HomeA la uneREPRISE DES HOSTILITES AU NORD- MALI : Le mythe de Sisyphe à l’œuvre

REPRISE DES HOSTILITES AU NORD- MALI : Le mythe de Sisyphe à l’œuvre


A quelques encablures de Kidal dans le Nord-Mali, les combattants de la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad) et ceux du Gatia, milice pro-Bamako, ont échangé des coups de feu. Cette reprise des hostilités constitue la première violation du cessez-le-feu consacré par  les accords de paix et de réconciliation d’Alger, signés en juin dernier entre Bamako et la CMA. En pareilles circonstances, les deux camps se rejettent mutuellement la responsabilité de ces incidents. Mais pouvait-il en être autrement ?

 En effet, on se rappelle que les accords d’Alger avaient été obtenus après de difficiles négociations et sous la pression de la communauté internationale qui a parfois usé de menaces pour vaincre la mauvaise volonté et la mauvaise foi des belligérants. Les mains ont signé, mais le cœur n’y était pas. La conséquence en est cette guerre larvaire, se manifestant par les escarmouches répétées quand ce ne sont pas les terroristes (qui devraient être l’ennemi commun) qui opèrent sous le couvert d’un camp. Ce climat délétère préfigurait de l’escalade de ces dernières heures.

L’autre point de faiblesse de ces accords est que toutes les parties prenantes au conflit n’y sont pas contractantes. A titre illustratif, l’emblématique leader du Mouvement Ansar Dine, et ancienne figure de proue des rébellions touarègues maliennes des années 1990, Iyad Ag Ghaly, n’y a pas été associé alors que son ombre ne cesse de planer sur le Nord Mali.  La paix, faut-il le rappeler, ne peut être opérationnelle que lorsqu’elle est consensuelle et inclusive.

Un autre facteur et non des moindres de la « liquéfaction » des accords d’Alger, est que beaucoup de personnes ont intérêt dans cette guerre qui sert de couverture à des trafics de toutes natures. Car, ce n’est un secret pour personne, de nombreuses Katiba  djihadistes au Nord-Mali, affiliées aux mouvements rebelles, sont financées par le trafic de drogue, les rapts d’Occidentaux, la contrebande et  la guerre de contrôle des routes commerciales. Ces trafics sont au cœur de la déstabilisation du Nord du Mali.

Les armes qui se remettent à crépiter anéantissent les efforts pour  reconstruire une paix durable

Quoi qu’il en soit, la situation est bien malheureuse. D’abord, parce que ces nouveaux bruits de bottes cadencent  avec des tirs de mitraillette sur une ambulance, étant donné que le Mali avait déjà mal à sa sécurité, avec les attaques terroristes qui se sont multipliées sur son territoire. Ensuite, parce que ces armes qui se remettent à crépiter anéantissent les efforts immenses consentis par la communauté internationale et les Maliens eux-mêmes pour construire et reconstruire une paix durable. On se croirait dans la situation du héros de la mythologie grecque, condamné à pousser au sommet du mont Olympe, cette grosse pierre qui lui retombe inlassablement au pied,  d’où le mythe de Sisyphe.

Il reste à espérer que ces événements soient de simples soubresauts d’une insécurité et d’une inimitié résiduelles et ne dégénèrent pas sur le terrain. La communauté internationale qui a pesé de tout son poids pour arracher les accords d’Alger et qui est bien présente au Mali à travers la MINUSMA et les forces françaises, a les moyens de rappeler à l’ordre les deux protagonistes et de prévenir une nouvelle guerre d’ampleur. Elle est tout aussi  interpellée à trouver les clefs de la crise en Libye, car le chaos libyen n’est pas étranger à ces violences répétitives dans le septentrion malien.

 

SAHO


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