HomeA la unePROJET DE REVISION CONSTITUTIONNELLE EN RDC :L’Eglise catholique, sentinelle de la démocratie

PROJET DE REVISION CONSTITUTIONNELLE EN RDC :L’Eglise catholique, sentinelle de la démocratie


« Mieux vaut prévenir que guérir », dit l’adage. L’Eglise catholique de la République démocratique du Congo (RDC) vient, à travers son organe dirigeant qu’est la Conférence épiscopale, d’entrer dans une nouvelle phase de son refus de tout tripatouillage de l’article 220 de la Constitution du pays. En effet, le camp du président Joseph Kabila a donné des signes de sa volonté de charcuter la Constitution, pour permettre à son mentor de briguer un troisième mandat consécutif à la tête de l’Etat.

 

La Conférence épiscopale appelle à une opposition à la révision constitutionnelle

 

Face à ces velléités, la résistance s’organise. Et l’Eglise catholique qui, comme dans bien d’autres Etats africains, s’insurge contre les tripatouillages, n’entend pas s’en laisser conter. La Conférence épiscopale appelle à ce que son message d’opposition à la révision constitutionnelle visant à remettre en cause la limitation du nombre de mandats présidentiels, fasse partie intégrante de ses messages à l’endroit de ses ouailles de toutes les églises du pays. Ce niveau d’engagement de l’Eglise catholique, en RDC, est une grande première. Car, une chose est d’avoir une position, une autre est de se donner les moyens, comme elle le fait, de la défendre.

En réaction à cela, les tenants du pouvoir en RDC accusent l’Eglise catholique de leur faire un procès d’intention. D’aucuns estiment que l’Eglise se mêle de ce qui ne la regarde pas, sous-entendant qu’elle devrait exclusivement se consacrer à la chose religieuse. On peut bien comprendre ces réserves, au regard de la nécessaire séparation de l’Etat et des institutions religieuses dans un Etat laïc. On peut bien accepter que l’Eglise n’a pas vocation à mener une politique partisane dans un pays et que, de ce fait, elle doit pouvoir et savoir se tenir à équidistance des chapelles politiques. Mais les tenants de telles théories ont tendance à perdre de vue le fait que l’Eglise catholique a une vocation sociale très prononcée. Il est de notoriété publique que la charité occupe une place de choix dans le message de l’Eglise catholique. On sait également que l’Eglise catholique considère la politique comme une forme privilégiée de cette charité, un canal par lequel la charité doit pouvoir s’exprimer. C’est, du reste, fort de cela qu’elle exhorte ses fidèles à s’engager en politique, afin que des valeurs comme l’amour inconditionnel du prochain, la crainte de Dieu, l’esprit d’humilité, pour ne citer que celles-là, puissent être matérialisées au quotidien, aux côtés de leurs frères et sœurs et pour le bien de l’humanité.

Pour l’Eglise catholique, les guerres et les violences contre les vies humaines traduisent un échec de l’amour du prochain. Rien de plus normal alors que de prévenir ces maux. Elle en a non seulement le droit, mais aussi et surtout le devoir. Comment pouvoir se taire si l’environnement réunit toutes les conditions de leur perdition ? La Note doctrinale concernant certaines questions sur l’engagement et le comportement des catholiques dans la vie politique, publiée par le Saint Siège en 2002, ne dit-elle d’ailleurs pas que « quand l’action politique est confrontée à des principes moraux qui n’admettent ni dérogation, ni exception, ni aucun compromis, l’engagement des catholiques devient plus évident et se fait lourd de responsabilités » ? En prenant position comme elle le fait, l’Eglise catholique de la RDC refuse d’être complice, passive ou active du non-respect des principes moraux comme l’humilité, le respect de la parole donnée au peuple par ceux qui détiennent le pouvoir. Elle est restée constante dans sa logique, car on a en mémoire sa sortie concernant les résultats de la dernière présidentielle où le régime Kabila avait déjà dû s’illustrer de bien mauvaise manière, avec des résultats contestés. Son obstination à bloquer toute alternance comme si les opposants n’étaient pas des Congolais et avaient l’intention de brûler le pays, n’est ni raisonnable, ni acceptable, ni défendable.

 

En RDC, l’Eglise n’ignore pas qu’elle se met en danger

 

L’Eglise catholique entend rappeler qu’elle n’est pas dans la défense de l’intérêt d’un individu mais de celui du peuple. Elle ne peut se faire à l’idée d’homme fort, indispensable, qui n’est ni plus ni moins qu’une sorte de déification de la personne du chef d’Etat concerné. Elle ne peut être insensible à la dégradation du climat social qui est le corollaire de la boulimie du pouvoir. Et depuis bien longtemps, elle s’illustre, de par le monde, en faveur des pauvres et de la paix sociale et prend des positions, on ne peut plus osées. Par exemple, on se souvient de l’engagement politique, de l’Eglise au Brésil, dans les années 60, sur la base de ce qu’on a appelé l’ « option préférentielle pour les pauvres », avec les Evêques Dom Helder Camara et Oscar Romero entre autres. Pour ces prélats, il n’est pas suffisant d’aider les pauvres. Il convient surtout de chercher à savoir pourquoi ils sont pauvres, afin de donner un meilleur effet à l’aide qu’on peut leur apporter. Une façon d’attaquer le mal à la racine. On a aussi en mémoire cette sortie du Cardinal Paul Zoungrana qualifiant de « coup d’Etat béni » la prise du pouvoir par Saye Zerbo en 1980, tant la chienlit avait atteint un degré insupportable et le pays était dans un état lamentable. On se rappelle également la prise de position courageuse des Evêques du Burkina contre les velléités de modification de l’article 37 de la Constitution et la mise en place du Sénat par le pouvoir en place, pour qui ces initiatives controversées sont inopportunes et porteuses de germes d’une crise politique et sociale. Et on a maintenant cette décision combien audacieuse des Evêques de la RDC qui prévoient de tout faire pour empêcher le tripatouillage de la Constitution du pays avec son cortège de troubles et de violences prévisibles.

C’est dire que de façon générale, l’Eglise catholique n’hésite pas à donner de la voix quand elle l’estime nécessaire, face aux dérives des hommes politiques. Une voix bien audible et assumée. L’Eglise catholique, forte de son histoire, sait mieux que quiconque que la politique est si déterminante dans la vie des communautés, qu’elle ne peut pas prendre le risque de l’abandonner aux seuls politiciens, occupés à la seule satisfaction de leurs intérêts. Tout en se tenant à bonne distance des chapelles politiques, elle se fait le devoir de garder un œil avisé sur la vie politique et de tirer la sonnette d’alarme quand elle le juge nécessaire. C’est de bonne guerre.  Car, si les peuples ne se mettent pas debout, on assistera au retour des grands timoniers. Pourtant, en RDC comme ailleurs, cette Eglise n’ignore pas qu’elle se met en danger. Les prélats, par leur audace, s’exposent au courroux des princes du moment. Mais, bravant « ceux qui peuvent tuer le corps, mais ne peuvent rien contre l’âme », prenant courageusement le risque de ne pas bénéficier de financements et autres subsides de l’Etat, l’Eglise catholique veille et interpelle les consciences des « brebis égarées ». En un mot comme en mille, elle est la sentinelle de la démocratie dans bien des Etats d’Afrique et d’ailleurs. A l’opposé de nombreux intellectuels et organisations de la société civile qui ont choisi leur camp : celui du prince et de la dictature. Au point qu’on en vient à se demander ce qu’auraient été bien des Etats africains dont la RDC, sans cette Eglise catholique.

 

« Le Pays »


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