HomeA la uneREFORMES CONSTITUTIONNELLES AU BENIN : Talon comme Erdogan ?

REFORMES CONSTITUTIONNELLES AU BENIN : Talon comme Erdogan ?


Le locataire du palais de la Marina, Patrice Talon, est visiblement aspiré par des vents contraires. En effet, des forces vives de la nation béninoise sont vent debout contre son projet de réformes constitutionnelles. Après le refus de l’ensemble des députés de procéder, le 24 mars 2017, à une révision en urgence, les magistrats entendent battre le macadam ce 27 mars, contre ce projet de modification constitutionnelle qui rognerait leur indépendance. Il faut dire aussi qu’une coalition de partis politiques et d’organisations de la société civile désapprouvent également cette initiative de réformes. Seul le président Talon semble convaincu de sa chose.  Soit dit en passant, le rejet à l’unanimité dudit projet en urgence de révision par les députés, est une des preuves que l’Assemblée nationale béninoise n’est pas une caisse de résonnance. Malgré une adresse à la nation aux allures de profession de foi à la veille de la session extraordinaire de cette représentation nationale consacrée au texte, le président Talon n’a pas réussi à convaincre ses compatriotes de la pertinence de son projet de modifications constitutionnelles dont, il faut le reconnaître, certains aspects suscitent des inquiétudes à même de se demander si cela ne va pas plutôt fragiliser la vitalité de la démocratie au Bénin. En effet, il y a tout d’abord cette question de mandat présidentiel unique de six ans. Car c’est, à première vue, une idée lumineuse. Elle pourrait même « chatouiller » des démocrates attachés au principe de l’alternance. Mais seulement, on se demande si la précipitation et l’insistance du président Talon sur ce point, ne cachent pas des travers.

Il y a de forts risques que Talon porte atteinte au label  démocratique de son pays

Ce d’autant plus qu’au départ, sa promesse de faire un seul mandat était vue comme une manière de dire aux Béninois que la fonction présidentielle n’était pas une fin en soi. Ce qui n’avait pas manqué d’« appâter » l’électorat en ce sens que cet engagement n’était pas sans rappeler un Nelson Mandela qui, après avoir réussi à libérer son pays du joug de l’apartheid, ne s’est contenté que d’un seul mandat présidentiel. Mais, Talon n’est pas Mandela. En demandant cette révision constitutionnelle en urgence, cela peut laisser penser à une stratégie, pour lui, de revenir sur sa promesse de campagne électorale de faire un seul mandat. On peut dire que le temps est en train de faire son œuvre. Patrice Talon est-il en train de ruser avec les Béninois ? Rien n’est moins sûr. Même si d’aucuns pensent que le mandat unique de six ans évite les marchandages politiques, on peut aussi se demander s’il ne va pas travestir la reddition des comptes à laquelle Talon dit pourtant être attaché. Cela dit, un autre volet de cette réforme qui inquiète, c’est l’indépendance de la justice. S’il est admis que le pouvoir judiciaire est l’un des piliers de la démocratie et son indépendance un des signes de la vitalité démocratique, l’on trouve que le président Talon se fait prendre dans ses propres contradictions en signifiant que les modifications proposées sont pour renforcer la démocratie alors que les acteurs du troisième pouvoir, c’est-à-dire les magistrats, pensent plutôt que les réformes les concernant vont au contraire les fragiliser. Par ailleurs, un autre point inquiétant de ces modifications constitutionnelles, c’est la possibilité, pour le président béninois, de se passer du parlement pour la signature de certaines conventions de financement. Comme on peut le constater, Patrice Talon tend à s’arroger de nombreuses prérogatives à travers son projet de réformes constitutionnelles, à l’image du président turc Recep Tayyip Erdogan qui a entamé, lui aussi, des réformes pour mieux renforcer ses pouvoirs présidentiels. Mais à la seule différence que le Turc, lui, passera par un référendum. En tout cas, si Talon ne s’y prend pas bien avec ses réformes qui ont du mal à passer, il y a de forts risques qu’il porte atteinte au label  démocratique de son pays.

Drissa TRAORE

   


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