RENONCEMENT DU PRESIDENT CONGOLAIS AU POUVOIR
Kabila ira-t-il jusqu’au bout de sa logique ?
Fin du suspense, à l’issue de la clôture des candidatures à la présidentielle du 23 décembre prochain, en RD Congo où le président Kabila, on en est maintenant certain, ne sera pas sur la ligne de départ dans la course à sa propre succession. Place maintenant aux pronostics sur l’identité de son successeur au Palais de marbre, dans un combat où son dauphin dont le nom est sorti du chapeau au dernier moment pour représenter la majorité, Emmanuel Ramazani Shadari, aura fort à faire devant des candidats de l’opposition plus que jamais décidés à saisir l’opportunité pour provoquer l’alternance. Sont de ceux-là, Jean-Pierre Bemba et Félix Tshisékédi, pour ne citer que ces deux, Moïse Katumbi ayant été frappé de forclusion pour les raisons que l’on sait.
Cela dit, après avoir créé la surprise en ne cédant pas à la tentation du troisième mandat, Kabila ira-t-il jusqu’au bout de sa logique de renonciation au pouvoir ?
Il appartient au président congolais de travailler à lever les doutes sur sa personne
On attend de voir. Car, une chose est de se choisir un dauphin, une autre est de travailler non seulement à la tenue des élections à bonne date, mais aussi à la transparence du scrutin. Cela est une autre paire de manches. Et connaissant l’homme, beaucoup restent encore sceptiques. C’est pourquoi il appartient au président congolais de travailler à lever les doutes sur sa personne en mettant tout en œuvre pour que l’élection de décembre prochain ne débouche pas sur une crise. C’est en cela qu’il pourra entrer véritablement
dans l’histoire de son pays et cela serait à son honneur. Mais encore faudrait-il qu’il laisse la démocratie s’exprimer de façon pleine et entière en ne travaillant pas à opérer un passage en force pour son dauphin. En tout cas, il a encore quelques mois devant lui, pour travailler à aplanir toutes les difficultés liées à la tenue du scrutin à bonne date, et à lever toutes les inquiétudes de ses compatriotes sur cette présidentielle qui s’annonce, d’ores et déjà, comme l’une des plus ouvertes de l’histoire de la RDC. Et la véritable question est de savoir si le dauphin désigné de Kabila, sera à la hauteur du défi et saura réunir derrière sa candidature, le maximum de suffrages de ses compatriotes pour succéder à son mentor au Palais de marbre. En tout cas, les jeux semblent ouverts. Toutefois, même s’il est plus que probable que Emmanuel Shadari aura pour lui la grosse machine de la majorité présidentielle et de l’Administration, rien ne dit que la façon dont le président Kabila a fait languir certains de ses partisans avant de sortir le nom de son dauphin, de son chapeau, sera sans conséquence. En effet, l’on peut comprendre que le chef de l’Etat congolais ait choisi le dernier moment pour mettre fin au suspense, histoire de maintenir la cohésion au sein de sa famille politique pour une échéance électorale aussi cruciale. Mais il y a lieu de croire que beaucoup, dans le camp de la majorité, ont fait le jeu du président, car ils croyaient, jusqu’au dernier moment, qu’il ferait acte de candidature. Généralement, en pareilles circonstances, l’on refrène ses ardeurs parce que nul ne s’avise de contrarier le chef, de peur d’essuyer son courroux. Mais il y a fort à parier que s’ils avaient su à l’avance qu’il ne serait pas
candidat, certains cadres ne se seraient pas retenus de rompre les amarres pour aller tenter leur chance ailleurs.
Il appartient à la classe politique de savoir négocier ce virage dangereux
C’est pourquoi il y a lieu de croire que malgré les apparences, il y a des frustrés et pas des moindres au sein de la famille kabiliste. Il appartient donc maintenant à leur candidat désigné, de travailler à avoir la confiance de tous. Ce qui n’est pas gagné d’avance et ne le met pas à l’abri de toute surprise. Surtout si l’opposition parvenait, d’ici là, à faire bloc autour d’une candidature commune.
En tout cas, en l’absence de Joseph Kabila, c’est un nouveau départ qui s’annonce pour la RDC. Et tout porte à croire que les Congolais nourrissent de grands espoirs par rapport à cette présidentielle. C’est pourquoi il est impératif que le président qui sera élu, puisse bénéficier de la légitimité nécessaire pour pouvoir mener à bien son programme. Cela passe par des élections propres, pour que les résultats soient acceptés de tous. Toute autre alternative visant à favoriser un candidat ou à biaiser les résultats, est potentiellement dangereuse pour la paix sociale. Car, la RDC est à la croisée des chemins. Il appartient donc à la classe politique de savoir négocier ce virage dangereux.
En tout état de cause, en renonçant à briguer le mandat de trop, même si ce n’est pas de gaieté de cœur, Kabila a certes surpris plus d’un, mais il a posé un acte hautement responsable qui le grandit et le réhabilite aux yeux de tous. En cela, on peut dire qu’il a déjà fait un grand pas dans la bonne direction. Mais s’il veut véritablement entrer dans l’Histoire, il est impératif que dans la continuité de son élan, il évite de donner à son acte d’élégance unanimement salué par tous, un goût d’inachevé en essayant d’entraver, d’une manière ou d’une autre, la marche de son peuple vers la démocratie. C’est en cela que l’on reconnaît les Grands Hommes. Et Kabila, après dix-sept ans de pouvoir où il n’aura pas forcément marqué positivement les esprits, a une chance ultime de sortir par la grande porte. Il est déjà sur la bonne lancée. Reste à présent à parachever l’œuvre en ne trahissant pas les aspirations d’un peuple avide de liberté et de démocratie.
« Le Pays »