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RENCONTRE GBAGBO-BEDIE  


Le 10 juillet 2021, il y avait plus de nuages dans le ciel de Daoukro que dans les cœurs d’Henri Konan Bédié et de Laurent Gbagbo, qui se retrouvent, pour la première fois, en terre ivoirienne depuis le retour de ce dernier au pays, le 17 juin dernier. Accueilli en « Guest star » dans le fief du président du parti historique de l’Eléphant, l’ancien prisonnier de la Cour pénale internationale (CPI) en a profité pour prononcer un discours politiquement offensif dans une salle où se coudoyaient leurs partisans respectifs, dans une ambiance plutôt bon enfant. Laurent Gbagbo a d’entrée de jeu regretté la situation de crise politique dans laquelle végète la Côte d’Ivoire, à cause du « non-respect des textes », en référence au 3è mandat en cours du président Alassane Ouattara que l’opposition ivoirienne juge illégal et anti-constitutionnel. Beaucoup voient donc dans cette rencontre, la deuxième du genre en plus d’une décennie, un prélude à une alliance forte et formelle entre le PDCI et le FPI-tendance Gbagbo, pour déboulonner le RHDP d’Alassane Ouattara en 2025.  Certes, c’est une alliance idéologiquement contre-nature qui se dessine, mais la Côte d’Ivoire est coutumière du fait, étant donné qu’aucun parti n’a jamais pu, à lui seul, dominer les autres depuis le retour du pays à la démocratie pluraliste. Pourvu que cette proximité de circonstance en perspective ne soit pas chapeautée par des hommes politiques vindicatifs qui sont encore malheureusement nombreux dans les deux camps, mais plutôt par ceux qui ont tiré leçon des crises successives qui ont secoué le pays, notamment celle de 2010-2011 qui fut d’une rare violence, comme chacun le sait.

 

La réconciliation ne doit pas être vue uniquement sous le seul prisme des relations entre hommes politiques

 

 

 L’espoir est d’autant plus permis que les deux briscards de la politique qui ont leur part de responsabilités dans le chaos qu’a connu la Côte d’Ivoire, ont symboliquement franchi samedi dernier un pas vers la réconciliation, en se serrant la main, tout sourire, et en plaçant leur rencontre sous le signe de l’apaisement du climat sociopolitique. On espère que dans les semaines à venir, Laurent Gbagbo ira aussi rencontrer l’autre acteur majeur de toutes les crises de ces trente dernières années, en l’occurrence le président Alassane Ouattara pour faire baisser davantage les tensions politiques et communautaires toujours latentes, malgré la fin, depuis plusieurs mois, des élections controversées de l’année dernière. Le président Ouattara, de son côté, devrait songer à l’élargissement de son ennemi intime, Laurent Gbagbo, sous le coup d’une condamnation à 20 ans de réclusion pour le « braquage » de la BCEAO pendant la crise post- électorale de 2010. Car, s’il veut mener à bien le processus de réconciliation en cours, il devra impérativement faire ce geste ; l’ancien président étant, quoi qu’on dise, un élément incontournable de l’équation d’autant qu’il compte encore et toujours de nombreux partisans. Guillaume Soro qui est en rébellion politique ouverte contre Ouattara et Henri Konan Bédié qui s’estime floué par ce dernier, devraient tous les deux prendre également langue avec le locataire du palais de Cocody, pour un modus vivendi qui pourrait ouvrir la voie au dialogue et à la concertation permanente entre eux. Ce serait un pas de plus dans la bonne direction, mais pas suffisant pour désarmer totalement les cœurs, car la réconciliation nationale dont on parle, ne doit pas être vue uniquement sous le seul prisme des relations entre hommes politiques, mais plutôt comme un processus qui permettra, à terme,  à l’ensemble des Ivoiriens, de se pardonner les uns les autres pour toutes les formes de dérives et de violences dans lesquelles les ont poussés des politiciens avides de notoriété et de pouvoir. Pour y arriver, il faudra d’abord solder les comptes et rendre justice à toutes les victimes durant toutes ces décennies de braise, et amnistier ou gracier ceux qui auront été reconnus coupables, en prenant le soin de dédommager ceux qui ont fait les frais des actes crapuleux. C’est à ce prix que la Côte d’Ivoire, qui est l’un des pays les plus cosmopolites de la sous-région,  pourra chasser les démons  de la division, et que les Ivoiriens pourront réapprendre à vivre ensemble, et à se serrer les coudes face à la myriade de défis, notamment sécuritaires, qui sont actuellement les leurs.

 

Hamadou GADIAGA

 


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