RETRAIT PARTIEL DES TROUPES TCHADIENNES DE LA ZONE DES TROIS FRONTIERES
Lorsqu’ils débarquèrent en février dernier dans la « zone des trois frontières » aux confins du Mali, du Niger et du Burkina, dans le cadre de la force anti-terroriste du G5 Sahel, bien des Sahéliens étaient aux anges, convaincus qu’ils allaient y casser du terroriste et cela, dans les meilleurs délais. Tout le monde aura compris qu’il s’agit des boys d’Idriss Déby Itno. Six mois après leur arrivée, 600 soldats sur les 1200 déployés, viennent de faire leur paquetage pour regagner le bercail. L’annonce a été faite le samedi dernier par le porte-parole du gouvernement tchadien, Abderaman Koulamallah. Ce dernier justifie cette décision par des raisons « stratégiques ». Pour lui, en effet, « il s’agit d’un redéploiement stratégique pour s’adapter au mieux à l’organisation des terroristes ». Et le porte-parole de rassurer les partenaires du Tchad de la force anti-terroriste du G5 Sahel, en ces termes : « Notre volonté politique de faire face aux djihadistes reste intacte ». Cet argumentaire, bien des observateurs de la scène politique tchadienne le prennent avec des pincettes. Pour certains, derrière ce redéploiement « stratégique » se cachent des motivations sécuritaires endogènes.
Des Sahéliens ont tremblé quand la France a annoncé récemment la fin prochaine de la force Barkhane
En effet, pour cette catégorie d’observateurs, ce sont les bruits de bottes aux frontières du Tchad avec la Libye et la Centrafrique, qui expliquent ce retour des 600 soldats au pays. A cela, ils ajoutent des impératifs liés à la lutte contre Boko Haram dans le Bassin du lac Tchad. Pour d’autres observateurs, ce retrait a été rendu obligatoire parce que le Tchad, en raison de la crise économique qui frappe le pays, n’est plus en mesure de faire face aux dépenses liées à la prise en charge de l’ensemble des 1200 soldats déployés. De ce fait, il fallait donc dégraisser le mammouth de sorte à ramener l’addition de sa prise en charge, à des proportions supportables par le Trésor du pays. Mais tout cela n’est que supputations qui pourraient ne pas intéresser les pauvres populations de cette zone dite des trois frontières en particulier et celles de l’ensemble du Sahel en général. Ce qui, plutôt, les intéresse au plus haut point, est de savoir si ce retrait ne va pas contribuer à tendre davantage les ressorts meurtriers de cette horde de terroristes qui écument la zone. Autrement dit, l’on peut se poser la question de savoir, relativement à ce retrait partiel des troupes tchadiennes de la zone des trois frontières, si l’on doit davantage trembler au Sahel pour cela. En effet, des Sahéliens ont tremblé quand la France dont on sait qu’elle est très impliquée dans la lutte antiterroriste, a annoncé récemment la fin prochaine de la force Barkhane. La deuxième source de frayeur au Sahel a été le retour triomphal et éclair des Talibans suite au retrait des forces américaines d’Afghanistan. Car, le parallèle avait été fait avec le retrait annoncé de Barkhane. L’autre élément de frayeur est lié à la recrudescence des attaques terroristes ces derniers temps au Sahel. Et la plupart d’entre elles ont eu lieu justement dans la zone des trois frontières et ses environs.
Ce retrait doit être perçu comme une opportunité pour sonner davantage le réveil des armées du Niger, du Mali et du Burkina
C’est dans ce contexte qu’intervient le retrait des 600 soldats tchadiens de cette zone que l’on peut, à juste titre, qualifier de zone la plus dangereuse de la planète. De ce point de vue, l’on peut objectivement se poser la question de savoir si l’on doit davantage trembler au Sahel en général et dans la zone dite des trois frontières en particulier après le retrait partiel des troupes du Tchad de cette zone à hauts risques sécuritaires. Cette question est d’autant plus fondée que les boys d’Idriss Deby y avaient été envoyés parce qu’ils étaient censés, au regard de leur expérience en matière de lutte antiterroriste et de leurs hauts faits de guerre, apporter la réponse qu’il fallait à cette horde de hors-la-loi qui y sévissent depuis 2017. Psychologiquement, en tout cas, ce retrait peut amener les Sahéliens à davantage frémir. Mais, ils ne doivent pas le faire outre mesure. En effet, l’on peut avoir l’impression que la présence du fort contingent tchadien dans cette zone, n’a pas véritablement perturbé le sommeil des terroristes. En tout cas, l’on n’a pas souvenance, depuis leur arrivée sur les lieux en février dernier, de faits téméraires posés par ces Tchadiens, de nature à empêcher les forces du mal de sévir contre les populations. Bien au contraire, en dépit de leur présence, les terroristes ont réussi le tour de force de transformer la zone en leur cour de récréation d’où ils partent pour semer la mort et la désolation au Burkina, au Mali et aux Niger, quand ils veulent et comme ils veulent. C’est pourquoi ce retrait doit être perçu comme une opportunité pour sonner davantage le réveil des armées du Niger, du Mali et du Burkina. Car, personne ne viendra les affranchir du joug des terroristes. Le retrait des troupes américaines d’Afghanistan et cela après 20 ans de présence dans ce pays, est là pour conforter cette réalité.
« Le Pays »