QUERELLE DE LEADERSHIP AU SEIN DU FPI
Le 9 août 2021, l’ex-président Laurent Gbagbo a réuni à Abidjan, un « comité central extraordinaire » de son parti, le Front populaire ivoirien (FPI). Une façon de lancer officiellement son agenda politique après son retour au pays, sous la houlette de la haute direction du parti au sein de laquelle se comptent de nombreux cadres dont Simone Gbagbo qui était attendue pour tenir sa place de membre dudit comité et qui, à en croire certaines sources, a été très applaudie à son entrée dans la salle. Cette réunion a connu une forte participation et s’est tenue à huis-clos. Si, après son retour triomphal au pays suite à son acquittement par la Cour pénale internationale (CPI) dans les conditions que l’on sait, l’on pouvait attendre le Christ de Mama sur son terrain de prédilection qu’est la politique, l’on peut cependant se poser des questions sur sa stratégie de remobilisation des troupes qui semble tout, sauf inclusive. D’autant qu’elle se tient dans une sorte de querelle de leadership, notamment avec l’aile Pascal Affi Nguessan qui n’a pas été invitée et qui conteste la légalité de cette réunion.
L’ex-chef de l’Etat ivoirien semble avoir la dent particulièrement dure contre son ancien Premier ministre
C’est donc sans surprise que, comme une réponse du berger à la bergère, l’on apprend la convocation, par Pascal Affi Nguessan, d’une autre réunion des cadres du FPI légal, prévu pour se tenir le 14 août prochain. En attendant de savoir ce qu’il en sortira, l’on assite à une cacophonie qui n’honore pas l’historique parti d’opposition à Houphouët Boigny. La question que l’on peut se poser, est la suivante : à quel jeu jouent les leaders du FPI ? Surtout Laurent Gbagbo qui est en train d’entretenir la flamme de la division au sein de son propre parti, au lieu de jouer les rassembleurs comme l’on était en droit de s’y attendre. La question est d’autant plus fondée que l’ex-chef de l’Etat ivoirien semble avoir la dent particulièrement dure contre son ancien Premier ministre qui passait pourtant, à bien des égards, pour son « obligé ». Autrement, comment comprendre que le père-fondateur du FPI accepte, après sa traversée du désert judiciaire à la CPI, de rencontrer ses plus farouches adversaires qu’étaient l’ex-président Henri Konan et le chef de l’Etat ivoirien, Alassane Dramane Ouattara qui l’aura livré pieds et poings liés à l’institution dirigée à l’époque par Fatou Bensouda, et se refuse jusqu’à présent à accorder, ne serait-ce qu’une petite audience au porte-flambeau de son parti, qui est Affi Nguessan ? D’où est venue alors la cassure, si l’on peut ainsi le dire, du péché capital que ce dernier aurait pu commettre pour mériter un tel traitement de rejet de la part de celui par le nom de qui il a pourtant toujours juré ? Le moins que l’on puisse dire, c’est que le FPI a mal à sa cohésion. Pour un parti qui ambitionne de jouer à nouveau les premiers rôles sur la scène politique ivoirienne, cela est plutôt inquiétant. Car, si ce n’est pas une façon de se tirer une balle dans le pied, cela y ressemble fort.
On peut se demander si Laurent Gbagbo ne file pas du mauvais coton en exacerbant la division au sein de son parti
Et c’est peu dire que si les uns et les autres ne mettent pas d’ici là un peu d’eau dans leur vin, l’on peut craindre que ces querelles de leadership ne poussent in fine le parti à son implosion, comme on l’a souvent vu en pareilles circonstances. Car, autant Laurent Gbagbo a pour lui la légitimité historique de père-fondateur du parti, autant Affi Nguessan a aujourd’hui pour lui la légalité administrative de représentation du parti. C’est pourquoi, si le fossé doit continuer à se creuser entre les deux, l’on peut craindre à la longue pour le parti lui-même. Surtout si un troisième larron doit sortir du bois, avec une Simone Gbagbo que certains voient en embuscade, attendant son heure, depuis que la question de son divorce, étalée sur la place publique par le Woody, est venue jeter le trouble au sein des militants du parti. En tout cas, certains croient voir dans sa récente invite aux femmes à s’engager en politique pour y jouer davantage des rôles majeurs, lors des « Simone days » célébrées le week-end écoulé, une volonté d’afficher enfin au grand jour, ses propres ambitions dans la perspective de 2025. En attendant que l’histoire ne nous édifie sur la question, l’on peut se demander si après son retour, Laurent Gbagbo ne file pas du mauvais coton en exacerbant la division au sein de son parti et en tenant Pascal Affi Nguessan et compagnie à l’écart de son action politique.
« Le Pays »