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RETOUR AU BERCAIL DE  L’EX-PRESIDENT IVOIRIEN


A quelques heures du retour attendu, ce 17 juin 2021, de l’ex-président Laurent Gbagbo dans son pays, dix ans après son transfèrement à la Cour pénale internationale (CPI), la pression monte en Côte d’Ivoire.  D’un côté, c’est l’effervescence au sein de ses partisans qui, forts de l’acquittement de leur champion par la Justice internationale, sont en train de mettre les petits plats dans les grands  pour donner un cachet particulier à l’évènement.   De l’autre, c’est la mobilisation au niveau du collectif des victimes de la crise post-électorale de 2010-2011, qui, insatisfaites du verdict de la CPI,  voient dans ce retour, l’occasion de jeter à nouveau derrière les barreaux, le Christ de Mama qui est sous le coup d’une condamnation par la Justice ivoirienne. Entre les deux, le pouvoir d’Alassane Dramane Ouattara (ADO), résolument tourné vers la réconciliation nationale, joue la carte de l’apaisement et de l’accompagnement, après que le chef de l’Etat ivoirien a donné son feu vert pour le retour au bercail de son grand rival. Ainsi, en plus de la prise en charge annoncée par l’Etat, des frais de voyage de l’ex-pensionnaire de la prison de Scheveningen, le régime d’Abidjan a pris sur lui d’ouvrir le pavillon présidentiel de l’aéroport pour l’accueil de l’illustre personnalité.

 

Le retour de Gbagbo en Eburnie ne doit pas raviver les tensions ni exacerber les clivages entre les Ivoiriens

 

Un signal fort de sa volonté de calmer le jeu, pour donner une chance à la réconciliation nationale que le président Ouattara a lui-même présentée comme l’un des principaux axes de son troisième mandat, et qui a fait l’objet de la création d’un ministère plein.  Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce retour au bercail de Laurent Gbagbo est diversement apprécié en Côte d’Ivoire où les stigmates de la grande déchirure de 2010-2011, restent encore très perceptibles. En témoignent ces agitations frénétiques dans les deux camps, entre pro et anti-Gbagbo, qui paraissent comme autant de réminiscences de la guerre de tranchées qui a marqué la période de braise de la crise post-électorale qui a fini par conduire Laurent Gbagbo devant le tribunal international. Mais la Côte d’Ivoire a besoin de tourner la page pour repartir du bon pied. Car, comme l’a relevé quelqu’un, «  on ne peut pas passer le temps à ruminer le passé dans une bagarre interminable ». C’est pourquoi, aussi historique et emblématique qu’il puisse être,  le retour de Gbagbo en Eburnie ne doit pas, qu’elle qu’en soit la portée,  raviver les tensions ni exacerber les clivages entre les Ivoiriens. Il ne doit pas être une occasion de remuer le couteau dans la plaie de la division, en passant pour être la victoire d’un camp sur un autre. Bien au contraire, ce retour devrait être une véritable occasion de rapprochement entre les Ivoiriens qui devraient plutôt être tous animés de la même volonté inébranlable d’enterrer définitivement la hache de guerre après la parenthèse douloureuse qui a affecté la Nation tout entière et qui a fait des victimes dans les deux camps. Au nom de toutes ces victimes, au nom des trois mille morts dont la responsabilité reste forcément partagée,  les Ivoiriens devraient saisir l’opportunité de ce retour au bercail de Laurent Gbagbo, pour faire une véritable introspection afin de baliser le chemin de l’avenir, contre les démons de la division.

 

Il va falloir donner du temps au temps

 

C’est pourquoi, à défaut de faire profil bas dans un camp comme dans l’autre, il appartient aux uns et aux autres de faire preuve de responsabilités en évitant toute attitude malveillante ou propos blessants qui tendraient à verser de l’huile sur le feu qui couve sous la cendre encore chaude de la voie du difficile pardon que certains Ivoiriens peinent encore à emprunter. Il appartient aussi au principal concerné qu’est Laurent Gbagbo, de savoir calmer le jeu en ayant lui-même d’abord le triomphe modeste et en appelant ensuite ses partisans à la modération.  Car, qu’on aime ou qu’on n’aime pas le régime d’ADO, il faut reconnaître que dans le cas d’espèce, il a fait beaucoup de concessions en dépassionnant le débat autour de ce retour qui commençait à faire polémique. Et aussi, en laissant  aux partisans du Woody, l’initiative de l’organisation de cet événement, au risque de faire des mécontents dans son propre camp. En tout état de cause, pour donner une chance à la paix, il va falloir donner du temps au temps, en travaillant concomitamment à désarmer définitivement les paroles et les cœurs. C’est à ce prix que les Ivoiriens pourront se donner les chances d’un nouveau départ, dans la paix et la concorde, pour faire face au  véritable ennemi, l’hydre terroriste, qui frappe avec insistance aux portes du pays, après avoir fait ses premières victimes.

 

« Le Pays »

 

 


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