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REELECTION D’ALI BONGO : Un triomphe sans gloire


 

Ali Bongo Ondimba (ABO) est-il un président mal élu ? C’est la question que l’on pourrait se poser, au regard de la froideur qui a accueilli la nouvelle de sa réélection, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de son pays, à l’issue du règlement du contentieux électoral porté par son challenger, Jean Ping, devant la Cour constitutionnelle gabonaise qui a finalement tranché en sa faveur, dans des conditions que beaucoup de Gabonais et d’observateurs jugent peu orthodoxes. Cette question est d’autant plus fondée que jusque-là, le président gabonais tarde à recevoir, comme il est de coutume en pareilles circonstances, les chaleureuses félicitations de ses pairs. Quelques rares dirigeants parmi eux, se contentant de « prendre acte » ou de « prendre note », sans plus. Ainsi en va-t-il dans la plupart des grandes capitales occidentales comme Paris ou Washington, tout comme au siège de certaines grandes institutions internationales comme l’ONU et même l’UA. Même au niveau des Etats individuellement pris, les congratulations officielles se font attendre puisque l’on n’a jusque là entendu ni vu personne se fendre d’une quelconque déclaration dans ce sens. Toutes choses qui donnent à sa victoire, les allures d’un triomphe sans gloire.

Ali Bongo risque de traîner comme un boulet à son pied, cette image de président mal élu

En vérité, il y a comme un malaise qui entoure la réélection contestée du rejeton d’Omar Bongo, au plus haut sommet des Etats et des grandes institutions internationales où tout le monde semble gêné aux entournures. Et personne ne paraît disposé à ramer à contre-courant de la clameur générale, en apportant ostensiblement une quelconque caution morale à la victoire d’ABO, frappée de discrédit parce qu’acquise dans des conditions douteuses, en raison de l’opacité qui aura entouré les procédures au niveau de la Cour constitutionnelle, malgré les appels répétés à la transparence pour vider le contentieux.  Si fait que l’on peut être porté à croire que le locataire du palais de bord de mer vit aujourd’hui, un véritable spleen, suite à cette réélection qui est loin de soulever les enthousiasmes, aussi bien au niveau de ses compatriotes que de la Communauté internationale. Si ce n’est un rejet d’une victoire acquise dans la douleur, et qui devrait lui permettre de sauver la face à bien des égards, cela y ressemble fort. Et ABO ne peut en tirer aucune fierté. D’autant plus que de toutes les consultations électorales  qui se sont tenues sur le continent, cette année, aucune n’a souffert d’un tel degré de suspicion au niveau du décomptage des voix, au point d’être vue comme un véritable hold-up. Aussi est-on porté à croire que pendant longtemps, Ali Bongo risque de traîner comme un boulet à son pied, cette image de président mal élu, si ce n’est simplement celle d’une victoire usurpée. Une victoire à la Pyrrhus, dont beaucoup pensent qu’il la doit largement aux institutions de la république à sa solde, chargées d’organiser les élections, et au soutien des forces de défense et de sécurité qui ont visiblement pris fait et cause pour lui. Or, comme le dit si bien le proverbe, « à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ». Et tout porte à croire que c’est cette amère expérience qu’est en train de vivre Ali Bongo. D’autant qu’avec le soutien de toutes les institutions de la république, il y avait peu de risques qu’il perdît ces élections. Ceci expliquerait-il pourquoi il a le triomphe modeste ? En tout cas, l’on attend de voir si l’opposition répondra favorablement à sa main tendue. D’ores et déjà, son rival Jean Ping ne semble pas s’inscrire dans cette dynamique. Lui qui continue de revendiquer la victoire.

Une investiture précipitée et à la sauvette

Mais, maintenant que la réélection d’Ali Bongo est actée, que peut encore Jean Ping ? A-t-il encore des chances d’espérer changer la donne en sa faveur ? Rien n’est moins sûr ! D’autant plus que dans la foulée, la prestation de  serment d’Ali Bongo  est annoncée pour ce jour  même, comme s’il voulait rapidement  refermer la parenthèse de cette élection sans relief, qui est loin d’être à son honneur. Une investiture précipitée et à la sauvette, comme pour se rassurer que le pouvoir ne peut plus lui échapper. Le temps, à présent, joue en défaveur de Jean Ping et l’on ne voit pas comment les Gabonais, échaudés et fortement traumatisés par les premiers événements, pourraient à nouveau se remobiliser pour descendre dans la  rue.  Jusqu’où ira-t-il alors dans la résistance ? Quelle forme donnera-t-il à son combat ? Restera-t-il dans la légalité ? Se laissera-t-il emporter par la rage et le désir ardent de se rendre justice par tous les moyens ? Jettera-t-il l’éponge ? Autant de questions dont les réponses pourraient déterminer des lendemains calmes ou agités pour les Gabonais. Les jours et semaines à venir seront donc déterminants. A moins que d’ici là, la diplomatie n’entre en action pour essayer de trouver un compromis pacifique à la crise. En attendant, c’est Ali Bongo qui peut se frotter les mains. Lui qui, revêtu du manteau de la légalité, pourrait se contenter de voir venir les choses et de gérer au mieux la situation, en espérant que d’ici quelques mois, tout cela ne sera plus qu’un mauvais souvenir et qu’il aura à nouveau grâce aux yeux de tous ceux-là qui, aujourd’hui encore, hésitent à lui témoigner un soutien franc et sincère. Surtout lorsque la real politik aura repris tous ses droits. Car, avant tout, c’est lui le président, le seul habilité à prendre les plus grandes décisions qui engagent la nation gabonaise. Et ce ne sont certainement pas les sautes d’humeur de certains de ses pairs qui y changeraient quelque chose. Au contraire, ces derniers seront bien obligés de composer avec lui, et il ne serait pas étonnant que d’ici là, certains lui déroulent même le tapis rouge. La politique internationale a elle aussi ses voies insondables qui échappent à la compréhension du citoyen lambda. Comme quoi, sous nos tropiques,  le peuple risque de rester pour longtemps encore le dindon de la farce.

 « Le Pays »


Comments
  • Le mal en Afrique, c’est l’égoïsme des dirigeants qui prennent leurs compatriotes pour des moutons. Une victoire de honte.

    26 septembre 2016
  • L’essentiel, c’est le fauteuil… La gloire, ABO n’en a rien à cirer. Pourvu qu’il reste au pouvoir.

    27 septembre 2016

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