RETOUR ANNONCE DE LAURENT GBAGBO EN RCI
L’ancien président ivoirien, Laurent Gbagbo, définitivement acquitté par la Cour pénale internationale (CPI), sera de retour au pays le 17 juin prochain. C’est du moins ce qu’ont annoncé ses proches. Alors que les commentaires ne tarissent pas sur cette affaire que certains présentent comme le retour au bercail de l’enfant prodigue, la polémique ne cesse d’enfler autour du format de l’accueil à réserver à l’ex-président ivoirien. Le pouvoir du président Alassane Dramane Ouattara (ADO) veut d’un retour discret du célèbre prisonnier de La Haye alors que les militants et sympathisants du Front populaire ivoirien (FPI) annoncent un retour en fanfare. Et chacun des deux camps y va de ses arguments. Pour la majorité présidentielle que constitue le Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), un retour sobre de l’ancien président aura l’avantage d’éviter les risques de débordements avec des conséquences qui pourraient être dommageables à l’ordre public et même attentatoires à la sécurité publique. Et ils en veulent pour preuve, les scènes de liesse qui avaient suivi l’acquittement en première instance de Laurent Gbagbo, dans certains quartiers abidjanais qui sont totalement acquis à sa cause et qui, malheureusement, s’étaient soldées par des pertes en vies humaines.
Derrière les arguments sécuritaires, il y a des calculs politiciens
Les craintes du pouvoir qui dit n’avoir pas été associé au choix de la date de retour du Christ de Mama, sont d’autant plus fondées que non seulement les discours de certains pro-Gbagbo sont aux antipodes de la retenue qu’impose le contexte particulier de la RCI qui porte encore les stigmates de la guerre civile et de la crise post-électorale, mais aussi le régime qui a la responsabilité de l’ordre et de la paix publiques, peut être accusé de négligence si le retour de l’ancien président ne se déroule pas dans la sérénité requise. Mais l’on imagine aisément que derrière ces arguments sécuritaires, il y a des calculs politiciens. Le régime d’ADO ne veut sans nul doute pas dérouler le tapis rouge à un redoutable adversaire politique au risque de participer à la remobilisation de ses troupes qui perçoivent l’évènement comme le retour d’un messie pour apporter le salut à la nation ivoirienne. Pour les pro-Gbagbo dont Jean Koné Katinan s’est fait le porte-parole, « le retour de Gbagbo ne peut être discret ». Le retour du leader du FPI doit être fêté dans une euphorie populaire car il traduit le triomphe de Gbagbo sur la conspiration internationale. Au plan politique, le FPI et ses sympathisants sont aussi conscients du gain politique certain que constitue l’accueil en fanfare du général qui retrouve ses troupes après une bataille épique marquée du sceau de la victoire. Un retour au moment même où les désastres électoraux se sont accumulés suite aux querelles fratricides au sein de la famille FPI qui se disputait l’héritage politique de Laurent Gbagbo. L’on peut espérer que ce retour constitue un prétexte pour enterrer définitivement la hache de guerre entre les deux branches du FPI et que la concorde retrouvée entre les frères ennemis, serve de cri de ralliement pour les brebis égarées ou dispersées après que le berger a été frappé par la foudre.
Il appartient aux deux camps de trouver un compromis utile
Dans cette guerre des tranchées où personne ne dévoile véritablement son jeu, l’on doit surveiller un troisième larron qui se tient en embuscade et qui n’a pas manqué l’occasion de se faire entendre. Il s’agit des parents des victimes qui, à coups de marches, exigent l’arrestation de Gbagbo dès la passerelle de l’avion en avançant, entre autres, sa responsabilité dans le casse de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Même s’ils ne le disent pas, ces ayants droit des victimes de la guerre civile et de la crise post-électorale peuvent jouer les trouble-fêtes dans les plans échafaudés par le pouvoir ou le FPI pour accueillir l’ex-président Laurent Gbagbo. Cela dit, quel que soit le cas de figure, la pression est plus que forte sur les autorités ivoiriennes qui, tout en garantissant la liberté de manifester, doivent veiller au maintien de l’ordre public et à la sécurité des biens et des personnes lors de cet évènement qui fera date, d’une manière ou d’une autre, dans l’histoire politique de la Côte d’Ivoire. Les autorités ivoiriennes ont donc l’impérieuse nécessité de faire en sorte que les divergences de vues quant au format de retour au bercail du président Gbagbo, ne provoquent pas un clash qui pourrait être dommageable au climat social et à la paix dans le pays. C’est en cela que les discussions qui se mènent entre les deux parties, doivent se poursuivre et s’inscrire dans le schéma global de la réconciliation en Côte d’Ivoire. Car, ce qui se trame véritablement derrière ces débats de forme, c’est bien la question de l’impact du retour de Laurent Gbagbo sur le processus de la réconciliation nationale en cours en Côte d’Ivoire. Et là, la balle se trouve dans les deux camps. Car, l’on ne peut espérer une véritable réconciliation nationale en RCI sans le leader du FPI. Il appartient donc aux deux camps de trouver un compromis utile à la Côte d’Ivoire et qui ne fasse pas passer par pertes et profits les intérêts des victimes de la crise post-électorale.
« Le Pays »