HomeA la uneREVIREMENT SPECTACULAIRE DE YAHYA JAMMEH :  Jusqu’où la CEDEAO pourrait-elle aller ?

REVIREMENT SPECTACULAIRE DE YAHYA JAMMEH :  Jusqu’où la CEDEAO pourrait-elle aller ?


Après le revirement spectaculaire de Yahya Jammeh donné perdant à la présidentielle gambienne du 1er décembre dernier, une délégation de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) conduite par sa présidente en exercice, Ellen Johnson Sirleaf, s’est rendue à Banjul, le 13 décembre dernier, pour tenter de convaincre le président sortant de passer la main. C’est dans une atmosphère pesante que le quatuor de chefs d’Etat de la sous-région ouest-africaine, qui comptait, outre la présidente libérienne, le Nigérian Muhammadu Buhari, le Ghanéen John Dramani Mahama et le Sierra-Léonais Ernest Baï Koroma, a fait le déplacement de la capitale gambienne pour tenter le difficile pari de ramener à la raison, ce « fou » de Yahya Jammeh. Et pour cause, après avoir reconnu sa défaite au lendemain du vote,  le président sortant a, une semaine plus tard, fait un revirement spectaculaire de 180° pour rejeter en bloc les résultats, suite au communiqué final de la Commission électorale faisant état d’erreurs dans la compilation, qui auraient affecté les chiffres sans changer la donne de sa défaite. Mais il n’en fallait pas plus pour que ce dernier fasse un rétropédalage et remette publiquement en cause les résultats, ce qui justifie aujourd’hui cette mission de bons offices de la CEDEAO pour tenter de désamorcer la crise institutionnelle qui se profile à l’horizon et dont nul ne saurait prédire les conséquences, dans un pays encore loin d’être remis de sa stupeur et de ses émotions.

En battant le fer pendant qu’il est chaud, la CEDEAO se donne des chances de parer au pire

 

Mais avant toute chose, il conviendrait de saluer la célérité de la réaction de l’institution sous-régionale qui semble avoir pris toute la mesure du problème en n’attendant pas que la situation empire outre mesure avant de lancer la médiation. En battant le fer pendant qu’il est encore chaud, elle se donne des chances de parer au pire. Du reste, ce n’est pas la première fois que cette institution mène de telles missions dans des pays membres en crise. On se rappelle, en effet, sa fermeté vis-à-vis du putschiste malien Amadou Haya Sanogo qui, après avoir renversé en 2012 le régime d’Amadou Toumani Touré, s’était accaparé du pouvoir et montrait des velléités de le confisquer. On se rappelle aussi son intervention au Burkina Faso en 2015, suite au coup de poignard du Général Gilbert Diendéré contre les institutions de la Transition, dans le sombre dessein de rétablir l’ordre ancien. Si dans ces deux cas, l’histoire avait au finish connu un happy end pour les peuples, l’on attend de voir ce que cette mission gambienne va produire comme résultats. En tout cas, ce ne sont pas les arguments qui manqueront à Ellen Johnson Sirleaf et à sa suite pour convaincre leur homologue anglophone, Yahya Jammeh, de ne pas faire dans la résistance. D’autant plus que dans la délégation sous-régionale, figure un certain John Dramani Mahama, qui vient lui aussi de perdre les élections au Ghana et qui s’apprête à se montrer fair-play jusqu’au bout. Mais Yahya Jammeh entendra-t-il raison ? Jusqu’où la CEDEAO pourrait-elle aller ? En tout cas, l’institution sous-régionale, qui est d’abord dans une logique pacifiste et diplomatique, n’a pas exclu la possibilité d’une intervention musclée pour contraindre le maître de Banjul à quitter le pouvoir.  En arrivera-t-on là ? Si les négociations n’aboutissent pas, la CEDEAO va-t-elle mettre ses menaces à exécution ? Là est toute la question. Car, si l’éventualité de l’utilisation de moyens coercitifs peut paraître une mesure dissuasive qui pourrait même faire peur aux séides du dictateur, elle pourrait tout aussi bien présenter d’énormes risques que ce pays bascule dans la guerre civile. Ce n’est certainement pas l’objectif recherché par la CEDEAO. Et le risque est d’autant plus grand que rien ne dit que la position de l’armée gambienne n’est pas pour quelque chose dans le revirement de Yahya Jammeh. Qui sait si ce dernier ne s’est pas assuré la loyauté de la Grande muette avant d’adapter sa position de contestation. En tout état de cause, il faut espérer que la raison prime et éviter à tout prix un scénario à l’ivoirienne. Aussi, après la parenthèse burkinabè, la CEDEAO joue-t-elle une fois de plus sa crédibilité ! Nul doute qu’elle en sortirait grandie, si elle parvenait à faire plier Yahya Jammeh. Dans le cas contraire, c’est son image qui en serait encore sérieusement écornée.

Yahya Jammeh doit savoir lire les signes des temps

Cela dit, l’on pourrait croire que face à la clameur de ses compatriotes qui demandent justice ici et maintenant, Yahya Jammeh a monté les enchères pour négocier sa sortie. Si c’était le cas, on pourrait dire qu’il aura réussi un premier pas, avec ces négociations qui s’ouvrent sous l’égide d’une institution internationale. Mais, avec un personnage aussi imprévisible que fantasque, l’on ne peut pas non plus exclure d’autres rebondissements. Toute chose qui compliquerait davantage la situation. Même si l’on peut dire que c’est le manque de tact des Gambiens et leur soif de justice immédiate qui a amené Yahya Jammeh à raidir sa position, ce dernier aussi devrait comprendre que ce n’est pas en agissant de la sorte qu’il sauvera sa peau. Au contraire, il court le risque d’un isolement total, sans oublier les sanctions de toutes natures de la Communauté internationale, qui pourraient s’abattre sur son régime. Yayha Jammeh n’a donc plus toutes les cartes en main pour se montrer hermétique à toute négociation. Lui aussi devrait réfléchir pas deux fois, car l’on sait, par exemple, ce que lui a coûté le blocus économique de son grand voisin sénégalais, quand il s’était avisé de multiplier unilatéralement par cent, les frais de traversée des camions étrangers. Yahya Jammeh doit savoir lire les signes des temps, et réunir tout ce qu’il lui reste encore de courage et de lucidité pour prendre une décision sensée. Autrement, comme beaucoup d’autres dictateurs de sa trempe qui se croyaient invulnérables, il risque de connaître un sort bien plus déshonorant et humiliant qu’il ne peut l’imaginer. Et il n’est pas à exclure que la solution vienne de ses propres rangs.

« Le Pays »


Comments
  • vous aviez dit juste le 11 décembre vous avez parlé de fauve blessé qui peut retourner a veste

    14 décembre 2016

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