RECHERCHE DE SOLUTIONS A LA CRISE MALIENNE : La société civile réussira-t-elle là où le politique a échoué ?
D’où viendra la paix au Nord-Mali ? L’on en est encore à se poser cette question, parce que le bout du tunnel semble encore loin, au regard des négociations qui piétinent à Alger. L’on a plutôt l’impression que l’on tourne en rond à Alger, aucun des protagonistes ne voulant lâcher du lest ni céder la moindre portion de terrain, au sens propre comme au sens figuré du terme. Pendant ce temps, les attaques sporadiques des insurgés continuent sur le terrain, tantôt contre les forces internationales, tantôt contre les troupes gouvernementales ou tout simplement entre fractions rivales. Cette attitude ambiguë des groupes armés brouille les cartes, certainement à dessein, pour ne pas avoir à faire de concessions qui ne vont pas dans le sens de leurs revendications. Si fait que les négociations sur la situation au Nord-Mali, ressemblent à un jeu de dupes où l’hypocrisie et le manque de sincérité sont devenus les choses les mieux partagées entre les protagonistes.
Chaque partie campe sur sa position, maintenant le pays dans une situation de ni paix, ni guerre
De ce fait, quand on pense avoir franchi un palier, certains événements sur le terrain viennent toujours remettre en cause les semblants de progrès enregistrés dans les discussions. Parfois, l’on a l’impression que les protagonistes sont engagés dans un tango savamment orchestré, où ils font chacun un pas en avant, et deux pas en arrière. Comment, dans une telle situation, peut-on espérer voir le bout du tunnel ? L’on tend plutôt vers l’enlisement où, à défaut de prendre le dessus sur l’adversaire, chaque partie campe sur sa position, maintenant le pays dans une situation de ni paix, ni guerre, préjudiciable à toute véritable action de développement.
Mais cela n’est pas sans danger pour le Mali. En effet, à ce rythme, la communauté internationale risque de se lasser de ces éternels recommencements au pays de Soundiata Kéita. Dans un monde où la récession frappe sans distinction, les bailleurs de fonds veulent voir clair dans les fonds qu’ils doivent mobiliser pour ce pays, parce que l’incurie d’une certaine classe dirigeante a fini d’entamer le peu de confiance que ces institutions accordaient encore aux dirigeants de ce pays.
C’est dans ces conditions qu’une forte délégation civile malienne, constituée de patrons de syndicats, d’éminents chefs religieux parmi lesquels l’archevêque de Bamako et le président du Haut conseil islamique ainsi que de responsables d’associations, ont quitté Bamako et entamé une tournée en Europe, pour un plaidoyer en faveur de la paix dans leur pays.
Au-delà de leur mission, cette initiative de la société civile malienne traduit, plus que les difficultés, l’échec du politique dans la résolution de cette crise qui pollue l’atmosphère et les relations entre concitoyens, sur les bords du fleuve Djoliba. Et la question que l’on se pose est celle de savoir si la société civile réussira là où le politique a échoué. En tout cas, c’est tout le mal que l’on puisse lui souhaiter. Car, il ne fait aucun doute que depuis les années des indépendances où cette question touarègue est régulièrement posée au pouvoir central de Bamako, les différents présidents qui se sont succédé au palais de Koulouba, n’ont pas su trouver une solution adéquate et durable à ce problème. De Modibo Kéïta qui a utilisé le bâton à Amadou Toumani Touré qui a essayé la carotte, en passant par Moussa Traoré et Alpha Omar Konaré, Bamako n’a jamais vraiment trouvé la réponse appropriée à cette épineuse question. Si bien que les préoccupations de cette frange de la population malienne sont demeurées irrésolues et la situation a empiré avec le temps.
Aucune initiative n’est de trop dans la recherche de la paix
Aujourd’hui, le président Ibrahim Boubacar Kéita (IBK) hérite d’une situation bien difficile, rendue encore plus complexe par la prolifération de différents groupes armés aux intérêts souvent divergents, qui, qui plus est, se sont imposés par la force des armes sur une partie du territoire dont ils ont le contrôle. Si fait que Bamako, qui voit sa souveraineté de fait sur ces territoires remise en cause, est obligée de négocier, parce qu’incapable de les reconquérir par la force.
Pendant ce temps, ce sont les pauvres populations, parfois contraintes à l’exil, qui en payent les pots cassés. C’est pourquoi il faut saluer cette initiative de la société civile malienne qui vole au secours du politique pour aider à dénouer l’écheveau dans cette crise qui n’a que trop duré, et qui empêche le pays de s’engager véritablement sur le chemin de la reconstruction et du développement. Car, aucune initiative n’est de trop dans la recherche de la paix, surtout quand rien n’a permis, jusque-là, d’aboutir à des résultats probants. Toutefois, cette initiative de la société civile malienne n’est pas sans rappeler celle des leaders religieux centrafricains, Monseigneur Dieudonné Nzapalainga et le grand imam de Bangui, Oumar Kobine Layama, qui s’étaient aussi fait les apôtres de la paix dans leur pays, en entreprenant une tournée mondiale. Le résultat avait été mitigé. C’est pourquoi les Maliens doivent éviter d’aller en simples touristes en Europe, s’ils veulent donner un contenu significatif à leur tournée. C’est en cela que leur action aura du mérite et des chances de faire bouger les lignes dans le sens souhaité. Et leur caution morale aux autorités de leur pays, en perte de vitesse et de crédibilité aux yeux de certains partenaires, pourrait aider à inverser la tendance et amener à plus d’engagement en faveur du Mali.
Mais il ne faut pas se voiler la face. La paix au Mali ne viendra pas de l’extérieur. Et personne ne viendra instaurer la paix dans l’ex- Soudan français, à la place des Maliens. C’est une disposition d’esprit et de cœur dont l’aboutissement dépend de la seule volonté des protagonistes eux-mêmes. Cela demande de la franchise et une ouverture d’esprit. Il est donc impératif que des actions, si ce n’est déjà fait, soient entreprises auprès des différentes populations et couches sociales maliennes, sur cette nécessité d’un dialogue franc et constructif pour espérer un retour à la paix.
Autrement, les Maliens auront beau parcourir le monde, ils ne trouveront jamais la paix tant recherchée et si chère à leur épanouissement.
« Le Pays »