HomeA la unePROCES DU PUTSCH MANQUE « J’étais contre le coup d’Etat mais … », dit le colonel major Boureima Kiéré

PROCES DU PUTSCH MANQUE « J’étais contre le coup d’Etat mais … », dit le colonel major Boureima Kiéré


L’ex-chef d’Etat-major particulier de la Présidence du Faso, le colonel major Boureima Kiéré, est à la barre le 13 novembre 2018 pour répondre des faits qui lui sont reprochés, à savoir « attentat à la sûreté de l’Etat, meurtres sur 13 personnes, coups et blessures volontaires sur 42 personnes ». Au deuxième jour de son interrogatoire, il décline toute responsabilité quant à son implication dans le coup d’Etat manqué.

A la barre, ce 13 novembre 2018, le colonel major Boureima Kiéré, chef d’Etat-major particulier de la Présidence du Faso au moment des faits, tente de se disculper. Pour ligne de défense, il fait comprendre que « la démission n’était pas la solution » et qu’il fallait qu’il soit à côté pour suivre l’évolution de la situation. « Si je démissionnais, ça pouvait être le chaos ». Réagissant à ces propos, Me Ali Neya demande à l’accusé de donner un exemple d’acte positif qu’il a posés de nature à se démarquer du groupe. Le colonel major affirme qu’il a mené des pourparlers pour libérer les autorités, participé à la réunion de sortie de crise. Il ajoute qu’il était en contact avec la famille du Président Michel Kafando et a pris des précautions pour la sécurité et la santé du chef de l’Etat. Mais Me Guy Hervé Kam, avocat des parties civiles, rétorque : « Il dit être resté faire de la médiation mais il n’en était rien parce que ce sont les chefs d’Etat de la CEDEAO qui sont venus faire la médiation et lui, il y a participé comme un membre du CND. La preuve est que c’est lui qui a signé la déclaration du CND ». Embouchant la même trompette, le parquet pose la question suivante : « Est-ce que le fait d’avoir signé la déclaration du CND ne fait pas de vous un membre de fait du CND ? », « Non, pas du tout », lance le colonel major qui déclare que c’est le contexte qui l’a amené à signer la déclaration, mais que cela ne veut pas dire qu’il est membre du CND. « Je ne suis pas membre du CND. J’ai reçu des instructions que j’ai exécutées », martèle-t-il. Tout compte fait, celui qui a été, durant 20 ans, l’aide de camp du Président Blaise Compaoré, confie : « J’étais contre le coup d’Etat mais compte tenu de certains risques de sécurité, je n’ai pas pu m’opposer ouvertement ». Du reste, le colonel major Boureima Kiéré avance que les motivations du coup d’Etat se résument en « l’exclusion politique, la dissolution du RSP, l’adoption de la loi sur la situation des personnels de l’Armée ». Lui particulièrement, n’avait pas de griefs mais sa « seule motivation, c’était la survie du RSP ».  Se basant sur les procès-verbaux, le parquet a voulu que le colonel major explique davantage le clanisme au sein de l’ex-RSP. Pour ce qui est des clans, l’accusé confie qu’il y en avait deux : le clan du Général Diendéré et celui de Yacouba Isaac Zida. « Ils existaient et se sont exacerbés pendant la Transition. Quand le Premier ministre Yacouba Isaac Zida est arrivé au pouvoir, les choses se sont exacerbées. Il mettait beaucoup de moyens pour recruter. Les moyens ont beaucoup joué. Des caporaux avaient des niveaux de vie élevés et il a été démontré que c’est le Premier ministre qui les alimentait. Ils roulaient dans des véhicules de
15 millions de F CFA ».

« Nous ne voulons pas d’un procès mouta-mouta »

Après l’épisode des clans, le parquet commence à lire des messages issus de l’expertise téléphonique du colonel major tout en lui demandant son avis sur lesdits messages. Le premier message : « Bonjour, il y a Boureima du « Reporter » et le Courier confidentiel qui ont dit que des jeunes veulent chambouler la Transition (…) » « Mon frère, mon soutien, tenez bon », (auteur Dr Zouré), « Demande au grand frère d’entrer en contact avec moi d’urgence. SVP ». Pour ce qui est de l’auteur de ce message, le parquet dit que c’est un officier général ivoirien tout en omettant intentionnellement de ne pas révéler l’identité de l’émetteur. Toute chose que les avocats des parties civiles ne digèrent pas. En effet, Me Prosper Farama intervient et veut savoir pour quelles raisons le parquet ne donne pas le nom des émetteurs des messages téléphoniques. Le parquet explique cela par le fait qu’il ne veut pas poser plus de problèmes entre la Côte d’ivoire et le Burkina. Et le fait de révéler les noms pourrait valoir l’ouverture d’une procédure de dénonciation contre eux. Mais Me Farama estime que l’argument avancé n’est pas légal et souhaite que pour la bonne marche du procès, l’identité des auteurs des messages téléphoniques soit révélée, « fussent-ils officiers généralissime d’un pays ami ». Et Me Séraphin Somé, avocats des parties civiles, d’ajouter que  si le procès n’est pas à huis clos, l’identité des auteurs des messages téléphoniques doit être révélée. « Nous ne voulons pas d’un procès mouta-mouta », conclut-il. Une intervention qui suscite de l’ironie chez Me Dieudonné Bonkoungou, avocat de l’accusé, qui signale le réveil tardif des avocats des parties civiles : « Ce n’est que maintenant que vous remarquez que c’est un procès mouta-mouta ? » L’autre avocat de l’accusé, Me Maria Mireille Barry, trouve que si le parquet a pu citer les noms du Reporter et du Courrier confidentiel qui sont au Burkina Faso, les autres identités peuvent aussi être révélées. « J’ai l’impression qu’il faut protéger certaines personnes et jeter d’autres en pâture », s’indigne-t-elle. Et Me Olivier Yelkouny de signaler que certains messages ne devraient pas être dévoilés en public, parce qu’ils peuvent porter atteinte à la sécurité nationale. Me Barry, offusquée, dit être d’accord que certains messages peuvent porter atteinte à la sécurité nationale, mais comme le parquet les évoque, elle va les utiliser si besoin en est, pour la défense de son client. Il a fallu l’intervention du président du tribunal pour mettre tout le monde d’accord. En effet, pour trancher, le juge Seïdou Ouédraogo déclare : « Le siège ne doit pas interférer dans la façon dont le procureur présente ses éléments. Il est loisible pour lui de les présenter comme bon lui semble. Nous ne pouvons pas enjoindre le procureur de donner l’identité des émetteurs et des destinataires des messages téléphoniques ».  L’interrogatoire du colonel-major se poursuit ce matin au Tribunal militaire délocalisé dans la salle des Banquets de Ouaga 2000.

Françoise DEMBELE

 

Quelques messages téléphoniques que le colonel major a reçus

-« Bonjour, il y a Boureima du « Reporter » et le « Courrier confidentiel » qui ont dit que des jeunes veulent chambouler la Transition (…) »
– « Ils ont plein de sujets sur le RSP ». Et l’émetteur demande de l’argent pour amener les représentants du Courrier confidentiel et du Reporter « devant bière et porc pour leur soutirer des informations et les noms des recrues ».
– « J’ai besoin de vous pour régler la question du technicien à la télé », (Madame Golf)
-« Mon frère mon soutien. Tenez bon »
– « Obtenir soutien Balai citoyen pour vous » (Même auteur que le message précédent)
– « Demande au grand frère d’entrer en contact avec moi d’urgence. SVP (officier général ivoirien)
– « Mon patron cherche à joindre le général. Urgent. Appelle sur ce numéro. Urgent » (Officier général ivoirien)
– « Mes respects mon colonel. Le CEMG souhaite savoir si la situation est calme » (Officier général ivoirien)
– « Prenez toutes les dispositions pour contrôler le Sud. On a l’impression que c’est le ventre mou. Il faudrait tout verrouiller là-bas sinon ça va être compliqué » (Officier général ivoirien)
– « Tenez au moins trois jours. Utilisez les réseaux sociaux, facebook et tweeter, pour faire croire que 500 militaires viennent de se rallier au RSP »
– « A la tombée de la nuit, coupez l’électricité et la communication »
– « Mon colonel, il n’y a que l’audace et la communication. Ne cédez pas. Mettez une équipe de communication efficace en place ».

* Le colonel major Boureima Kiéré et les 160 millions du Général Diendéré

Au cours de l’audience du jour, il est ressorti que le Général Diendéré a remis 160 millions pour « aider les soldats à faire face aux multiples difficultés liées à la situation. Le colonel major dit avoir remis 75 millions de F CFA à la trésorière et gardé par devers lui les 85 autres millions. Il a fini par dire qu’après, le Général est venu réclamer son argent mais il se trouvait qu’on avait déjà saisi les 75 millions. »

Rassemblés par FD


No Comments

Leave A Comment