HomeA la uneREPRISE DU PROCES EN ASSISES SIMONE GBAGBO : La justice ivoirienne joue sa crédibilité

REPRISE DU PROCES EN ASSISES SIMONE GBAGBO : La justice ivoirienne joue sa crédibilité


 

« Cabri mort n’a pas peur de couteau ». Cette maxime très en vogue en Eburnie à une certaine époque, n’est pas loin de traduire aujourd’hui la galère de l’ex-Première dame, Simone Gbagbo, engluée dans des procédures judiciaires à n’en pas finir et maintenue en détention depuis la chute de son époux qui, lui aussi, attend d’être situé sur son sort dans les geôles de la Cour pénale internationale à La Haye aux Pays bas, depuis maintenant cinq ans. En effet, après avoir été condamnée à 20 ans de réclusion pour « atteinte à la sûreté de l’Etat », l’égérie du Front populaire ivoirien est à nouveau, depuis quelque six mois, dans le box des accusés pour répondre des faits de « crimes de guerre  et crimes contre l’humanité», dans le cadre des violences postélectorales de 2011. Cette fois, dans le cadre d’un procès en assises ouvert fin mai dernier à Abidjan. Un procès mené cahin-caha, entre multiples rebondissements, revirements spectaculaires et problèmes de santé de l’accusée qui semble, malgré tout, décidée à vendre chèrement sa peau.

On attend de voir si avec cette reprise, le procès sera définitivement relancé

Le dernier fait en date est son refus, mi-novembre, de se présenter à la barre après plusieurs séances, en signe de protestation contre la non-comparution de témoins-clé, demandée par ses avocats, en l’occurrence l’actuel président de l’Assemblée nationale et ex-chef rebelle, Guillaume Soro, l’ex-Premier ministre Jeannot Ahoussou-Kouadio ou encore l’ex-chef de l’armée, le général Philippe Mangou aujourd’hui ambassadeur au Gabon. Dans la foulée, ses avocats aussi s’étaient rebiffés en suspendant leur participation au procès, face au refus du juge d’accéder à leur requête d’appeler à la barre ces barons du régime en place dont ils jugent le témoignage nécessaire pour la manifestation de la vérité. Toutes choses qui avaient conduit à une énième suspension de ce procès qui a finalement repris le 28 novembre novembre dernier, après deux semaines de flottement. Cela, grâce à une médiation entre le bâtonnier et le procureur, qui a permis de débloquer la situation et de relancer la machine. Et à en croire certaines sources, tout le monde aurait mis un peu d’eau dans son vin de palme, et des demandes devraient être introduites auprès des témoins réclamés. Pour autant, faut-il s’attendre à voir les intéressés à la barre ? Rien n’est moins sûr ! Car, entre une éventuelle introduction de ces demandes auprès des intéressés et leur comparution réelle, il y a un pas que l’on se demande si les uns et les autres oseront franchir.  Mais on attend de voir. Cela dit, l’ex-première dame a fait contre mauvaise fortune bon cœur en répondant présente dans le box des accusés, hier 29 novembre 2016. Et à en croire Me Rodrigue Dadjé, son avocat principal, « on nous a assurés que les droits de la défense seraient garantis ». Ajoutant qu’ « en revenant, nous montrons notre bonne foi ». De quels droits s’agit-il ? Difficile d’y répondre. Quoi qu’il en soit, l’on attend de voir si avec cette reprise, le procès sera définitivement relancé et s’il n’y aura pas d’autres couacs qui viendront y mettre un autre coup de frein. En tout état de cause, pour avoir déjà écopé de 20 ans de réclusion dans son premier procès, tout porte à croire que Simone Gbagbo n’est plus du tout impressionnée par ce qu’il pourrait lui arriver. C’est à croire même qu’elle s’est endurcie ou  laissée convaincre qu’elle n’a désormais plus rien à perdre. Se disant au passage  qu’elle est, de toute façon, déjà condamnée d’avance et que tous ces tralalas ne sont qu’une comédie savamment orchestrée pour donner un semblant de gueule à son procès. Sans doute se dit-elle que c’est de la poudre aux yeux juste destinée à endormir les consciences en attendant de savoir à quelle sauce elle sera mangée. Ceci pourrait donc expliquer cela. Et si tel était le cas, alors il n’est pas exclu que Dame Simone se considère comme un « cabri mort » qui, de ce fait, n’aurait rien à perdre en campant sur une position maximaliste ; laquelle mettrait bien ses adversaires dans l’embarras. Car, même sans le dire, s’il y a des gens que cette position tranchée de l’ex-Première Dame embarrasse au plus haut point, ce doit bien être les mis en cause d’une part, et le juge d’autre part, à en juger par la précipitation de ce dernier à vouloir  commettre d’autres avocats d’office ou même à continuer le procès en l’absence de l’accusée, au cas où celle-ci persisterait dans sa position.

La justice ivoirienne ne devrait plus prêter le flanc

En tout cas, le moins que l’on puisse dire, c’est que la Justice ivoirienne joue encore sa crédibilité dans cette autre affaire Simone Gbagbo. Car, en soustrayant l’épouse du Woody à la justice internationale, l’on s’attend à ce qu’elle puisse se montrer à la hauteur du défi en tenant un  procès équitable, dans le respect des droits de l’accusée. Et eu égard aux nombreuses critiques qu’elle a essuyées lors du premier procès qui a abouti à la condamnation que l’on sait, la justice ivoirienne ne devrait plus prêter le flanc. Au contraire, elle devrait mettre un point d’honneur à mener, cette fois-ci, un procès clean et sans reproche, au risque d’écorner une fois de plus son image. Ce d’autant plus que, comme se plaisent à le dire les avocats de l’accusée,  les témoins qui ont jusque-là été appelés, n’ont pas véritablement pu prouver la responsabilité de leur cliente dans les tueries, en dehors d’accusations péremptoires. C’est pourquoi il y a lieu de croire que ce procès Simone Gbagbo a toutes les allures d’un procès politique et il n’est pas exclu que le régime en place se satisfasse de la situation actuelle, en raison des imbrications et autres tournures imprévisibles que le procès pourrait prendre, avec une éventuelle comparution des témoins demandés. A ce jeu, ce n’est pas demain la veille que la lumière se fera sur cette affaire, et que l’on pourra en tirer toute la vérité, rien que la vérité. Et si c’est un tel procès qui devrait servir de socle à la réconciliation nationale, autant dire que c’est mal parti.

« Le Pays »


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