HomeA la unePROCÈS EN APPEL POUR VIOL SUR UNE MINEURE AU MAROC  : Le cri du cœur de la défense sera-t-il entendu ?

PROCÈS EN APPEL POUR VIOL SUR UNE MINEURE AU MAROC  : Le cri du cœur de la défense sera-t-il entendu ?


Elle s’appelle Sanae. Elle a douze ans et est mère d’un enfant qui est le fruit d’un viol. Son histoire a indigné plus d’un au Maroc où ses bourreaux, trois jeunes hommes âgés respectivement de 25, 32 et 37 ans et reconnus coupables de viols à répétition, ont bénéficié d’une condamnation plutôt « clémente » de dix-huit mois à deux ans de prison ferme, au regard des peines encourues qui vont jusqu’à trente ans de prison ferme, selon le Code pénal marocain. C’est ce « tort » que cherchent sans doute à réparer les avocats de la victime qui ont interjeté appel du verdict, en demandant que l’affaire soit à nouveau jugée. Le procès en appel s’est ouvert le 13 avril dernier, dans la capitale du Royaume chérifien. La question que l’on peut se poser, est de savoir si le cri du cœur de la défense qui espère une révision de la peine à la hauteur du crime, sera entendu.  La question est d’autant plus fondée que ce n’est pas la première fois que de tels cas de viols sont traités par la Justice, qui passent pour des crimes véniels aux yeux de nombreux Marocains. Le suicide, en 2012, de la jeune Amina Filali, une adolescente de seize ans, contrainte à épouser son violeur, est encore frais dans les mémoires.

 

C’est un procès qui ne manquera pas de relancer le débat sur les droits des femmes et les violences qui leur sont faites

 

Cela avait créé une onde de choc et relancé le débat sur les violences sexuelles faites aux femmes ainsi que leurs droits, lequel débat avait abouti plus tard à l’abrogation d’une disposition de la loi permettant antérieurement aux hommes accusés de viol, d’échapper à des poursuites en se mariant avec leur victime mineure. Pour en revenir au cas de la jeune Sanae, au-delà du procès, l’objectif des avocats est de faire évoluer le débat sur la protection des mineures contre les violences sexuelles. « Nous espérons que justice sera rendue mais aussi que le débat sur la réforme législative de la protection des mineurs, s’intensifiera », a notamment lancé un avocat. Tout le mal qu’on leur souhaite, c’est de réussir dans ce combat qui s’annonce comme un combat de longue haleine. Un combat qui se mènera aussi bien dans le prétoire qu’en dehors du prétoire où de nombreuses associations sont mobilisées pour la révision dudit jugement. Au-delà, c’est un procès qui ne manquera pas de relancer le débat sur les droits des femmes et les violences qui leur sont faites dans une société marocaine en pleine mutation, mais encore profondément ancrée dans le conservatisme et où la femme est victime de nombreux stéréotypes. C’est dire si au-delà du cas de petite Sanae qui se veut aujourd’hui le symbole de la lutte contre les violences sexuelles et pour plus de dignité de la femme marocaine, c’est tout une mentalité qui est appelée à évoluer dans un contexte où de nombreuses considérations de la femme la placent bien trop souvent sous l’autorité et la domination de l’homme.

Mais cela ne devrait pas dénier à la femme ses droits, encore moins en faire la victime expiatoire de la toute-puissance de l’homme.

 

La non-sévérité des verdicts peut paraître comme une prime à la promotion de l’impunité

 

Mais pour pouvoir faire évoluer la loi, chaque acteur doit jouer sa partition. A commencer par le juge qui a le pouvoir de décider et de changer les choses, en raison de sa position centrale dans la société. Dans le cas d’espèce, au-delà des éléments d’appréciation qui ont pu le fonder à faire bénéficier les coupables de circonstances atténuantes, l’équité doit pouvoir transparaître dans ses décisions qui doivent aussi savoir garder leur portée pédagogique. Autrement, à force de trouver des excuses aux coupables de viols et autres violences sexuelles sur les femmes, la non-sévérité des verdicts peut paraître comme une prime à la promotion de l’impunité. Or, le viol est un crime trop grave pour rester impuni. Dans le cas d’espèce, être violée à onze ans et se retrouver mère malgré elle à douze ans, c’est tout une vie qui est, peut-on dire, ainsi déjà détruite. Et Dieu seul sait combien de petites Sanae souffrent en silence de telles violences sexuelles qui ne sont pas loin de paraître un sujet tabou et qui apparaissent, à bien des égards, comme la partie visible de l’iceberg des nombreux problèmes vécus par ces femmes et ces enfants. Il faut donc que les choses changent. Et en la matière, la Justice a un rôle déterminant à jouer. Mais au regard de la légèreté des peines infligées, tout porte à croire que pour le changement de mentalités, le Maroc a encore beaucoup de chemin à parcourir. Surtout dans une société qui passe pour être très conservatrice. Mais l’espoir est permis. Et c’est à travers des procès de ce genre que les lignes sont appelées à bouger. C’est dire si la Justice marocaine est face à sa conscience. Il lui appartient de se montrer à la hauteur de l’histoire.

 

 « Le Pays »


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