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ROCH EN BELGIQUE ET EN FRANCE


Le 7 février dernier, le chef de l’Etat burkinabè, Roch Marc Christian Kaboré, a entamé une mini-tournée  européenne qui le conduira successivement à Bruxelles puis à Paris. Au menu des échanges avec ses interlocuteurs, les questions sécuritaires sur fond de pandémie du Covid-19, qui sont autant de préoccupations de l’heure à l’échelle sous-régionale voire mondiale. Si dans la capitale belge, l’essentiel des échanges portera sur la coopération bilatérale, à l’Elysée où le locataire du palais de Kosyam sera reçu le 10 février par son homologue français, Emmanuel Macron, la sécurité au Sahel se présente comme le plat de résistance des échanges que le chef de l’Etat aura avec son hôte, en prélude au sommet G5 Sahel/France prévu pour se tenir le 15 février prochain  à N’Djamena au Tchad. Soit dit en passant, Roch Marc Christian Kaboré est le dernier chef d’Etat sahélien à être reçu dans ce cadre à l’Elysée qui a déjà vu défiler les chefs d’Etat du Niger, du Mali, de la Mauritanie et du Tchad. Un ballet présidentiel sur les bords de la Seine rendu d’autant plus indispensable pour accorder les violons avant le sommet de la capitale tchadienne, qu’il est de plus en plus question, dans l’Hexagone, d’un « réajustement » des effectifs de la force Barkhane engagés dans la lutte contre le terrorisme au Sahel.

 

La volonté de désengagement de l’armée française du Sahel, n’est pas nouvelle

 

C’est donc,  peut-on dire, une visite de raison du chef de l’Etat burkinabè au lendemain de sa nette réélection à sa propre succession. Sachant que son premier mandat n’a pas été de tout repos, notamment en raison de la multiplication des attaques terroristes qui étaient en passe de saper le moral de bien des Burkinabè. Aujourd’hui, sans être venu à bout de l’hydre terroriste, le Burkina Faso présente un bien meilleur visage, avec des Forces de défense et de sécurité (FDS) qui ont su montrer de la résilience et monter progressivement en puissance pour s’adapter à la réalité du terrain, mais qui ont encore besoin de beaucoup de soutiens. Une expérience de terrain qui, ajoutée à celles des autres chefs d’Etat sahéliens qui étaient « au rapport à l’Elysée », pourrait mieux aider à l’évaluation de la situation et à la décision. D’autant que l’émotion, au sein d’une opinion nationale française de plus en plus critique, née des pertes en vies humaines de soldats français sur le champ de bataille en Afrique, ne semble pas étrangère à cette volonté des autorités françaises de repenser leur engagement au Sahel. Mais cette volonté de désengagement de l’armée française dans cette partie du continent noir, n’est pas nouvelle. En effet, on se rappelle, il y a une année de cela, « l’invitation-convocation » du jeune Grand chef des Blancs à ses pairs africains « sommés » de clarifier leur position sur la présence des troupes françaises au Sahel, face à la montée, dans ces pays, de ce qui s’apparentait à un agaçant sentiment anti-français du côté de Paris. La suite, on la connaît. Les dirigeants africains s’étaient rendus dans le midi de la France pratiquement la peur au ventre de voir Paris retirer ses troupes au moment où il semblait évident que leurs armées respectives, individuellement prises, n’étaient pas en mesure de faire face à la menace terroriste.

 

Lever prématurément le poste avancé de Barkhane, pourrait davantage exposer Paris et le vieux continent

 

C’est donc avec soulagement que le sommet de Pau avait abouti au renouvellement de l’engagement de collaboration entre la France et ses partenaires  sahéliens. Une « sage décision » dont s’étaient félicités de nombreux Africains, pendant que d’autres y voyaient une sorte de « chantage » de la France pour continuer à justifier sa présence au Sahel. Mais depuis lors, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et aujourd’hui, tout porte à croire que c’est une opinion française de plus en critique qu’Emmanuel Macron est appelé à convaincre de la nécessité du  maintien des troupes françaises au Sahel, en dépit des pertes en vies humaines subies par l’armée française. Et la récente sortie du très  taiseux patron de la DGSE sur les intentions expansionnistes de la nébuleuse terroriste vers les pays du Golfe de Guinée, notamment la Côte d’Ivoire et le Bénin, au moment où Paris semble vouloir jouer la carte de l’allègement de ses effectifs sur la ligne de front au Sahel, sonne comme un coup de semonce à l’endroit de l’Elysée. En tout cas, l’on ne serait pas surpris  d’un éventuel revirement de Paris sur la question, comme cela a justement été le cas au lendemain du sommet de Pau en France, l’année dernière. En attendant, en sonnant l’alarme, le patron du renseignement français voudrait mieux aiguillonner l’Elysée dans sa prise de décision. Car, quoi qu’on dise, le Sahel reste un enjeu important pour les pays de ladite région, mais aussi pour la France et l’Europe en termes de menace terroriste. C’est pourquoi l’on peut se convaincre que le politique a bien compris que lever prématurément le poste avancé de Barkhane, pourrait davantage exposer Paris et le vieux continent qui restent toujours des objectifs de premier plan pour les terroristes. C’est dire si en contribuant à protéger le Sahel, la France et l’Europe se protègent elles-mêmes. C’est pourquoi la contribution de la force européenne Takuba en soutien à Barkhane, qui semble montrer des signes d’essoufflement, et aux armées du G5 Sahel, est d’une importance capitale. Reste maintenant la question de cette opinion nationale française très forte et très critique,  réputée pour faire et défaire les régimes de l’autre côté de l’océan.

 

« Le Pays »

 

 

 


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