HomeA la uneRECUSATION DES EXPERTS DE L’UA PAR LA COUR CONSTITUTIONNELLE AU GABON   Un refus suspect

RECUSATION DES EXPERTS DE L’UA PAR LA COUR CONSTITUTIONNELLE AU GABON   Un refus suspect


 

Alors que le suspense de l’attente du verdict de la Cour Constitutionnelle au Gabon arrive à terme, l’un des représentants de  cette institution en charge de l’homologation des élections, vient de couper court aux espoirs de l’opposition de voir arriver à Libreville, des experts de l’Union africaine pour surveiller le recomptage des procès-verbaux du Haut-Ogooué, du nom de cette province où Ali Bongo a  réalisé le raz-de-marée de  95 %  des votes. L’UA n’aura finalement donc pas de droit de regard sur le processus de validation des résultats de l’élection présidentielle du 27 août 2016. Pas plus qu’il n’y aura de recomptage des procès-verbaux,  mais juste un contrôle  de leur régularité. Ainsi en a acté la Cour constitutionnelle. Le motif avancé est que «  les juges de la Cour constitutionnelle rendent leur verdict au nom du peuple » et « prêtent serment ». Si l’on peut comprendre cette récusation de l’équipe des juristes de l’UA au nom du principe de la souveraineté et du secret des délibérations de la Cour, l’on peut s’interroger sur la pertinence de l’argument mis en avant. En effet, l’on peut se demander ce que vaut encore un serment sous nos tropiques. Tous ces chefs d’Etat accro du pouvoir, qui rivalisent de stratégies pour tripatouiller les Constitutions aux fins de pérenniser leur règne, ont tous juré lors de leurs cérémonies d’investiture de les respecter et de défendre leur peuple. La suite, on la connaît. Dans le cas d’espèce, l’inquiétude est d’autant plus fondée que la Cour constitutionnelle est suspectée de rouler pour le pouvoir. La maîtresse du jeu qu’est Marie-Madeleine Mborantsuo, en sa qualité de présidente de la Cour, doit sa nomination et son extrême longévité de 18 ans à la tête de l’institution à feu le président Omar Bongo Ondimba, le père de Ali Bongo Odimba. On peut d’ailleurs s’étonner qu’au regard des fortes suspicions qui entourent cette élection, la Cour constitutionnelle n’ait pas saisi au vol cette opportunité d’accueillir la mission de l’UA, pour faire  preuve de transparence et de bonne foi.

Si le peuple gabonais se laisse faire, il pourrait bien être le dindon de la farce 

En prenant ainsi le risque d’appareiller seule, elle encourt aussi le risque d’endosser seule les risques de dérapages et leurs conséquences éventuelles. Il ne faut cependant pas trop se lamenter du sort de paria réservé par la dame Mborantsuo et ses pairs à l’UA. L’organisation panafricaine s’est fourvoyée dans bien des crises sur le continent, quand tout simplement elle ne les a pas enlisées. On peut d’ailleurs s’interroger sur le rôle  que ces experts auraient pu jouer dans  le contentieux gabonais, quand on sait que l’instance continentale avait déjà délivré son quitus à l’élection. En tout cas, il aurait été mal aisé pour les commis à la tâche,  de voler dans les plumes de leurs hiérarques, sauf à penser que l’institution a appris la leçon et qu’elle veut se dédouaner de ses errements. On comprend alors qu’Ali Bongo qui a la mainmise sur la Cour, n’ait voulu prendre aucun risque. Maintenant que la Cour a clairement opté pour les travaux à huis clos, l’issue du conclave ne fait plus pratiquement aucun doute. Pour rendre digeste l’amère potion, elle procédera sans doute à des légers réaménagements qui ne remettront fondamentalement pas en cause les résultats soumis à validation par la CENAP. Et si malgré tout, ce placebo ne produisait pas l’effet escompté, il resterait encore la camisole de la force pour museler le peuple. Le président Ali Bongo semble s’y préparer en se rendant personnellement aux obsèques d’un policier mort au cours des affrontements qui ont suivi la proclamation des résultats provisoires par le ministre de l’Intérieur. Le message est, on ne peut plus clair : galvaniser les forces  de sécurité  dans  leurs tâches de répressions de la rue.  Mais peut-être que tout cela n’est que conjectures et qu’in fine, la guerre de Troie n’aura pas lieu.  Peut-être que Jean Ping, dans cette foire aux empoignes politico-familiales, saisira la main tendue d’Ali Bongo qui se propose d’ouvrir avec lui un dialogue. Dans ce cas de figure, si le peuple gabonais se laisse faire, il pourrait bien être le dindon de la farce.

 

SAHO


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