HomeA la uneREACTION DE GUILLAUME SORO A SA CONDAMNATION

REACTION DE GUILLAUME SORO A SA CONDAMNATION


En réaction à sa condamnation, Guillaume Soro a eu ces mots très sévères : « Cet homme (ADO) qui porte aujourd’hui avec beaucoup d’aisance, les habits du dictateur, qui soumet la Justice à sa botte et commande des sentences de mise à mort politique contre ses rivaux afin de les exclure de la compétition électorale, incarne la pire version du dirigeant africain ». Et pourtant, il y a peu, lorsque Soro était aux affaires, le discours qu’il tenait à propos de la Justice ivoirienne qu’il voue aujourd’hui aux gémonies, était tout autre. En effet, l’ex-président de l’Assemblée nationale avait toujours rejeté l’accusation de « Justice des vainqueurs » que les adversaires politiques et autres défenseurs des droits de l’Homme, portaient contre le pouvoir du Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP) dont il était un membre influent. C’est dire si Bogota, ainsi qu’on le surnomme, savait que la Justice en Côte d’Ivoire était aux ordres.

Même quand on est au pouvoir, il faut travailler à préserver l’indépendance de la Justice

Mais non content de s’en défendre autrefois, il n’a jamais daigné lever le petit doigt pour essayer de changer la donne jusqu’à ce qu’il en soit lui-même victime. « Les monstres, dit-on, finissent toujours par dévorer leur géniteur » et Guillaume Soro l’aura appris à ses dépens. Moralité de l’affaire : même quand on est au pouvoir, il faut travailler à préserver l’indépendance de la Justice qui peut être parfois la seule bouée de sauvetage quand le vent vient à prendre une autre direction. Cela dit, dans cette affaire qui alimentera pendant longtemps encore les débats dans les gargotes en Côte d’Ivoire et même au-delà, le moins que l’on puisse dire, c’est que le juge a eu la main lourde. En effet, on lit clairement dans sa décision non seulement une réponse à la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP) qui, pas plus tard que la semaine dernière, avait ordonné la suspension du mandat d’arrêt émis par la Justice ivoirienne contre l’ex-président de l’Assemblée nationale, mais aussi la volonté affichée du pouvoir ivoirien de dire qu’il a l’initiative de l’action judiciaire au pays de l’Eléphant. Mais la question que tous se posent est la suivante : cette sentence judiciaire suffit-elle à enterrer politiquement Guillaume Soro ?  Bien malin qui saurait y répondre mais c’est, en tout cas, l’objectif de ce verdict qui ne va pas compter pour du beurre dans la carrière politique de l’enfant terrible de Ferké. Et pour cause. D’abord, il faut rappeler que Soro a acquis sa popularité dans l’arène des luttes estudiantines et dans le maquis et non pas sur le terrain du combat politique où il s’est fait plein d’ennemis qui, aujourd’hui, rient sans doute sous cape. Ces derniers temps, il a, certes, tenté de se rapprocher des leaders du Front populaire ivoirien (FPI) et du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), mais il serait naïf de croire que ceux-ci sont disposés à faire bloc autour de lui pour porter politiquement sa cause. Ensuite, cette condamnation, en plus de restreindre sa liberté d’aller et de venir, aura pour effet d’éloigner Soro de nombreuses personnalités officielles qui rechigneront désormais à s’afficher publiquement avec lui.

ADO laisse dans la conscience collective, l’image d’un homme à la rancune tenace

Il y a donc nécessairement, de ce fait, un important préjudice politique quand on sait que l’image et le carnet d’adresses comptent pour beaucoup dans la carrière d’un homme politique. Mais la pilule la plus amère à faire avaler à Bogota, c’est son exclusion de fait des échéances électorales prochaines en raison de la déchéance de ses droits civiques pour une durée de cinq ans. Il est ainsi condamné à une longue traversée du désert qui peut lui être politiquement fatale. Mais ce serait vite aller en besogne que de battre le tambour funéraire de la carrière politique de Kigbafori ; tant le guerrier dispose encore de flèches empoisonnées. L’on sait, par exemple, que beaucoup de choses se sont passées dans le maquis ou lors de la crise post-électorale qui a secoué la Côte d’Ivoire. Et Soro, ne voulant pas couler seul, pourrait faire des révélations fracassantes. Cela dit, il n’est pas exclu qu’il y ait encore un vol pour deux pour La Haye. Enfin, il ne faut pas oublier que la Côte d’Ivoire danse en permanence sur un volcan et n’est donc pas à l’abri d’un malheureux coup du sort qui pourrait venir redistribuer les cartes. Ce n’est pas une simple vue de l’esprit quand on connaît le nombre d’armes et d’hommes en armes qui sont dans la nature. Pour toutes ces raisons, ADO, le grand vainqueur de ce duel politique au sommet, se doit d’avoir le triomphe modeste car il laisse dans la conscience collective, l’image d’un homme à la rancune tenace, qui ne recule devant rien pour écarter ses adversaires politiques. Il n’est d’ailleurs pas exclu que cela se retourne contre lui car, dans son entourage, l’on doit commencer à se poser la question suivante : après Soro, à qui le tour ? Et ce n’est certainement pas cet héritage que l’on devrait attendre d’un houphouétiste quand on sait que le père de la nation ivoirienne, Félix Houphouët Boigny, fut avant tout, un homme de paix.

« Le Pays »

*Bogota : surnom donné à Guillaume Soro


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