HomeA la uneRAPPORT DE LA COMMISSION DUCLERT SUR LE GENOCIDE RWANDAIS

RAPPORT DE LA COMMISSION DUCLERT SUR LE GENOCIDE RWANDAIS


C’est un rapport cinglant sur la politique française au Rwanda entre 1990 et 1994, qui a été remis à Emmanuel Macron, le 26 mars dernier, par l’équipe d’historiens dirigée par Vincent Duclert, après avoir compulsé et analysé des milliers de documents qui pointent quasiment tous, du doigt « les responsabilités lourdes et accablantes » de l’Hexagone dans la tragédie qu’a connue le Rwanda pendant la première moitié de la décennie 90. Vincent Duclert et son équipe n’ont pas épargné François Mitterrand, de regrettée mémoire, alors aux commandes de la toute- puissante France, et qui entretenait une relation directe et personnelle avec son homologue rwandais Juvénal Habyarimana dont l’assassinat, le 6 avril 1994, a été le facteur déclenchant de l’une des plus grandes catastrophes humaines du XXe siècle. La France, comme chacun le sait, n’a jamais accepté de lever un coin du voile sur sa responsabilité ou sa culpabilité dans le massacre systématique d’avril à juillet 1994, de 800 000 personnes issues presque toutes de la minorité Tutsi. Même la promesse de François Hollande, en 2015, d’autoriser l’accès aux archives pour permettre d’élucider le rôle trouble et controversé de Paris dans le génocide, n’a pas été suivie d’effet, au grand dam des victimes et des associations de défense des droits de l’homme. Il a fallu attendre 2019 et la création de la commission Duclert par le très iconoclaste Emmanuel Macron, pour voir la France officielle se pencher sur l’implication réelle ou supposée de ses autorités politiques et militaires de l’époque dans la descente aux enfers du Rwanda. Si le rapport remis à l’Elysée en fin de semaine dernière, ne dit pas clairement que la France s’est associée à l’entreprise génocidaire, il a très sévèrement critiqué l’attitude des autorités françaises d’alors, qui avaient volontairement fermé les yeux face aux actes préparatoires du génocide perpétrés dès le début de la décennie 90 contre les Tutsis par les éléments les plus radicaux du régime Habyarimana.

 

La publication du rapport vient comme pour solder les comptes entre deux pays en froid depuis plus d’un quart de siècle

 

La commission note également la responsabilité personnelle du président François Mitterrand qui s’est abreuvé de rapports produits par ses conseillers politiques et militaires,  tendant à diaboliser  le Front patriotique rwandais (FPR) majoritairement tutsi, et à apporter son indéfectible soutien aux forces armées rwandaises, et ce, malgré les diverses alertes lancées sur la radicalisation d’une partie du régime hutu. En résumé, la responsabilité de la France est engagée simplement parce qu’elle n’a pas su ou voulu prévenir le génocide, mais elle n’est, en aucun cas, « complice » des tueries de masse perpétrées dès le déclenchement de la crise en début avril 1994. Pour certains analystes et défenseurs de droits de l’Homme, la production de ce rapport par une commission mise sur pied par les autorités françaises, est un pas de franchi, dans la recherche de la vérité sur les crimes commis au Rwanda, mais ils regrettent le fait qu’on n’ait pas révélé l’envers du décor de cette relation franco-rwandaise trouble  pendant le règne de Habyarimana, et particulièrement houleuse depuis l’arrivée du FPR et de Paul Kagame au pouvoir. La question que beaucoup se posent au lendemain de la publication de ce rapport, est celle de savoir si la France a été seulement responsable dans l’holocauste de 1994. Non, diront sans doute les rescapés et les témoins de l’histoire, qui ne manqueront pas de rappeler qu’en octobre 1990 déjà, des troupes françaises étaient intervenues aux côtés du régime hutu pour stopper une offensive sur Kigali lancée par Paul Kagame pour restaurer les droits des Tutsis exilés dans les pays limitrophes. Et que dire de cette présence de conseillers et d’instructeurs militaires français en 1993, sur la ligne de front, en soutien aux forces armées rwandaises qui étaient à la peine face aux troupes du Front patriotique rwandais de Kagame, alors qu’aux termes du premier accord de paix signé à Arusha en 1992, la France devait arrêter ses livraisons d’armes au Rwanda et ne devait plus avoir de troupes dans ce pays? Alors qu’on était en plein génocide en mai 1994, des humanitaires présents sur le terrain comme Jean Hervé Bradol n’avaient pas hésité à dénoncer l’implication de la France en affirmant que ceux qui mettaient en œuvre la politique planifiée et systématique d’extermination, étaient « financés, entraînés et armés par la France ». Si la France est incontestablement responsable de ce qui est advenu au Rwanda, elle continue de réfuter sa culpabilité dans le génocide de 1994 et affirme même avoir contribué à limiter les dégâts à travers les opérations ‘’Amarillys’’ pour exfiltrer les ressortissants étrangers et certains Rwandais dès le début des crimes, et ‘’Turquoise’’ pour faire cesser les massacres et pour protéger les populations. La publication du rapport de la commission Duclert vient donc comme pour solder les comptes entre deux pays en froid depuis plus d’un quart de siècle. Reste à savoir si cela suffira à satisfaire totalement les autorités rwandaises qui, soit dit en passant, saluent régulièrement la volonté affichée du président Emmanuel Macron de casser les codes, en exhumant les dossiers sales de son pays et en présentant ses excuses au nom de la République, que ce soit pour des faits commis au Rwanda ou ailleurs sur le continent.  

 

Hamadou GADIAGA


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