RENCONTRE ENTRE ALPHA CONDE ET CELLOU DALEIN DIALLO : Vers une décrispation ?

Le président guinéen, Alpha Condé, a rencontré hier 1^er septembre 2016,  le président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) et du premier parti de l’opposition, Cellou Dalein Diallo, pour des échanges portant sur la situation sociopolitique délétère en Guinée et sur les élections locales et communales qui n’ont pu être organisées depuis six ans. Premier du genre depuis le 20 mai 2015, ce tête-à-tête entre les deux hommes pourrait contribuer à décrisper la situation, après la marée humaine qui a envahi les rues de Conakry, le 16 août dernier, à l’appel de l’opposition pour exprimer son ras-le-bol suite au refus du régime d’Alpha Condé d’ouvrir « un dialogue politique franc et transparent » afin de sortir la Guinée d’une crise politique permanente. Plusieurs sujets ont été abordés par les deux hommes, notamment la récurrente question du calendrier des élections locales, l’élargissement des détenus politiques et la définition d’un cadre de dialogue entre le pouvoir et l’opposition. L’optimisme mesuré des uns et des autres quant à la résolution prochaine de toutes ces questions,  est symptomatique des difficultés pour les acteurs politiques guinéens à surmonter leurs différences et à placer l’intérêt supérieur de leur pays au-dessus des intérêts partisans. L’organisation des élections locales qui a été au centre des discussions, risque d’achopper sur les incohérences entre le Code électoral qui prévoit des votes à main levée ou par alignement des électeurs dans le cas d’espèce, et la Constitution qui dispose que les votes sont secrets en République de Guinée. Pour sûr, il faudra du temps pour accorder ces deux textes incontournables dans la gestion des élections, et il faudra plus qu’une réunion périodique entre le pouvoir et l’opposition comme celle qui s’est tenue, hier, au Palais Sékoutoureya, pour dissiper les malentendus et créer les conditions d’élections apaisées. La démonstration de force de mi-août de l’opposition, devrait inviter le régime en place à Conakry, à plus de lucidité politique en accédant à certaines de ses revendications, somme toute, justifiées et moins maximalistes que les précédentes, si Alpha Condé ne veut pas finir son mandat comme il l’avait commencé, dans la contestation et la violence.

Espérons que la realpolitik amènera les uns et les autres à taire leurs ego

Quant à la coalition de l’opposition conduite par Dalein Diallo qui a rencontré le pouvoir après valses hésitations et moult reports, elle devrait se détacher du rôle qu’elle semble s’être donnée depuis la réélection du président Condé, c’est-à-dire celui de parasiter par tous les moyens ce dernier mandat qu’elle a toujours refusé de reconnaître. Au demeurant, le fossé entre les deux entités (pouvoir et opposition) n’est pas si abyssal qu’il n’y paraît, et une simple volonté de trouver de part et d’autre le modus vivendi salvateur,  pourrait faire baisser la température politico-sociale qui a connu une hausse exponentielle depuis le décès de Lansana Conté en 2008. Dans le sens de l’apaisement de ce climat potentiellement explosif, Alpha Condé devrait gracier certains détenus politiques pour répondre au vœu de l’opposition, et accepter qu’un cadre de dialogue soit créé afin que les protagonistes  ne soient pas obligés de battre à chaque fois le macadam pour exprimer leurs sentiments de révolte ou de contestation. Si le fait, pour toutes les parties, d’accepter le principe même du dialogue est à saluer, l’on ne peut pas ne pas être dubitatif quant à la sincérité de la poignée de mains et des sourires des deux leaders guinéens manifestement affichés pour la caméra, surtout que l’épouse du leader de l’opposition a qualifié la rencontre de « simple parade » pour donner l’impression ou l’illusion aux bailleurs de fonds qu’il existe une démocratie véritable et apaisée en Guinée. En tout état de cause, c’est déjà bon à prendre, quand on sait que ces deux-là se vouent une animosité féroce. Espérons que la realpolitik amènera les uns et les autres à taire leurs ego pour faire du château d’eau de l’Afrique, un havre de paix sociale, dans l’intérêt de la Guinée, mais aussi dans celui de la sous-région.

Hamadou GADIAGA