HomeA la uneRELECTURE DE LA LOI PORTANT STATUT GENERAL DES FAN : La danse du tango

RELECTURE DE LA LOI PORTANT STATUT GENERAL DES FAN : La danse du tango


Sous le régime de la Transition, on se rappelle que la loi portant statut général des personnels des Forces armées nationales (FAN) avait été promulguée. C’était le 25 juin 2015, pour être précis. Cette loi comprenait deux dispositions fortes. La première stipulait que le militaire en activité ne pouvait pas être nommé aux hautes fonctions de l’Etat. La deuxième portait sur les conditions d’avancement des personnels d’active des Forces armées nationales. C’est cette disposition qui avait permis à Yacouba Isaac Zida d’opérer un « jumping up » pour passer du grade de Lieutenant-Colonel, tenez-vous bien pour ne pas tomber en syncope, à celui de Général de division, pour, avait-on soutenu, service exceptionnel rendu à la Nation. C’est tout ce dispositif législatif qui a été relu par l’Assemblée nationale, le 24 novembre 2016. De ce fait, le militaire burkinabè peut désormais être nommé aux hautes fonctions de l’Etat. Il faut entendre par là, ministre, Premier ministre, ambassadeur, président d’institution, etc. L’explication avancée par le gouvernement pour soutenir ce rétropédalage, est que tout citoyen peut être appelé, compte tenu de ses compétences et de ses qualités techniques, à exécuter le programme du président à des niveaux divers de responsabilités. A priori, cet argumentaire tient la route. Car, il rejette toute discrimination fondée sur le critère de l’emploi dans le choix des hommes et des femmes pour accompagner le président de tous les Burkinabè dans l’exécution de son programme. Mais à l’analyse, l’on peut craindre que cette large ouverture ne réintroduise le ver dans le fruit. Car, il faut le dire, en votant la loi qui écartait les militaires dans les nominations aux hautes fonctions de l’Etat, les députés du CNT (Conseil national de Transition) entendaient par là, poser un acte fort allant dans le sens de la dépolitisation de l’armée. Et l’histoire politique du Burkina, marquée notamment par l’irruption violente, intempestive et itérative du pouvoir kaki dans la gestion des affaires de l’Etat, leur donne raison. Rien ne justifie que moins d’un an après, l’on remette en cause ce garde-fou mis en place pour protéger la République de la violence en politique. En ouvrant de nouveau la boite de pandore, peut-on dire, pour nommer des militaires à des fonctions politiques, le risque est grand de renouer avec les vieux démons du passé.

 

La relecture de la loi autorisant la nomination de militaires à des hautes fonctions politiques peut valoir un blâme aux députés

 

Car, toute haute fonction de l’Etat a un contenu politique. Et il est pratiquement impossible à un militaire de l’exercer sans se « salir politiquement les mains », pour plagier l’expression de Jean Paul Sartre. Un ministre, par définition, est avant tout un politique, qu’on le veuille ou non. Au-delà du fait qu’il exécute la politique du président dans son département, il est très souvent tenu de descendre dans l’arène politique, ne serait-ce que pour justifier la pertinence et le bien-fondé des mesures décidées par le gouvernement. Et puis, l’argument brandi par le gouvernement selon lequel tout citoyen, en raison de sa compétence et des qualités techniques (civil comme militaire) peut être nommé ministre, peut être contredit. En effet, l’on n’a pas forcément besoin d’être ministre pour apporter sa part contributive à l’édification de la maison Burkina. D’ailleurs, l’on peut parier que dans le choix des ministres, le critère de la compétence n’est pas toujours observé. Le plus souvent, sont pris en compte l’ancrage politique et social voire l’appartenance, même si l’on ne le dit pas haut et fort, à une région, une communauté donnée. Il suffit de dresser un répertoire des membres des gouvernements qui se sont succédé dans notre pays pour s’en convaincre. Pour toutes ces raisons, l’on peut dire que la possibilité de nommer des militaires  à des hautes fonctions de l’Etat est un recul démocratique par rapport à la loi qui avait été votée par le CNT. Par contre, la relecture de la loi portant conditions d’avancement des personnels d’active des Forces  armées nationales constitue une avancée  en ce sens qu’elle permet de ne pas tordre le coup à l’éthique militaire pour propulser à des grades indus, des personnes adoubées par des hommes politiques. L’exemple le plus frappant et le plus révoltant est celui du Lieutenant-Colonel, pardon du Général de division Yacouba Isaac Zida. En effet, pour satisfaire les intérêts d’un homme, le CNT n’avait pas hésité à voter une disposition permettant à Zida de sauter de manière vertigineuse de lieutenant-colonel à Général de division, enjambant ainsi allègrement les grades suivants : Colonel, Colonel-major, Général de Brigade. Et cette manière mexicaine de faire, a dû créer d’énormes frustrations au sein de l’armée. Et ce qui irrite davantage les personnes dotées d’un minimum d’intelligence, c’est quand on exhibe le fallacieux prétexte de service exceptionnel rendu à la nation pour tenter de justifier l’injustifiable. Car, dans le milieu civil, il y a certainement des encadreurs agricoles ou encore des infirmiers brevetés qui ont rendu d’éminents services à la nation, mais de là à nommer les premiers ingénieurs agronomes et les seconds médecins, c’est une chose qui ne peut jamais être envisagée. Les décorations suffisent pour témoigner de la gratitude de la nation à leur endroit. Il était donc temps que ce principe spécifiquement gondwanais de promotion des personnels militaires soit sauté. De ce point de vue, l’on peut rendre un hommage aux députés. Par contre, la relecture de la loi autorisant la nomination de militaires à des hautes fonctions politiques peut leur valoir un blâme. Si on prend en compte l’une et l’autre, l’expression qui sied pour qualifier la relecture du statut des FAN est la danse du tango, c’est-à-dire, un pas en avant et un pas en arrière.

 

Sidzabda


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