSCH MANQUE « Ce que j’ai vécu m’autorise à souhaiter le changement de régime » (Me Herman Yaméogo)

PROCES DU PUTSCH MANQUE « Ce que j’ai vécu m’autorise à souhaiter le changement de régime » (Me Herman Yaméogo)


 

L’audition de Léonce Koné s’est poursuivie devant le Tribunal militaire le 19 octobre 2018. Sur les déclarations favorables au changement de régime, l’accusé reste fidèle à lui-même, mais estime que cela ne fait pas de lui un soutien du CND d’alors. Après lui, c’est Hermann Yaméogo qui passe à la barre pour se voir notifier les chefs d’inculpation, à savoir : complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, coups et blessures volontaires sur 42 personnes. Ce que l’accusé Hermann Yaméogo rejette catégoriquement.

Lorsque Me Hervé Kam, avocat de la partie civile, revient sur des faits qu’il impute à l’accusé Léonce Koné, celui-ci laisse entendre, en réaction, que ce sont « une fiction un peu surréaliste ». Sur l’argent collecté, l’accusé indique que ce sont des ressources constituées d’aides privées dont une partie est constituée de ses ressources propres. Il estime que c’est inexact, mensonger, de dire que c’est de l’argent qui vient des autorités ivoiriennes, avant de préciser que « c’est mon argent que j’ai fait transférer », ce sont « des fonds privés issus de personnes privées » qui n’ont pas servi à soutenir un putsch. Dans une sorte de détail sur les fonds reçus, il est plus explicite : « une partie provient de ma propre épargne, une autre provient d’amis et une autre encore vient d’aides d’amis à qui j’ai demandé du soutien dans le cadre de la préparation des élections ». Il rappelle qu’une partie de l’argent reçu a été mis à la disposition du CDP, son parti d’appartenance, en vue d’activités de campagne pour parer au plus pressé, en quelque sorte, dit-il. « Ce n’est pas avec 50 000 000 de F CFA qu’on fait une campagne, c’est à des centaines de millions et même à des milliards », fait-il observer. Pour ceux qui suspectent la période d’envoi de l’argent, Léonce Koné est sans ambages : « peu importe la période, nous étions à un mois de la campagne législative et ce n’est donc pas un délit de faire rentrer de l’argent au pays », se convainc-t-il. Il donne des précisions sur le changement de régime auquel lui et ses camarades de parti étaient favorables le 20 septembre 2015, « cela, dans le cadre des négociations avec les chefs d’Etat de la CEDEAO ». A travers une déclaration, rappelle-t-il, nous nous opposions au retour de Michel Kafando au pouvoir, parce que jugé responsable des problèmes du moment. En lieu et place donc de Michel, Léonce Koné et ses camarades ou amis membres de la coalition pour la république demandaient qu’un autre civil conduise la Transition dans un processus évolutif. Léonce Koné ne comprend d’ailleurs pas pourquoi les autres membres signataires de la déclaration de la coalition ne sont pas convoqués pour répondre de la déclaration politique, dans le cadre du dialogue. Lorsque Me Hervé Kam prend la parole, il laisse entendre qu’il y a quelque chose de bien en Léonce Koné, à savoir sa constance, en raison peut-être de son âge, dit-il. L’avocat dit n’avoir jamais fait mystère de ce que l’accusé a soutenu le coup d’Etat, indiquant que « jamais, le régime putschiste n’a pu s’installer ». Selon l’avocat, « la concertation pour changer le régime, la mobilisation de vos militants, votre présence aux côtés des putschistes, vos encouragements leur demandant de persister », c’est tout cela le soutien au putsch, c’est cela l’attentat à la sûreté de l’Etat, explique l’avocat à l’accusé Léonce Koné à la barre. « Les pro-inclusions sont des pro-putschistes », lui signifie l’avocat qui insiste en disant que « les manifestations organisées visaient à maintenir le CND au pouvoir et c’est cela l’attentat à la sûreté de l’Etat ». Il n’en fallait pas plus pour que l’accusé se désole face à ce qu’il considère comme « l’énormité de la bêtise qui consiste à accuser les gens de choses graves sur la base d’éléments non tangibles ». Il demande à l’avocat de donner un élément permettant de dire qu’il (Léonce Koné) a participé à une conjuration et rappelle ceci à son égard : « Le 31 octobre 2014, vous sortiez du camp Guillaume, l’allure martiale, très vaillante, pour la conquête du pouvoir de Kosyam. Cela fait de vous un complice des assassinats, des coups et blessures avant, pendant et après les évènements des 30 et 31 octobre 2014 ». A propos du désaccord avec les déclarations de la CEDEAO qui demandait le retour de la Transition au pouvoir avec Michel Kafando, Léonce Koné se veut clair : « Nous étions d’accord sur le principe que ce soit un civil à la tête de la Transition, mais pas Michel Kafando, pour une raison simple : il n’a pas assumé ses responsabilités face aux problèmes et la loi votée est liberticide, n’est pas démocratique et exclut des gens ». Ses pairs de la CEDEAO ont demandé de laisser le Code électoral tel qu’il était, de faire respecter la primauté du droit, ce que Michel Kafando n’a pas fait ou fait valoir, déplore l’accusé qui dit avec fermeté : « je fais de la politique, je ne fais pas des putschs », faisant comprendre du même coup ceci : « on a eu un compromis dynamique …, ne venez pas me dire que nous avons fait une rébellion contre la CEDEAO ». Pour Léonce Koné, Michel Kafando n’était pas celui qui pouvait diriger le pays dans un processus électoral inclusif. Il considère d’ailleurs qu’« on passe du temps à pinailler sur des choses qui n’en valent pas la peine, qui ne permettent pas de dire en quoi je suis complice du coup d’Etat ». Quand l’avocat cite des « médiateurs » censés résoudre la crise, l’accusé indique que c’étaient des gens désignés pour régler les crises nées avec le RSP, mais pas des médiateurs nationaux qui n’avaient aucune compétence pour résoudre un problème national comme la crise que le pays traversait. Cette réaction aide à éclaircir le puzzle sur le putsch, selon Me Hervé Kam selon qui l’accusé qualifie l’insurrection de putsch pour descendre les autorités de la Transition. Un mobile qui n’est d’aucun secours pour le criminel en droit pénal, assure l’avocat. « Même si le 31 octobre 2014 il y a eu coup d’Etat, cela n’efface pas l’infraction que vous avez commise », fait-il savoir à l’accusé. En réaction, Léonce Koné confie : « l’évocation du coup d’Etat du 31 octobre 2014 n’est pas un mobile de ce qui est arrivé le 16 septembre 2015 ». Il laisse savoir au passage que ça l’a amusé de voir Me Kam dans les photos, où il était en train de gravir les marches du pouvoir. La défense de l’accusé produit une pièce que les avocats de la partie civile, après une pause de 10 mn, considèrent comme une véritable pièce à charge contre l’accusé.

« Le chemin n’est plus loin pour qu’on vienne au pouvoir pour mettre fin à la gouvernance calamiteuse »

Le parquet dit déceler des contradictions dans les déclarations de la CPR (Coalition pour la république) de laquelle était membre le parti de l’accusé (CDP), du fait que la situation lui échappait avec l’arrivée des troupes des autres garnisons militaires. Me Antoinette Ouédraogo, conseil de l’accusé, dit qu’en l’absence de preuves, les faits de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat ne sauraient être retenus contre son client. Elle considère d’ailleurs qu’il y a de la discrimination, puisque ceux qui ont fourni l’avion au général Diendéré (pour aller chercher du matériel de maintien d’ordre à la frontière de la Côte d’Ivoire ainsi que de l’argent), ne sont pas dans cette salle d’audience et Diendéré n’aurait rien pu faire si on ne lui avait pas donné un avion. A la fin de son audition, Léonce Koné regrette que des gens aient trouvé la mort ou aient été blessés du fait des violences politiques et s’incline devant la mémoire des disparus. Il rappelle ce propos du président sénégalais, Macky Sall, à savoir : « n’allumez pas un feu que vous ne saurez éteindre ». Pour l’accusé, cela prévaut encore aujourd’hui au Burkina et il souhaite que ce procès soit le dernier où des civils comparaissent devant un tribunal militaire ! « Nous n’avions jamais nourri le dessein de faire du mal à quelqu’un », clarifie-t-il, soulignant que certains OSC et membres du gouvernement sont responsables de la dégradation du climat sociopolitique. Pour lui, « se vanter d’incendier l’Assemblée nationale et perpétuer la célébration de cet acte est anormal ». Il se dit solidaire de Safiatou Lopez « en prise avec la vindicte du pouvoir », selon lui, solidaire du général Diendéré, de même que du général Bassolé qu’il considère comme « un camarade politique ». Le chemin n’est plus loin pour qu’on vienne au pouvoir pour débarrasser le pays de la gouvernance calamiteuse que l’on subit actuellement, dit-il.  Lorsque Me Hermann Yaméogo passe à la barre dans l’après-midi, il ne reconnaît pas les faits de « complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat ainsi que les coups et blessures sur 42 personnes » qui lui sont reprochés. Il indique avant cela, qu’on aurait gagné si une justice transitionnelle gérait « cette affaire » en lieu et place d’une justice militaire. Il précise que la thématique d’action et de référence de ceux qui ont géré la Transition est la triple violation de la Constitution. « Je n’ai jamais cru que les Burkinabè seraient capables de tant d’inhumanité », faisant allusion aux violences liées à l’insurrection, « des violences inégalées », selon ses mots, puisque sa maison a été incendiée. « J’ai vécu la haine , l’injustice, la prison et frôlé la mort plus d’une fois », dit-il. L’accusé qui salue le président du tribunal pour la qualité de la police des débats au cours des auditions, indique qu’il se situait dans l’esprit de la résistance face à l’exclusion intervenue par voie légale. Invité à dérouler son programme du 16 septembre 2015 et jours suivants, Me Hermann Yaméogo indique que le Colonel Kéré lui a dit qu’il y a eu l’arrestation des autorités de la Transition, le putsch, « d’une voix terne et caverneuse », selon ses mots. Le 17, il est rejoint par Emile Kaboré, Léonce Koné (son beau-frère) et bien d’autres amis pour rencontrer le général Diendéré pour comprendre les choses. Il prend part à la rencontre avec les chefs d’Etat de la CEDEAO à l’hôtel Laïco. Lorsque le parquet lui demande s’il cautionne les coups d’Etat, il indique que la Constitution prévoit le droit du peuple à la désobéissance civile. « Ce que j’ai vécu, m’autorise à souhaiter un changement de régime », indique-t-il, dans la mesure où le régime de la Transition avait exclu des citoyens de la participation aux élections en vue. Il se dit solidaire de la déclaration du PAP (protocole d’accord politique) qui, en son temps, approuvait la décision du CND de démettre le président Kafando de ses fonctions et de dissoudre le gouvernement. N’est-ce pas là votre soutien au CND, lui demande le parquet ? En réponse, il indique que « c’est ici que je vois le développement d’une théorie permanente du coup d’Etat ». Pour lui, tolérer qu’on refuse d’appliquer les décisions de la Cour de justice de la CEDEAO, d’accepter l’exclusion, d’empêcher que des partis politiques présentent librement des militants aux élections, ont été des erreurs. Il rappelle dans le temps qu’au Front républicain, ils ne voulaient pas de la modification de l’article 37 et demandaient un référendum à propos. Lorsqu’en son temps, la médiation de l’ex-président Jean-Baptiste Ouédraogo a échoué auprès du Front, ils voyaient venir le clash. Ce qui a motivé l’appel de Gaoua en son temps. Lorsque le parquet commence à interroger l’accusé sur la base de l’expertise téléphonique, il indique qu’il n’entend répondre aucunement à des questions s’y rapportant. « Des éléments non opposés à mon client ne sauraient être exploités dans ce débat », s’insurge Me Antoinette Ouédraogo, son conseil. Sur la question des fonds, Me Hermann Yaméogo indique que face à la crise, dans le cadre de l’officialisation de l’alliance et la préparation de la campagne électorale, il fallait un appel de fonds. Avez-vous déjà reçu de l’argent de la Côte d’Ivoire par avion, veut savoir le parquet ? « Même par drone, il n’y a rien d’extraordinaire là-dedans. C’est un simple jeu de coïncidences. Depuis 50 ans que je suis dedans, je sais que l’argent de la politique peut venir par tous les moyens ». L’audition de l’avocat Me Hermann Yaméogo continue ce lundi 22 octobre à partir de 9h à Ouaga 2000 dans la salle des Banquets.

Lonsani SANOGO


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  • Les auditions de Me Hermann Yaméogo au procès du putsch 2015 au Burkina constituent la partie politique évidente de cette affaire.En effet,les 19 et 22 Octobre 2018,Me Hermann Yaméogo est resté égal à lui-même dans sa position vis-à –vis du redressement démocratique que visait le Conseil Natiional de la Démocratie(C.N.D).En effet,tous les democrates convaincus du Burkina,de la CEDEAO et d’autres pays d’ailleurs ,ont condamné l’exclusion politique opérée par le régime partial de la transition.Ceux qui ont exclu une partie de la classe politique burkinabè aux élections présidentielles et législatives de 2015 en instrumentalisant l’ex président et premier ministre de la transition,Yacouba Isaac Zida,sont toujours les mêmes qui ont roulé ce dernier dans la farine, le contraignant actuellement à l’exil ,pour l’exclure de la politique.Aucune juridiction crédible, ne s’aurait admettre que les déclarations de soutien de Me Hermann Yaméogo et du Front Républicain ,ne relèvent pas d’opinions politiques.Les expressions d’opinions politiques par des déclarations,conférences de presse et meetings, sont des faits qui caractérisent essentiellement les activités des partis politiques.L’opposition et le parti au pouvoir continuent ainsi d’animer la vie politique au Burkina sur des questions diverses, avec des avis favorables et défavorables.Si les autorités burkinabè, par esprit de vengeance et de continuité de la politique d’exclusion ,forçaient pour condamner Me Hermann Yaméogo,Léonce Koné pour leurs opinions politiques,elles devraient condamner aussi la CEDEAO et tous ceux qui ont critiqué la politique flagrante d’exclusion du régime putschiste de la transition.Ce serait une justice des vainqueurs, comme le dit Me Hermann Yaméogo lui-même.On sait que ce type de justice ,ne tient pas la route longtemps et constitue un couteau à double tranchant pour les instigateurs.Le cas de la Côte d’Ivoire ,est illustratif où les vainqueurs ont compris la nécessité d’en venir à l’amnistie, pour la reconciliation nationale véritable.Pour ce qui concerne les déclarations et plaidoiries de Me Hermann Yaméogo,il reste à dire que de tout, il sera dressé procès verbal,l’acquittement s’imposant de droit.

    22 octobre 2018

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