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RECONQUETE DU TERRITOIRE NATIONALE : Une journée aux côtés de la compagnie « Wagner »  


Aux côtés des compagnies « Wagner » et « Tigre », du    Bataillon de marche mixte du Centre-Nord, situé à quelques encablures de la ville de Kaya, nous avons effectué une mission, le 20 octobre 2023.  Elle consistait à sécuriser   une équipe de techniciens chargés de rétablir des installations stratégiques sabotées par les groupes armés terroristes, à environ 25 kilomètres de Kaya. 

 

Vendredi 20 octobre 2023.  Il est 7h. Nous sommes au   Bataillon de marche mixte du Centre-Nord, situé à quelques encablures de la ville de Kaya.   Le Capitaine Bravo Kilo, en abrégé BK, rassemble ses hommes.  Le bataillon est composé de plusieurs unités. Il s’agit des compagnies Aigle, Chaka, Condor, Fanga-fing, Ratel, Wagner,  Tchè-Fari,  Tigre,  Tassouma.  Comme tous les jours, toutes les unités sont au rapport autour du commandant de la compagnie composée en grande partie des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP). Certains éléments reçoivent des félicitations et encouragements pour le travail abattu la veille. D’autres, par contre, sont réprimandés pour les limites constatées. C’est le lieu et le moment également de donner les instructions sur les opérations du jour.  Elles sont claires !   Sécuriser   le personnel d’une entreprise locale chargée de rétablir des installations stratégiques sabotées par les groupes armés terroristes. Lesquelles installations    serviront à améliorer les conditions de   vie des populations d’une commune nouvellement libérée du joug des terroristes. C’est une localité située à environ 25 kilomètres de Kaya.  « C’est une localité nouvellement libérée, mais l’on constate des tirs de harcèlement de temps en temps.   L’objectif des GAT est d’empêcher les populations de   récolter d’une part, et d’autre part, de voler le bétail », relève le capitaine.   Ce matin-là, ce sont les compagnies « Tigre » et « Wagner » qui sont chargées d’exécuter la mission. Pour rappel, une compagnie est une unité militaire de 100 à 250 soldats. L’opération sera coordonnée par le capitaine BK lui-même. Nous sommes aussi de la partie.  Avant de prendre la route, le capitaine nous fait visiter le camp où est logé le bataillon.   Des aménagements sont en cours de réalisation. Ici, tout se fait en fonction des moyens disponibles. « C’est le terrain qui commande la manœuvre », comme le disent les militaires. Des tentes de fortune qui servent de lieu pour garder les effets personnels sont installées pèle-mêle dans le camp.  

 

« Mon pays est attaqué. Je mets mes compétences à sa disposition pour le sauver »

 

Certains dorment à la belle étoile en dehors des temps d’intempéries.  « Nous avons des Bunkers ici. Vous les voyez », ironise le capitaine en montrant des abris en paille. Un peu plus loin, d’autres creusent des fosses qui serviront de toilettes. De l’autre côté, ce sont des soldats qui sont en entraînement pour corriger certaines imperfections constatées sur les théâtres des opérations. Là aussi, on utilise les moyens de bord pour s’entraîner afin de rester performants sur les théâtres des opérations.  Un peu plus à l’Est, se dresse la tente qui sert de dispensaire.  Elle est tenue par des VDP employés comme agents de santé mais encadrés et supervisés par un médecin militaire. A côté d’eux, se trouve l’atelier de réparation des engins motorisés. Ici, rien ne se perd, tout se transforme. Certaines motos sont supprimées ou démontées   pour en réparer d’autres. Cet atelier est occupé par un autre VDP qui était mécanicien dans une autre vie. « Mon pays est attaqué. Je mets mes compétences à sa disposition pour le sauver », soutient celui-là même qui dit être venu de l’Ouest du pays.  Après la visite guidée du camp,  le capitaine nous raconte quelques anecdotes dont nous nous faisons le devoir d’en relater quelques-unes. Il s’agit, entre autres, de celle de Tchè-Fari, de certains combattants. Tchè-Fari, en langue nationale dioula signifie un téméraire, en quelque sorte un homme fort, qui n’a peur de rien, qui ne se laisse pas faire. Venu de son Bobo-Dioulasso natal, un VDP national avait été déployé à Kaya après sa formation. Comme ses camarades, il a été envoyé au front où des combats féroces ont eu lieu. Il profitera de son retour pour disparaître dans la nature. Après recherche fructueuse, il avoue ne pas pouvoir continuer le combat, mais prend le soin de dire où se trouve le matériel. Sur son arme, il avait écrit comme nom de guerre, « Tchè- Fari ». Tchè-Fari, l’homme fort, qui n’a peur de rien et qui ne se laisse pas faire venait de déserter les lieux.  C’est d’ailleurs de lui que vient le nom de l’unité Tchè-Fari. L’autre anecdote que nous avons retenue, est celle de ce soldat fut qui grièvement blessé et qui disait qu’il ne voulait pas mourir.  « Un chef militaire doit encourager ses éléments, leur donner la confiance », dit le capitaine BK.  A l’issue d’un accrochage avec les terroristes, confie-t-il, un soldat avait été grièvement blessé.  Une grande partie de son corps avait été amputée par les balles ennemies. Et il disait : « Mon capitaine, je ne veux pas mourir ». Et le capitaine de lui répondre tout en le tenant par la main. « Qui te dit que tu vas mourir ? Non ! tu ne mourras pas. Voilà, moi je te tiens la main. Tu ne vas pas mourir ; nous allons repartir ensemble au camp. Mais je savais qu’il ne s’en sortirait pas.  Je l’ai tenu dans mes  mains jusqu’à ce qu’il meure », se souvient le capitaine.  D’autres histoires où certains combattants se sont évanouis sous l’effet des coups de feu, nous ont été racontées. Signalons que parmi les VDP, on trouve des fonctionnaires, dont    des agents de santé, des enseignants. Des étudiants font également partie des VDP. Certains ont même été retenus dans les différents concours des Forces armées nationales et quitteront très bientôt les rangs des VDP pour la formation militaire.   Parmi ce personnel déjà qualifié, nous avons rencontré un agent d’agriculture qui met désormais son savoir-faire à la disposition des jeunes pour la production agricole.  ” Je vais apprendre aux plus jeunes ce que je sais faire”, dit-il. Après les dernières instructions, les unités, en 2 colonnes motorisées, kalachnikov en bandoulière, quittent le camp aux environs de 8h. Direction, Passak Tenga (nom d’emprunt) où les travaux vont s’effectuer. Les binômes à moto sont appuyés par un engin blindé. Certains, en plus de la kalachnikov, tenaient des armes blanches comme des couteaux, des gourdins.  Nous étions dans la sous-unité Scorpion 21.  A la traversée de la ville de Kaya, les hommes sont applaudis par des élèves qui accourent pour les saluer de loin.  La progression se poursuit.  A quelques kilomètres de Kaya, les hommes du capitaine marquent un premier arrêt. Chaque colonne prend position de part et d’autre de la route.  Un mouvement suspect vient d’être signalé. Il faut s’assurer qu’il n’y a rien avant de poursuivre la mission.  Après quelques vérifications, rien à signaler. Les hommes peuvent poursuivre la progression. A quelques kilomètres de là, un autre arrêt est marqué. Un incident vient de se produire. Un VDP portant un gilet pare-balle a été aperçu. Et cela n’est pas normal puisqu’ils n’ont pas encore été dotés en gilets pare-balle.  Il faut le lui retirer. S’il l’a, c’est qu’il l’a obtenu frauduleusement. Après l’avoir maîtrisé et arraché le gilet, le commando poursuit sa route.  Un peu plus loin, un nouvel arrêt s’impose.  Nous sommes à l’entrée du premier village réinstallé.

 

L’état du véhicule témoigne de la violence des combats

 

 

Il faut vérifier s’il n’y a pas d’hommes armés dans les alentours du village.  Là, quelques femmes en pleine récolte d’arachides. Un peu plus loin, une carrosserie d’un véhicule militaire abandonnée. L’état du véhicule témoigne de la violence des combats au moment des faits. Nous profitons de cet arrêt pour échanger avec   un VDP qui quittait son village pour la ville de Kaya avec un fagot.  « Après notre enrôlement et notre formation, nous sommes organisés en sous-groupes pour défendre notre village », indique-t-il. C’est après avoir été chassés qu’ils sont revenus dans leur village. Après avoir échangé avec les villageois, le capitaine et ses hommes reprennent la route.  Mais un arrêt sera marqué à un kilomètre de là. Des suspicions d’engin explosif viennent d’être constatées à côté d’un village abandonné. Pendant que l’équipe de déminage fait son travail de recherche, d’autre éléments s’affairent à fouiller les maisons abandonnées. Au bout d’une trentaine de minutes, l’équipe de déminage confirme qu’il n’y a rien. Les hommes chargés de vérifier les maisons abandonnées font le même constat. Aucun élément suspect. La mission peut se poursuivre.  Mais le soleil est au zénith. La forte chaleur contraint les hommes à marquer un arrêt dans un village plus loin pour se désaltérer. Ceux qui ont de la monnaie achètent l’eau pour ceux qui n’en ont pas. Dans des villages plus grands que ceux que nous avons traversés jusque-là, on peut voir des magasins brûlés, des maisons détruites. Les stigmates des combats sont perceptibles. Mais tout cela est en train d’être de vieux souvenirs, puisque la population est de retour. On rencontre même de grands troupeaux de bœufs et de moutons. Nous profitons encore une fois de cette pause santé pour échanger avec un VDP de 68 ans.   « J’ai 68 ans.  J’étais agriculteur. Mais la crise sécuritaire nous a contraints à prendre les armes pour défendre notre territoire. Nous sommes de retour il y a environ un mois. Souvent certains groupes terroristes arrivent et tirent avant de prendre la fuite.  Quand c’est comme ça, chacun de nous prend une position et nous nous battons quand il le faut. Nous ne pouvons pas reculer », indique le sexagénaire.  Une dizaine de kilomètres plus loin, nous voilà au lieu où l’équipe de techniciens devrait effectuer les travaux. Les éléments composés des compagnies « Tigre » et « Wagner » forment un cordon de sécurité. Nous nous retrouvons en position avancée par rapport aux autres éléments.  Après environ une heure d’horloge de travaux, c’est le ouf de soulagement !   Les techniciens ont fini leur travail. Les hommes peuvent reprendre la route pour le retour. « Nous sommes venus avec une équipe de techniciens chargés d’effectuer des travaux pour permettre aux populations d’un autre village de s’installer dans les jours à venir. Chaque action que nous menons est en faveur de la population et suivant les ordres que nous recevons de notre groupement de forces.  Nous allons toujours travailler à pouvoir réinstaller les villages par rapport aux instructions que nous recevons de notre hiérarchie.   Les hommes sont motivés sur le terrain. Ils ont envie de travailler », se réjouit le capitaine BK. Un retour moins compliqué que l’aller. Après quelques heures de route, marquées par des arrêts, nous sommes de retour à Kaya. Mission accomplie !  Le capitaine BK vérifie pour savoir si tous les membres de son équipe sont de retour. « Rien à signaler ». En dehors des erreurs de position et des distances à respecter lors de la progression, tout s’est bien passé. Il félicite ses hommes et prend congé d’eux en attendant une nouvelle mission pour le lendemain.     Après la mission, nous avons eu droit à des échanges à bâtons rompus avec le commandant Amadou Sanou, commandant du Groupement de forces du secteur Nord (GFSN).  Des échanges avec le commandant Sanou, on retient que le GFSN s’étend sur 2 régions, à savoir celle du Nord et celle du Centre-Nord, donc sur 7 provinces.   Une opération débutée pendant la saison des pluies, est en cours pour empêcher la mobilité des groupes armés  terroristes.  Elle a permis d’engranger des acquis qui seront consolidés par d’autres opérations à venir. « Nous avons  eu une accalmie relative durant cette période », se réjouit-il.

 

« Si les VDP n’avaient pas été générés, à cette heure-là, nous ne serions pas assis ici »

 

Ce fut l’occasion pour l’officier supérieur d’apprécier l’apport des VDP dans la lutte contre le terrorisme.  « Si les VDP n’avaient pas été générés, à cette heure-là, nous ne serions pas assis ici », dit-il. « Il y a un groupe de VDP dont le nom de code est Wagner. Le premiers Wagner sont ceux qui étaient à Bourzanga. C’est d’ailleurs pour cela que certains ont dit qu’il y avait Wagner au Burkina Faso », a-t-il précisé.  Mieux, rassure-t-il, avant la prochaine saison des pluies, nous aurons 80% du territoire libéré.   A la question de savoir à combien l’on peut estimer, en termes de pourcentage le nombre de villages  libérés du joug des terroristes, le commandant répond : «   Je ne parlerai pas de chiffre mais de concret sur le terrain. Je n’avancerai pas de chiffre au risque de me tromper. Mais je sais qu’il y a beaucoup de zones qui ont été libérées. (…) Nous ne sommes pas friands des chiffres. »

 

 

Issa SIGUIRE

 

Origines des noms attribués aux unités

 

Quand les VDP arrivent nouvellement, ils sont appelés VDP nationaux. C’est sciemment fait pour fouetter leur orgueil. C’est après avoir fait leurs preuves qu’on leur donne un nom de code.  Aussi, un membre ne peut pas quitter une compagnie pour une autre. Ses membres ne peuvent pas l’accepter. Ils ont subi ensemble des épreuves, donc il y a l’esprit d’équipe.

 

La compagnie « Wagner »

 

« Les membres de la compagnie Wagner ont été les premiers à reprendre  une zone abandonnée depuis quelques années. Le jour où nous devrions y aller pour la première fois, ils m’ont posé la question suivante. « Mon capitaine, est-ce que nous pouvons y aller ?” Je leur ai répondu par l’affirmative. « Vous pouvez”. Ceux qui sont là-bas ne sont-ils pas des Hommes comme vous ? ils meurent comme vous.  Et ils sont pas partis. Les choses n’étaient pas faciles parce qu’ils ont vécu des situations difficiles sur le terrain. Mais grâce à Dieu, tout s’est bien passé et ils ont réussi la mission.  C’est depuis ce jour qu’ils ont décidé de s’appeler Wagner ».

 

La compagnie Tigre

 

«Pour le nom Tigre, ils sont allés dans un village qui venait d’être attaqué. La population était en train de fuir. Informés, les éléments ont pris le chemin pour aller dans ce village. Arrivés, ils leur ont demandé où ils allaient. Ils ont répondu qu’ils quittaient le village pour Kaya. Les éléments ont dit de revenir parce qu’ils allaient rester dans le village. Et ils sont restés, ils ont ratissé autour du village, chassé les terroristes. C’est ainsi que le village est resté. C’est de là que vient le nom tigre. »

 


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