PROCESSUS ELECTORAL EN SIERRA LEONE : Le revirement spectaculaire du candidat malheureux
C’est un nouvel épisode dans le processus électoral en Sierra Leone. En effet, le candidat malheureux Samura Kamara conteste la victoire de son adversaire, Julius Maada Bio. Il a introduit un recours auprès de la Cour suprême à qui il demande « d’ordonner l’exclusion du décompte des bureaux de vote où s’est produit un bourrage d’urnes et d’invalider » la victoire du candidat de l’opposition dont la prestation de serment est prévue pour le 14 avril prochain. Or, pas plus tard que la semaine dernière, Samura Kamara avait reconnu la victoire de son adversaire Mieux, il était allé à la rencontre de son adversaire qu’il a félicité pour sa victoire. Morceaux choisis : « Je suis ici pour féliciter notre nouveau président, avec des membres de la direction de mon parti (…). Je vous souhaite bonne chance au moment où vous prenez les rênes de ce petit pays, mais assez compliqué. Mon parti, l’APC, entend apporter le soutien nécessaire à votre gouvernement », avait-il déclaré dans une ambiance pour le moins détendue, sur les bords de la piscine de l’élégante villa de Maada Bio.
On avait craint le pire
Quand on connaît les heurts et autres scènes de violences qui ont suivi la proclamation des résultats du second tour, on avait applaudi à tout rompre, tant on avait craint le pire. Car il s’agit là d’un happy end qui grandit la Sierre Leone. Car, si après la guerre civile qui a fait plus de 120 000 morts, et le virus de la fièvre Ebola qui a aussi endeuillé cette nation, le pays de Ernest Baï Koroma devait encore faire face à une crise post-électorale, c’en serait de trop. C’est le lieu d’ailleurs de rendre un vibrant hommage à tous ceux-là, en l’occurrence le clergé et les autorités coutumières, qui, de près ou de loin, ont joué un rôle pour que la Sierra Leone ne sombre pas. Quant au candidat malheureux, Samura Kamara, on lui avait dressé des lauriers pour avoir su se surpasser au nom de l’intérêt supérieur de son pays, évitant ainsi le risque d’une crise post-électorale. Mais le rétro-pédalage dont il vient de faire preuve prend de court plus d’un observateur qui croyait la parenthèse électorale refermée. Espérons seulement que Samura Kamara ne fera pas comme l’opposant kényan, Raïla Odinga, qui a passé le temps à ruer dans les brancards pour finalement, de guerre lasse, se rendre compte qu’il faisait fausse route. Conséquence, le Kenya se retrouve aujourd’hui avec une économie sérieusement éprouvée. A cela s’ajoutent les tensions communautaires qui, du fait des querelles politiques, se sont exacerbées, affectant ainsi l’unité et la cohésion nationales. Cela dit, il revient au président Maada Bio, une fois passés les moments d’euphorie qui ont suivi sa victoire, de mettre au travail. C’est à lui de savoir se montrer maintenant bon prince, en faisant en sorte qu’aucun Sierra Léonais ne se sente marginalisé pour une raison ou une autre. C’est à ce prix qu’il pourra construire un pays uni et prospère.
Maada Bio et Samura Kamara doivent se serrer les coudes
Certes, il a déjà annoncé la couleur en déclarant qu’il ferait tout pour que, désormais, aucun Sierra Léonais ne souffre pour son appartenance à quelque parti que ce soit. Mais il lui faudra mettre les bouchées doubles pour traduire cet engagement, ô combien salutaire, en actes concrets. Le nouveau président, Maado Bio, a d’autant plus intérêt à se montrer rassembleur que sont parti est contraint à cohabiter avec l’APC de Samura Kamara, qui, selon les résultats des législatives organisées parallèlement avec le premier tour de la présidentielle, a raflé la mise en obtenant plus de la moitié des sièges au parlement : 68 contre 48 pour le SLPP. Maada Bio n’a donc pas le choix. Il ne peut pas gouverner la Sierra Leone sans l’APC de Samura Kamara dont certains des militants ont vu leurs domiciles « vandalisés, pillés et incendiés ». Reste maintenant à savoir jusqu’où ira cette cohabitation qui, le plus souvent en Afrique, débouche sur des tirades, des injures et des provocations. C’est pourquoi, bien plus que de simples accolades, Maada Bio et Samura Kamara doivent se serrer les coudes afin de tirer leur pays vers le haut, à l’image des Libériens qui semblent avoir vaincu le signe indien. Ainsi, ils prouveront à la face du monde qu’au-delà de leurs ego surdimensionnés, ils sont des hommes d’Etat qui, non seulement aiment leur peuple, mais aussi se soucient de l’avenir de leur pays.
« Le Pays »