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REPRISE DES CONCERTATIONS NATIONALES AU MALI


Après un premier round, le week-end dernier, les concertations nationales entreprises par la junte militaire aux fins de recueillir les propositions des forces vives de la nation malienne sur le format de la Transition ouverte par la chute du président Ibrahim Boubacar Kéita (IBK), devraient, en principe, reprendre aujourd’hui, 10 septembre 2020, à Bamako, pour entrer dans une phase décisive. Cette grande palabre convoquée par Assimi Goita et ses frères d’armes sera, à ce stade, élargie aux délégués régionaux et à la diaspora malienne que l’on sait très importante de par son nombre et de par sa contribution au développement économique du pays. Sauf changement de dernière minute, l’on sait cependant qu’il manquera, à ce rendez-vous des fils et filles du Mali, un acteur important de la scène politique qu’est la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), du nom de l’ex-rébellion à dominante touareg, signataire de l’accord de paix de 2015.

 

Ces concertations ressemblent à de la diversion

 

Cette faîtière des mouvements armés du Nord, a, dans un communiqué publié dès l’entame de ces grandes consultations, fait savoir que « les mesures de confiance nécessaires à la construction d’un partenariat pour des responsabilités partagées, ne semblaient pas d’actualité ». Elle n’a, de ce fait, mandaté aucun représentant à prendre part à cette grand’messe prévue pour prendre fin samedi prochain.   Tout en déplorant cette absence de taille, l’on peut tout de même se féliciter du souci de la junte d’impliquer le maximum d’acteurs dans la recherche de solutions au problème malien, même si l’on peut, par ailleurs, douter de la capacité des Maliens à s’entendre sur l’essentiel. La principale leçon que l’on peut, en effet, tirer de l’histoire récente du pays, est que les Maliens, en l’occurrence la classe politique et les acteurs de la société civile, ont toujours mis l’accent sur ce qui les divise plutôt que sur ce qui les unit. Du reste, on peut d’ailleurs douter de la sincérité même de la junte au pouvoir quant à cette décision de convoquer cette grande foire qui, si l’on se réfère à d’autres expériences similaires, n’accouchera de rien. Et c’est précisément en cela que l’on peut se risquer à penser que ces concertations ressemblent à de la diversion quand on sait  que la  soldatesque n’a certainement pas pris le pouvoir pour se faire dicter la conduite à tenir par les mêmes acteurs maliens. Il y a donc forcément derrière ces concertations, un agenda caché. Elles participent d’une manœuvre de la junte destinée à gagner du temps et à endormir les Maliens et la communauté internationale aux fins de se maintenir au pouvoir. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer le timing des manifestations de rues destinées à soutenir la junte. Elles sont intervenues au lendemain du sommet de la CEDEAO. Tout laisse croire que les populations sont instrumentalisées aux fins de conférer de la légitimité aux putschistes et justifier leur maintien au pouvoir.  

 

Les officiers maliens ne semblent pas pressés de rendre le pouvoir aux civils

 

Mais l’on peut se demander si cette stratégie sera payante quand on sait que la 57e session ordinaire des Chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui vient de s’achever à Niamey au Niger, n’a pas fait dans la dentelle et a donc décidé non seulement de maintenir les sanctions prises contre le Mali, mais aussi de les assortir d’un ultimatum pour que les usurpateurs du pouvoir se décident à le  remettre aux civils. Les questions que l’on peut donc se poser face à ce durcissement de ton des chefs d’Etat de la sous-région à la veille de la reprise de ces pourparlers inter- maliens, sont les suivantes : quel impact l’ultimatum lancé par l’organisation communautaire sous- régionale peut-il avoir sur les concertations nationales au Mali ? Les Maliens vont-ils décider de braver les injonctions de la CEDEAO et endurer la souffrance qu’imposent les sanctions de la sous-région comme le prix à payer de leur insoumission ? Ou vont-ils au contraire aller dans le sens voulu par l’organisation  ouest-africaine en renvoyant la soldatesque dans les casernes ?  Il est, à ce stade, difficile d’apporter des réponses claires à ces interrogations. La seule certitude que l’on peut avoir est que les officiers maliens ne semblent pas pressés de rendre le pouvoir aux civils et que la CEDEAO sait qu’elle joue sa crédibilité dans cette crise politique malienne. Elle ne desserrera pas donc de sitôt l’étau. On peut donc se risquer à dire que la stratégie des putschistes, qui consiste à gagner du temps, peut se retourner à terme contre eux. Car, plus dureront les manœuvres dilatoires des militaires, plus sévère sera l’impact des sanctions de la CEDEAO. Il faudra s’attendre donc à ce que s’émoussent peu à peu l’enthousiasme et les soutiens supposés ou avérés des populations ; toute chose qui pourrait contraindre Assimi Goita et ses frères d’armes à emprunter les mêmes sentiers qu’un certain capitaine du nom d’Amadou Haya Sanogo. Mais pour éviter de battre ainsi en retraite, la queue entre les pattes, les putschistes peuvent encore saisir l’occasion de ces concertations nationales pour surprendre agréablement. 

 

« Le Pays »          

 


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