HomeA la uneRECUSATION DE SAID DJINNIT : Le Burundi trace la voie

RECUSATION DE SAID DJINNIT : Le Burundi trace la voie


 

Envoyé dare-dare par le Secrétaire général  des Nations unies pour calmer le jeu dans  la bagarre qui oppose le pouvoir burundais à son opposition politique vent debout contre un 3e mandant de Pierre Nkurunziza, Saïd Djinnit vient de recevoir en plein visage le coup de poing d’une opposition pour le moins furax. Un uppercut cinglant  et d’une rare netteté, qui a certainement fait voir des étincelles à l’envoyé spécial de Ban Ki-Moom, Saïd Djinnit.  L’homme est-il à plaindre ? Rien n’est moins sûr. En tout cas, la vingtaine de formations et partis d’opposition burundais ne décolère pas. Elle lui reproche d’avoir trahi sa confiance.  En un mot comme en mille,  d’avoir été un drôle de médiateur ! Le tort de Saïd Djinnit aurait été, en effet, entre autres, d’avoir transmis un rapport aux chefs d’Etats d’Afrique de l’Est, réunis récemment à Dar-es-Salam, qui n’évoque   aucunement la question cruciale de la constitutionnalité du 3e mandat du satrape burundais – la base, pourtant,  de tout le  drame burundais. Pire, Saïd Djinnit aurait outrepassé son rôle, apportant son soutien au mandat querellé de Nkurunziza. Vrai ou faux ?  En tout cas, déjà mal en point dans son face-à-face avec le pouvoir, l’opposition s’estime fragilisée par cet arbitre jugé partial, qu’elle suspecte de vouloir sa perte. Rien d’étonnant donc qu’elle ait  fini par envoyer Djinnit dans les cordes. Un médiateur récusé, une première s’il en est sur le continent ! Mais plutôt que d’en pleurer, il faut s’en réjouir et pour deux raisons ! D’abord, parce que la récusation du diplomate onusien, n’a pas été du goût du pouvoir burundais, qui  ne s’en est pas caché ; toute chose qui ne peut qu’éveiller, à juste titre, davantage de soupçons. Saïd Djinnit, l’homme de Nkurunziza ? Une chose est sûre : il  fait l’affaire de celui-là qui aura vu passer le vent du boulet, un certain 13 mai 2015.  Du reste, quel reproche le pouvoir de Bujumbura pourrait-il  faire à M. Djinnit, lui qui est sorti satisfait, renforcé et ragaillardi par les conclusions du sommet de Dar-es-Salam qui aura réussi le tour de force de faire le black-out sur le 3e mandat contesté de Nkurunziza ?

Le capital de crédit de Saïd Djinnit vient de voler en éclats

Ensuite, parce que le rejet du diplomate par l’opposition burundaise, pourrait ouvrir la voie à bien d’autres  levées de bois verts contre d’autres médiateurs en Afrique, s’ils venaient, eux aussi, à être soupçonnés de partialité au bénéfice de dictateurs du continent. Alors, on a envie de dire : que l’exemple burundais fasse des émules, tant, en la matière, bien des médiateurs dépêchés sur le continent ont fini par plonger leurs mains dans le cambouis de la partialité et du discrédit! Vivement que ces « sauveurs » qui passent parfois pour être plus enclins à sauver des satrapes en peine  qu’à venir au secours de peuples en danger de mort, soient conspués et renvoyés d’où ils viennent !  Il est immoral et amoral de vouloir s’amuser avec le destin d’un peuple. En tous les cas, il urge de sortir du vieux et improductif schéma des médiateurs imposés.  L’opposition, tout comme la société civile, devraient avoir leur mot à dire quant au choix du médiateur appelé à régler leur différend avec des pouvoirs en place opposés à toute idée d’alternance.  Et si une telle démarche devenait la  règle,  c’est la démocratie qui s’en trouverait plus renforcée, pour le plus grand bonheur du continent. Et c’est en cela qu’on a de la peine à comprendre la réaction de Ban Ki-moon ainsi que de l’Union européenne qui n’ont guère apprécié la position de l’opposition burundaise. Le Secrétaire général de l’ONU a réaffirmé sa pleine  confiance et son soutien à son envoyé spécial. Quant à l’Union européenne, celle-là même qui s’est clairement affichée contre un 3e mandat du président Nkurunziza, elle appelle l’opposition à reprendre langue avec Saïd Djinnit, au motif que ce qui prime avant tout, c’est le retour à la paix au Burundi. Pour autant, faut-il à tout prix imposer un médiateur contesté ? L’opposition et la société civile burundaise n’ont-elles pas le plein droit de récuser Saïd Djinnit ? En tout cas, leur avis doit compter. Il ne doit pas passer comme de l’eau sur les plumes d’un canard. Autrement, ce serait vouloir faire leur bonheur à leur place. Djinnit n’est pas la seule compétence qu’on puisse trouver sur terre. Certes, on invoque la raison selon laquelle le temps presse. Mais, n’est-ce pas le prix à payer, comme le soutient d’ailleurs l’opposition, pour que ces pourparlers aboutissent à une solution durable ? Saïd Djinnit  n’est pas indispensable.  Et il l’est d’autant moins que son capital de crédit vient de voler en éclats. Et c’est pourquoi il serait d’ailleurs préférable qu’à l’avenir, le rôle de médiateur sur le continent, soit de plus en plus dévolu à des personnalités  qui sachent faire preuve d’entregent certes, mais de fermeté quand il le faut. Des personnalités qui n’éprouveraient aucune peur ni complexe à discuter avec  tous ces chefs d’Etat boulimiques de pouvoir,  pour avoir eux-mêmes été anciens chefs d’Etat. C’est sûr, ces gens-là sont plus disposés à dire leurs quatre vérités, pour peu qu’ils aient été des parangons de démocratie. Ce genre de médiateurs, l’Afrique en a grandement besoin! Un  casting sur le continent,  livrerait à coup sûr une cuvée respectable : John Jerry Rawlings, Alpha Omar Konaré pour ne citer qu’eux. Ces oiseaux rares pourraient rendre encore bien des services au continent, dans  ce nouveau rôle que l’Afrique gagnerait bien à leur confier.

« Le Pays »


Comments
  • Je trouve votre article très instructif, merci pour tous ces éléments. Comme le dit le vielle adage “Le bien-être est la loi des corps, mais l’ordre est la loi des esprits”. Bonne continuation !

    14 août 2015

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