REPRESSION AU SOUDAN ET EN ALGERIE
A Alger comme à Khartoum, les jours se suivent et se ressemblent. Ils sont tous marqués, en effet, par la ferme détermination des peuples des deux pays à rompre avec les systèmes Béchir et Bouteflika. L’institution qui se pose visiblement en obstacle à cette vague populaire, a un nom dans ces deux pays : l’armée. Et elle ne fait pas dans la dentelle pour imposer ses vues au peuple insurgé. Rien que ce samedi, en effet, à Khartoum, les soldats ont, une fois de plus, fait parler la poudre contre des manifestants qui ne décolèrent pas de voir l’armée jouer les premiers rôles dans la transition politique. Bilan : 1 mort et au moins 25 blessés dont quatre par balles. En Algérie, l’armée, peut-on dire, observe la même posture. Et la victime la plus récente de cet état de fait, est le militant Kamel Eddine Fekhar. Celui-ci est décédé, en effet, alors qu’il était en détention provisoire.
A Khartoum comme à Alger, entre l’armée et le peuple, le divorce est pratiquement consommé
Son enterrement qui a eu lieu le 1er juin dernier, avait une forte teneur politique. En effet, il a drainé une importante foule dans laquelle on notait la présence de personnalités politiques de l’opposition. Tous ont profité de la cérémonie pour réclamer justice et incriminer directement les institutions judiciaires dans la mort du militant. Au-delà de ces institutions, c’est le pouvoir algérien, incarné aujourd’hui par le patron de l’armée, le Général Gaïd Salah, qui est mis à l’index. A Khartoum comme à Alger donc, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’entre l’armée et le peuple, le divorce est pratiquement consommé pour incompatibilité de perception de la manière dont la transition doit être gérée. Et pour remporter ce bras de fer, l’armée a opté pour l’argument de la force. D’ailleurs et sans faire injure à l’institution, l’on peut bien se demander si elle est en mesure d’exceller dans l’art qui consiste à recourir à la force de l’argument pour résoudre les crises politiques. En tout cas, l’on peut prendre le risque de dire que les armées des deux pays n’ont pas cette qualité. Et l’histoire est là pour le confirmer. En effet, depuis que le Soudan et l’Algérie ont accédé à l’indépendance, l’armée s’est départie de ses missions traditionnelles pour s’arroger un rôle politique de premier plan au point qu’aujourd’hui, elle en a fait un droit exclusif. Et comme le pouvoir, surtout en Afrique, permet d’accéder à la fortune et à la gloire, l’on peut jurer que ce n’est pas demain la veille que l’armée va libérer le champ politique pour donner la possibilité aux civils de s’y enraciner. En tout cas, au Soudan comme en Algérie, cela n’est pas envisageable dans les meilleurs délais. Par voie de conséquence, les hommes en kaki ont encore de beaux jours devant eux dans l’exercice du pouvoir d’Etat. Et pour cela, leur sport favori est la répression contre tout ce qui est de nature à les contrarier. C’est ce à quoi nous sommes en train d’assister aujourd’hui, dans les deux pays. Et les caciques de l’armée qui y détiennent la réalité du pouvoir, sont d’autant plus confortés dans leur posture répressive des forces du changement qu’ils sont soutenus dans leur volonté d’étouffer la démocratie, par les monarchies richissimes de la Péninsule arabique et par des pays où les démocrates sont perçus comme des criminels.
La junte militaire au Soudan, s’est inscrite dans la logique de Gaïd Salah
Le pire donc pourrait être à venir en matière de violation massive des droits humains en Algérie et au Soudan. Pour conjurer cela, la communauté internationale doit se débarrasser de son manteau confortable de l’hypocrisie pour mettre fermement en garde tous ceux qui ne font plus mystère de leur volonté de marcher sur des cadavres pour confisquer le pouvoir aussi bien en Algérie qu’au Soudan. De la même manière, la Cour pénale internationale (CPI) doit commencer à donner de la voix pour dissuader les apprentis sorciers afin qu’ils cessent de sévir contre les peuples algériens et soudanais. Les démocrates d’Afrique et d’ailleurs avaient apprécié le coup de gueule de l’Union africaine (UA), lorsque celle-ci avait donné un délai à la junte soudanaise pour débarrasser le plancher. Mais très vite, la structure panafricaine s’est dégonflée comme un ballon de baudruche, abandonnant ainsi le peuple soudanais à son sort. De ce point de vue, elle peut être tenue en partie pour responsable de la répression qui est en train de s’abattre systématiquement sur les peuples algériens et soudanais. En tout cas, plus les jours passent, plus les armées soudanaise et algérienne sont en train de tomber le masque. C’est désormais la répression ou rien. Et elles donnent l’impression que rien ne peut les arrêter dans leur volonté de régenter respectivement l’Algérie et le Soudan. Le Général Gaïd Salah, par exemple, en Algérie, prend ses désirs pour des ordres. Et malheur à celui qui ose le contrarier. C’est pourquoi la moutarde lui est montée au nez quand on lui a signifié que son plan de sortie de crise, ne peut pas susciter l’avènement d’une Algérie telle que le souhaitent les tombeurs de Bouteflika. Et la junte militaire qui a confisqué le pouvoir aujourd’hui au Soudan, s’est inscrite dans la logique de Gaïd Salah. C’est pourquoi elle entend garder le contrôle du fameux Conseil de souveraineté pour gérer la transition politique. Mais les militaires soudanais et algériens sont en train de se fourvoyer. Car les peuples des deux pays donnent l’impression que rien ne peut les arrêter dans leur volonté de changement. Et c’est tant mieux pour la démocratie !
« Le Pays »