HomeA la uneRETOUR OBLIGATOIRE AU BERCAIL DES ETUDIANTS BOURSIERS TOGOLAIS : L’Etat a-t-il les moyens de sa politique ?  

RETOUR OBLIGATOIRE AU BERCAIL DES ETUDIANTS BOURSIERS TOGOLAIS : L’Etat a-t-il les moyens de sa politique ?  


Les étudiants boursiers togolais envoyés à l’étranger, signeront, désormais, un engagement à revenir servir leur pays à la fin de leur formation.  La signature de cet engagement par l’étudiant et son parent ou son tuteur, est conditionnée à l’effectivité de la bourse, selon les autorités togolaises.  Il ressort de l’audit du fichier des boursiers togolais, qu’à la rentrée académique 2022-2023, près de 13 mille étudiants togolais bénéficiaient d’une bourse à l’étranger, dont cinq cents en Occident. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils coûtent cher à l’Etat, soit près de 4 milliards de F CFA, contre 16 milliards pour les 100 mille étudiants restés sur place.   Ce coût énorme est associé à une autre réalité, bien plus triste : le refus des bénéficiaires de ces bourses étrangères, de rentrer au bercail, une fois leurs études terminées. A titre illustratif, dans des pays comme le Canada, les Etats-Unis ou la Suisse, aucun retour au pays, d’étudiants togolais, n’a été signalé au cours des huit dernières années et seulement 4% de ceux qui ont pris le chemin de l’Europe, ont regagné la mère-patrie. On peut donc comprendre l’amertume de l’Etat togolais et son souci d’inverser la tendance.  Comment s’y prendra-t-il ? L’équation paraît bien complexe.  En attendant, il est question de la mise en place d’un fichier de suivi de tous les boursiers, suivi axé notamment sur leur intégration et leur évolution. Mieux, ce fichier devrait constituer une base de données en matière de ressources humaines disponibles pour le Togo.   Il reste à espérer que ce système de suivi ne soit pas de la poudre de perlimpinpin qui, dans un tel cas, ne règlera pas la problématique fondamentale de l’insertion dans le marché de l’emploi, de ces jeunes diplômés togolais frais émoulus des écoles étrangères.

 

L’étudiant à l’étranger ne choisit pas de rester loin des siens, de gaieté de cœur

 

Certes, il est normal que l’Etat se sente lésé, après avoir investi ses billes dans la formation à l’étranger, de ces jeunes Togolais qui ont fini par faire l’option de ne pas rentrer.  Pour autant, quelle garantie ce même Etat leur offre-t-il en terme d’insertion professionnelle ? En les incitant à revenir chez eux, l’Etat togolais a-t-il les moyens de sa politique ?  En tout cas, cette invite à regagner le bercail, ne doit pas se révéler comme un piège à cons pour tous ces jeunes cadres qui, une fois de retour chez eux, pourraient constater amèrement qu’ils sont plutôt rentrés pour grossir les rangs des nombreux chômeurs ! Combien sont-ils, en effet, au Togo ou ailleurs, à s’être retrouvés à se tourner les pouces, après qu’ils ont décidé de rentrer servir leur chère patrie ?   Ce fut, hélas, la grande désillusion ! Après avoir espéré en vain un emploi, bien des anciens boursiers de l’Etat sont repartis – eux ont eu cette chance – faire valoir leurs compétences ailleurs. C’est bien dommage !   Leur pays n’avait rien à leur offrir en terme de perpectives.  Mais pour ceux qui ont pu décrocher un job, en particulier dans le public, ils n’ont pas toujours bénéficié du cadre adéquat pour exercer pleinement leurs talents. En cause : le manque ou l’inadéquation des infrastructures, la vétusté du matériel de travail, le manque de financements, etc. ; toutes choses qui ne militent évidemment pas à l’épanouissement professionnel.  Bref, c’est dire si, au-delà de l’exigence faite aux étudiants en fin de formation, de rentrer, il faut au préalable créer le cadre propice qui leur permette non seulement de trouver du travail, mais aussi de l’exercer dans les meilleures conditions.  Bien sûr, l’on rétorquera que l’Etat ne peut tout faire : que ce n’est pas son rôle de trouver de l’emploi à tout le monde, y compris les étudiants bénéficiaires de ses bourses extérieures.  Certes, d’aucuns diraient que ces étudiants privilégiés peuvent aussi être redevables à leur pays à travers l’initiative privée. Soit.  Mais encore faut-il, pour ces derniers, pouvoir compter sur un climat des affaires  favorable à l’auto-emploi.  Ce qui n’est pas toujours évident.  Mais une chose est certaine : si l’Etat s’est « échiné » à trouver des bourses d’études à l’extérieur, c’est qu’il s’attend à ce que les bénéficiaires lui soient ne serait-ce que redevables.  Brandir, par conséquent, l’argument selon lequel l’Etat n’est pas tenu d’employer ceux-là mêmes qu’il a envoyés se former à l’étranger, peut s’apparenter plutôt à un aveu d’échec ; le signe de son incapacité à embaucher ceux pour lesquels il s’est financièrement investi.  En tout état de cause, l’étudiant à l’étranger ne choisit pas de rester loin des siens, de gaieté de cœur.  S’il a fait le choix d’offrir ses compétences au pays qui lui a donné le savoir, rarement sa décision a été prise à la légère.  Il a réalisé ce qu’il perdrait en rentrant chez lui et ce qu’il gagnait en restant hors de son pays.   Dans le cas du Togo, quelles mesures incitatives ce pays mettra-t-il sur la table pour ses étudiants boursiers à l’étranger, qui renâclent à prendre le chemin du retour ?  C’est cela, tout l’enjeu.

 

CBS


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