RISQUES D’AFFRONTEMENTS ENTRE ARMEES CONGOLAISE ET RWANDAISE : Surenchère ou volonté réelle d’en découdre ?
Alors que les combats s’intensifient dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) entre l’armée congolaise et le M23, la tension monte entre Kigali et Kinshasa qui a toujours accusé son voisin de soutenir les rebelles. Et après l’échec, en décembre dernier, du sommet de Luanda qui était censé rabibocher les présidents congolais, Félix Tshisékédi et rwandais, Paul Kagame, par la signature d’un accord de paix durable, l’on assiste, de part et d’autre, à une escalade verbale qui dénote de la dégradation continuelle des relations entre les deux pays. Toujours est-il que quand ce n’est Paul Kagame qui remet en cause la légitimité de Félix Tshisékédi en répétant à l’envi que le chef de l’Etat congolais « n’a pas été élu », c’est Kinshasa qui traite l’homme mince de Kigali de « mégalo » quand elle ne l’accuse pas de mener, par procuration, une guerre de déstabilisation dans la partie orientale du pays, par le M23 interposé. Des propos va-t-en-guerre qui contribuent non seulement à exacerber les tensions entre les deux capitales, mais qui sont aussi symptomatiques du niveau de dégradation des relations entre les deux voisins.
Les présidents Tshisékédi et Kagame doivent savoir mettre en berne leurs ego surdimensionnés
Lesquels ne se contentent plus de se regarder aujourd’hui en chiens de faïence, mais semblent dans une logique d’affrontements directs. En tout cas, c’est ce que l’on est porté à croire, à la lumière des propos du ministre congolais de la communication qui, au détour d’une sortie médiatique, ne s’est pas embarrassé de formules diplomatiques pour déclarer que la guerre avec le Rwanda « est une option envisagée ». Poussant le bouchon plus loin, il affirme que « les rebelles du M23 n’existent pas » ; « c’est le Rwanda qui agit à travers ce groupe ». La question qui se pose est de savoir si à travers cette sortie du porte-parole du gouvernement, Kinshasa fait dans la surenchère ou si ces propos traduisent une volonté réelle d’en découdre avec le Rwanda. La question est d’autant plus fondée qu’au-delà des piques et autres passes d’armes verbales, les protagonistes semblent au bord de l’exaspération. Et ce, dans un contexte où le processus de Luanda qui traduit les efforts de la médiation angolaise visant à asseoir les deux dirigeants autour d’une même table de négociations, est dans l’impasse. Une situation d’autant plus déplorable que ce sommet avorté de la capitale angolaise entre les deux chefs d’Etat antagonistes, avait suscité l’espoir de la signature d’un « Accord de paix » pour mettre fin à la guerre. Mais quoi qu’il en soit et quels que soient les ressentiments de part et d’autre, l’on espère que l’option d’une guerre directe entre les armées congolaise et rwandaise, est un pas qui ne sera pas franchi. Autrement, ce serait ajouter de la douleur à la douleur, et de la souffrance à la souffrance de populations qui ne demandent qu’à vivre en paix et en bonne intelligence les unes avec les autres.
La communauté internationale doit agir de sorte à ne pas laisser la situation s’envenimer
Et ce, dans un contexte de méfiance exacerbée entre les deux capitales qui ne voient pas d’un bon œil la présence, de part et d’autre de la frontière, de groupes armés hostiles à leurs régimes respectifs. En l’occurrence, le M23, une rébellion de Tutsis congolais qui sévit dans l’Est de la RDC et qui donne de l’urticaire aux autorités de Kinshasa. Mais aussi les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), du nom de cette milice de Hutus rwandais formée en RDC et opposée au régime de Kigali. C’est dire la complexité de cette crise qui sévit dans l’Est de la RDC où des populations innocentes, prises dans l’étau d’intérêts multiples et multiformes, souffrent le martyre sans savoir à quel saint se vouer. C’est pourquoi les présidents Félix Tshisékédi et Paul Kagame doivent savoir mettre en berne leurs ego surdimensionnés pour n’agir que dans l’intérêt supérieur de leurs peuples respectifs. En tout état de cause, l’on imagine les conséquences d’une guerre ouverte entre les armées des deux pays, qui pourrait embraser toute la sous-région. La communauté internationale est donc interpellée. Elle doit savoir anticiper et agir de sorte à ne pas laisser la situation s’envenimer outre mesure. Il y va de l’intérêt de tous et surtout de la paix dans cette partie de l’Afrique qui est déjà une grande fournaise mais qui continue de danser sur un volcan.
« Le Pays »