RETOUR DES COUPS D’ETAT EN AFRIQUE DE L’OUEST: Faut-il s’en inquiéter ?
Les effets de la dégradation de la situation sécuritaire au Burkina, ont conduit à un nouveau coup d’Etat. Est-ce la solution ? Le débat reste ouvert. Toujours est-il que ce coup de force intervient après celui du Mali en août 2018 et celui de la Guinée en septembre 2021. Après le coup d’Etat du capitaine Sanogo, en 2012, au Mali, la CEDEAO avait rapidement pris des mesures énergiques comme la fermeture des frontières des Etats membres avec le Mali. Toute chose qui avait contraint le capitaine Sanogo, à accepter, malgré lui, de remettre le pouvoir aux civils. Depuis, il s’était instauré comme une sorte de jurisprudence anti-coup d’Etat dans l’espace CEDEAO. A quoi sert, en effet, de prendre le pouvoir sans avoir les coudées franches pour gouverner ? Cette jurisprudence a quelque peu été écorchée en 2015 lorsque, malgré tout, le général Diendéré a opéré son coup d’Etat contre le régime de la Transition au Burkina, avant d’être contraint par la société civile, appuyée par les jeunes officiers de l’armée, de renoncer au pouvoir et de se constituer prisonnier. En 2018, la junte malienne a brisé avec fracas le statu quo, non seulement en s’emparant du pouvoir, mais surtout en foulant aux pieds des recommandations et des injonctions de la CEDEAO. Puis, ce fut à la Guinée de lui emboiter le pas, maintenant suivie par le Burkina Faso.
Qu’est-ce qui ne va pas pour que, malgré les précautions et les intimidations de la CEDEAO, l’on assiste au retour des coups d’Etat et du pouvoir kaki en Afrique de l’Ouest ? Tous les présidents renversés avaient été largement réélus dans leurs pays respectifs. Ce qui suppose que chacun était censé avoir de nombreux partisans dans son pays. Il y a donc un paradoxe qu’il faudra tenter de démêler. Le vrai problème ne réside-t-il pas dans le système électoral ?
Il y a comme une sorte d’échec de la CEDEAO qui préfère traiter les symptômes au lieu de s’attaquer aux causes de la maladie
Il convient, en effet, de constater que dans nos pays, le système électoral ne permet pas nécessairement de choisir les personnes les mieux indiquées. Même si les taux d’alphabétisation et de scolarisation évoluent positivement, il n’en demeure pas moins que les langues européennes, qui sont nos langues officielles et de travail, ne sont pas toujours suffisamment bien maîtrisées pour que l’électeur moyen puisse librement et consciencieusement exercer son choix. En outre, le modèle de gouvernance qui résulte d’une reproduction quasi parfaite des Constitutions européennes, échappe très souvent à la compréhension de la majorité des citoyens. De sorte que leur choix a tendance à se porter sur d’autres critères que ceux qui concernent la capacité à gouverner. Surtout que l’ampleur de la corruption électorale est telle que les programmes politiques des candidats ne servent que de cadres publicitaires et de propagande. Les vrais leviers de la victoire résidant dans les capacités financières. N’importe quel quidam pouvant être riche, soit par héritage, soit par des moyens à la légalité douteuse, peut se faire élire ou contribuer à l’élection d’un candidat pouvant se révéler notoirement inapte à la fonction. Ce système ne favorise pas l’avènement au pouvoir, de personnes intègres aux compétences réelles et affirmées. D’où la dérive dans la gouvernance et la récurrence des coups d’Etat. Et ce, malgré les intimidations et le bâton de la CEDEAO.
Il y a comme une sorte d’échec de la CEDEAO qui préfère traiter les symptômes au lieu de s’attaquer aux causes de la maladie. Ce faisant, elle se discrédite aux yeux de ceux qui cherchent de vraies solutions à leurs problèmes. Et l’on s’aperçoit qu’elle ne fait plus peur à ceux qui sont déterminés pour le changement. La CEDEAO devra donc s’adapter ou se préparer à être reléguée aux oubliettes ou au mieux, à n’être plus que comme les organisations qui peinent même à vivoter comme le Conseil de l’Entente ou l’Union du Maghreb arabe (UMA).
Dans la phase de transition qui va s’instaurer au Burkina, car il faudra bien que tôt ou tard, les militaires remettent le pouvoir aux civils, ceux-ci devront s’inspirer des exemples de leurs collègues patriotes et visionnaires qui ont su incarner les aspirations de leur peuple comme Gamal Abdel Nasser, Houari Boumediene, Jerry Rawlings, Thomas Sankara et, de nos jours, Paul Kagamé. C’est la seule façon pour eux de sortir par la grande porte et de figurer dans les registres de l’Histoire.
Apolem