RENCONTRE DE LUANDA SUR LA RDC : Le sommet de la honte !
Hier, 26 octobre 2016, s’est tenu à Luanda, en Angola, un sommet des chefs d’Etat de la région des Grands lacs, consacré à la crise sociopolitique en RDC, sommet conjointement organisé par la Conférence internationale sur la région des Grands lacs (CIRGL), les Nations unies, la SADC et l’Union africaine (UA). En prélude à ce sommet, les ministres des Affaires étrangères des pays participants, avaient ouvert le bal lors d’une réunion préparatoire le 24 octobre dernier dans la capitale angolaise. A cette occasion, l’hôte du sommet, en l’occurrence le ministre angolais des Affaires étrangères, George Chicoti, a planté le décor dans un discours qui ne laissait rien espérer en termes de prise en compte des requêtes de l’opposition radicale qui rejette l’accord politique et n’entend pas céder une seconde de plus au maître de Kinshasa, au terme de son mandat en décembre prochain. Morceau choisi : « Je crois que l’accord reste ouvert et que toutes les autres parties de l’opposition qui n’y ont pas participé, peuvent ensuite se joindre à ce dialogue. Mais je crois que ce qui a été signé, on est obligé de l’accepter et ensuite les aider à aller vers la paix ». Si ce n’est pas pour avaliser la forfaiture de Joseph Kabila qui a réussi le tour de force d’obtenir un glissement du calendrier électoral et de se maintenir à la tête de l’Etat jusqu’en 2018, cela y ressemble fort.
Les pairs de Joseph Kabila vont plutôt renforcer sa position
D’autant plus qu’à entendre le ministre angolais, il était quasiment certain que ce serait le black out total sur les critiques de la Conférence épiscopale congolaise et de la Communauté internationale qui demandent des élections plus rapprochées, en 2017. La question était donc de savoir quel pouvait être l’intérêt d’un tel sommet, au sortir de concertations qui ont abouti à la signature d’un accord boiteux. Le moins que l’on puisse dire, c’est que pour les démocrates du continent, ce sommet est un autre sommet pour rien, puisqu’en termes d’approfondissement de la démocratie et de respect des textes, il ne fallait pas s’attendre à des décisions allant à l’encontre des intérêts du président congolais dont tout le monde sait pourtant, qu’il est en train de ruser pour se maintenir indûment au pouvoir. En tout cas, tout porte à croire que les pairs de Joseph Kabila ont plutôt renforcé sa position en entérinant les décisions prises lors du pseudo-dialogue qu’il a organisé avec une opposition fantoche, pour en imposer les conclusions à tout le peuple congolais alors qu’une grande partie de ce peuple ne se sent pas liée par cet accord et continue de réclamer son départ, à l’issue de son dernier mandat en décembre prochain. Finalement, on en vient à s’interroger sur l’utilité de la Charte de la démocratie et de la bonne gouvernance dont se targue une institution comme l’Union africaine (UA), partie prenante audit sommet, mais dont il était quasiment certain qu’elle ne rappellerait pas Joseph Kabila à l’ordre. Comment pourait-il en être autrement, quand on sait que cette même UA a lamentablement échoué à envoyer le moindre soldat au Burundi de Pierre Nkurunziza et qu’elle a pratiquement fermé les yeux sur les cas congolais et rwandais, entre autres, où Denis Sassou Nguesso et Paul Kagame ont tordu le cou à la loi fondamentale de leurs pays respectifs pour se maintenir au pouvoir ? D’ailleurs, en la matière, l’hôte du sommet lui-même n’est pas un exemple. Cela dit, quand est-ce que l’Afrique va évoluer et cesser de renvoyer au reste du monde, cette triste image d’enfants qui refusent de grandir? En tous les cas, le constat est que le continent africain est passé maître dans l’art d’organiser des sommets sur la gouvernance politique, qui n’aboutissent jamais à rien. Et pourtant, l’on continue d’engloutir des sommes colossales dans l’organisation de ces jamborees qui ne font pas avancer et qui n’apportent rien en termes d’amélioration de la gouvernance. Or, aujourd’hui plus que jamais, c’est la question de cette gouvernance qui est au centre de toutes les préoccupations et à l’origine de bien des conflits sur le continent, comme c’est le cas aujourd’hui en RDC où il est demandé à Joseph Kabila de respecter tout simplement la Constitution. Mais au lieu de chercher à arbitrer le conflit congolais de façon juste et équitable dans un souci de paix et de stabilité, ces chefs d’Etat semblent avoir déjà pris le parti de Kabila pour l’aider à traverser toutes les zones de turbulences en vue d’atteindre l’échéance de 2018 qu’il s’est habilement fixée lui-même, par le truchement d’institutions à sa solde.
L’Afrique semble aujourd’hui engagée dans une deuxième lutte de libération
Pauvre Afrique ! Condamnée qu’elle est à rester pendant longtemps encore la risée, du reste, du monde, parce que des dirigeants, au sommet, se croient irremplaçables au point d’user de toutes sortes d’artifices pour se maintenir au pouvoir, dussent-ils, pour cela, marcher sur les cadavres de leurs compatriotes. Heureusement que dans toute cette grisaille, les Burkinabè ont su faire échec aux velléités monarchiques de Naaba Blaise Compaoré, preuve s’il en était encore besoin, qu’il appartient aux peuples africains de prendre eux-mêmes leur destin en main, tant les institutions continentales ont suffisamment fait la preuve qu’il ne faut rien attendre d’elles en pareilles circonstances. Cela dit, l’Afrique semble aujourd’hui engagée dans une deuxième lutte de libération, cette fois-ci contre ses propres dirigeants, plus précisément cette race de chefs d’Etat à la carapace dure et qui veulent ramer à contre-courant de l’Histoire en retardant son évolution. Quant à l’issue de ce combat, il ne fait l’ombre d’aucun doute que les peuples en sortiront vainqueurs. Car, aucun dirigeant, quelle que soit sa puissance, n’a jamais pu venir à bout d’un peuple déterminé et organisé. Ce n’est qu’une question de temps.
En tout état de cause, l’on attend de voir de quoi va accoucher le sommet de Luanda. Surtout avec la participation de l’ONU dont on sait que ses partenaires occidentaux n’approuvent pas les conclusions du dialogue de Kabila et appellent à la tenue des élections dans des délais plus rapprochés. Ce sommet va-t-il être celui de la rupture entre l’UA et l’ONU sur la question de la RDC? Wait and see.
« Le Pays »