HomeA la uneRAPPORT DE L’UE SUR LA PRESIDENTIELLE GABONAISE : Le médecin après la mort

RAPPORT DE L’UE SUR LA PRESIDENTIELLE GABONAISE : Le médecin après la mort


 

Depuis le 12 décembre 2016, le rapport de l’Union européenne (UE) sur la présidentielle  gabonaise est tombé, mettant à nu l’opacité qui a entouré le scrutin. Le rapport, en effet, indexe des «  anomalies qui mettent en question l’intégrité du processus de consolidation et le résultat final de l’élection ». Et comme il fallait s’y attendre, ce rapport fait les choux gras des exégètes affiliés aux protagonistes de la crise électorale, chaque camp  essayant au mieux de tirer sur soi la couverture. Alors que Jean Ping affirme que ledit rapport confirme sa victoire,  le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, Bilie Bye Nze, met en doute sa crédibilité, en taxant d’invalide  l’échantillon de travail des observateurs de l’UE (10% des bureaux de vote). Et contre toute logique cependant, le gouvernement n’hésite pas à se saisir des recommandations du rapport pour alimenter sa communication politique. En effet, le ministre gabonais des Affaires étrangères, Pacôme Moubelet Boubeya, premier à recevoir la copie du rapport, en s’appesantissant sur les recommandations, a estimé qu’il s’agissait d’« un rapport qui arrive à point nommé, au moment où le président de la République vient de convoquer un dialogue politique. Ce sont des éléments qui peuvent être examinés par la classe politique si elle le souhaite ». S’il faut saluer la sortie de ce rapport qui indexe très clairement les insuffisances du processus électoral gabonais et reste en conformité avec la position prise par l’UE au lendemain de la proclamation des résultats, on ne peut cependant que déplorer sa parution tardive. Car, sauf à alimenter le bagout des thuriféraires du régime en place, il est à la limite inutile. Le voleur a déjà eu largement le temps de sécuriser son butin et pire, il a réussi à casser le front uni de l’opposition en appâtant certains de ses ténors par des portefeuilles ministériels ou  en les « enfeuillant ». Pire, ce rapport tardif peut avoir les relents d’un acharnement contre le régime d’Ali Bongo qui, d’ailleurs, n’hésite pas à crier au viol de sa souveraineté nationale. Si l’UE avait voulu faire preuve de pro-activité,  le rapport aurait été publié au temps fort de la crise électorale et aurait servi de viatique à la lutte de l’opposition.

Le rapport est un mauvais signal pour les démocraties africaines

Et pour plus d’efficacité, il aurait été assorti de sanctions pour contraindre le voleur du scrutin à plier l’échine. A défaut d’avoir raté le coche,  il n’est tout simplement qu’une piqûre indolore qui ne suffit même pas à donner la gratouille à Bongo fils, qui a déjà traversé la mare aux caïmans. Tout ceci laisse croire que  ce rapport est  une simple  opération de l’UE destinée à se laver les mains à la Ponce-Pilate, du dossier gabonais, afin de se donner bonne conscience. Au passage, il apporte du baume au cœur de Jean Ping qui se sentait abandonné par la communauté internationale après que celle-ci l’a contraint à user, sans succès, des voies de recours légales pour contester le hold-up électoral de son vis-à-vis. Mais Ping qui appelle l’UE, l’UA et les Nations unies  à tirer « toutes les conséquences de ce rapport », sait qu’il rêve les yeux ouverts. C’est dire donc que l’UE doit changer son fusil d’épaule,  si tant est que son objectif est d’œuvrer à l’ancrage de la démocratie sur le continent. Ce rapport a posteriori, même s’il constitue une invite à l’opposition gabonaise à ouvrir l’œil et le bon pour les scrutins à venir, est un mauvais signal pour les démocraties africaines. Les dictateurs, sachant que la politique du fait accompli est payante, n’hésiteront pas y recourir, et ce d’autant plus que la condamnation internationale peut se révéler tardive et sans conséquences. S’il y a donc un quelconque intérêt à tirer de ce rapport pour les Gabonais et les peuples africains assoiffés de démocratie, c’est qu’ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes dans leur lutte contre leurs dictateurs.

SAHO


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