PROMESSE DE TRAQUE DES POURRIS DE LA REPUBLIQUE ET DE TRANSPARENCE DU SCRUTIN EN ALGERIE : Gaïd Salah peut-il faire un bon justicier ?
La page Abdelaziz Bouteflika tournée, l’Algérie fait maintenant face à un nouveau défi. Celui de la transition devant conduire à de nouvelles élections. C’est dans ce sens qu’au lendemain de sa nomination contestée, le président par intérim, Abdelkader Bensalah, a signé un décret fixant au 4 juillet prochain, l’élection présidentielle, pour tenir compte des 90 jours constitutionnels suivant la vacance du pouvoir. Dans la foulée, le patron de l’armée, le général Ahmed Gaïd Salah, a promis de veiller sur la transition. Il a notamment soutenu que « la préparation des élections présidentielles se ferait avec l’accompagnement » de l’armée, « qui veillera au suivi de cette phase (…) dans un climat de sérénité et dans le strict respect des règles de transparence et d’intégrité et des lois de la République ».
Aux yeux des contestataires, Salah fait lui-même partie des quarante voleurs de la bande d’Ali…Boutef
Il a aussi tenu à souligner que « la Justice (…) agirait en toute liberté pour entamer des poursuites judiciaires contre toute la bande impliquée dans les affaires de détournement des fonds publics et d’abus de pouvoir pour s’enrichir illégalement ». Gaïd Salah voudrait se porter garant de la transition algérienne qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Et son empressement à donner des gages au peuple en promettant, entre autres, de nettoyer les écuries de… Boutef, en dit long sur son intention de ne pas laisser le navire battant pavillon Algérie aller à vau-l’eau, mais surtout de jouer le rôle de pilier central de cette période de transition. C’est dire si après avoir poussé à la démission du président Bouteflika, Gaïd Salah veut, à présent, jouer les Zorro en Algérie. Seulement, le général a tendance à oublier ou feint d’ignorer qu’il était lui-même au cœur du système vermoulu de Boutef aujourd’hui vomi par les Algériens. C’est pourquoi l’on se demande si Gaïd Salah peut faire un bon justicier en Algérie. Car, il est bien beau de promettre des élections propres et transparentes, mais qu’est-ce qui prouve que l’armée, qui a toujours été au cœur de la gestion du pouvoir d’Etat en Algérie, ne préparera pas un candidat qu’elle fera émerger ? Mieux, au cas où l’élection irait à bon terme et que le peuple ferait son choix, quelle serait la réaction de la Grande muette ? Ne serait-elle pas tentée de lui mettre des bâtons dans les roues pour ne pas se faire harakiri ? Autant de questions qui pourraient légitimement fonder les craintes des contestataires qui ne veulent surtout pas voir leur révolution confisquée encore moins trahie. nEn outre, Gaïd Salah promet de faire rendre gorge à tous les pourris, « gangsters » et autres criminels de la République, alors qu’aux yeux de bien des contestataires, il fait lui-même partie, à bien des égards, des quarante voleurs de la bande d’Ali…Boutef. En tout cas, il y a lieu de se demander s’il est lui-même suffisamment propre pour mener une telle chasse aux sorcières qui ne dit pas son nom.
Quoi qu’il en soit, ne voulant pas sortir du cadre légal, le chef d’état-major a mis en garde contre les manifestations anti-régime, après avoir brandi la menace d’un « vide constitutionnel », à vouloir gérer la période de transition en dehors des institutions. Signe qu’après avoir caressé le peuple dans le sens du poil, Gaïd Salah n’hésitera pas trop à utiliser le bâton, au nom de l’ordre et de la légalité constitutionnelle.
Le général apparaît aujourd’hui aux yeux de beaucoup comme juge et partie
La rue est donc prévenue. Et comme l’œuf sait qu’il ne peut se permettre de danser sur un terrain caillouteux, la mobilisation de ce vendredi donnera sans nul doute le ton de la suite de cette transition dont l’armée s’est, d’ores et déjà, positionnée en vigile. Mais entre le général et la rue, on peut se poser la question de savoir qui aura le dernier mot. Car, tout porte à croire que l’on est bien parti pour un clash. Et il faut craindre qu’il soit sanglant.
En tout état de cause, l’Algérie est aujourd’hui à un tournant décisif de son histoire. En contraignant Bouteflika à rendre le tablier, la rue a, sans nul doute, marqué une victoire d’étape. Mais la partie est loin d’être gagnée, face à une armée décidée à s’imposer en ange gardien de la Transition après avoir été au cœur du système, là où le peuple ne jure que par un renouvellement de la classe dirigeante. Mais si le général Salah peine aujourd’hui à rassurer ses compatriotes, c’est dire combien il apparaît aujourd’hui aux yeux de beaucoup comme juge et partie. En tout cas, pour avoir été au cœur du système Boutef, il en est manifestement aujourd’hui la continuité en cette période transitoire. Comment, dans ces conditions, vouloir encore incarner le changement voulu par le peuple algérien ?
Si ce n’est pas un marché de dupes, cela y ressemble fort. Et le peuple algérien semble l’avoir compris. Quelle sera sa réponse ce vendredi ? On attend de voir.
« Le Pays »