RWANDA : Kagame sur les traces de l’empereur Bokassa
Le suspense n’aura pas duré plus d’un mois. En effet, à peine la Constitution modifiée par référendum, que le président rwandais, Paul Kagame, a annoncé sa candidature à la présidentielle de 2017. A travers cette décision, l’homme mince de Kigali rate ainsi une occasion de consolider la démocratie avec laquelle les Rwandais ont renoué au prix de mille efforts et sacrifices. Et c’est donc compréhensible que les Etats-Unis d’Amérique, berceau de la démocratie, montent au créneau pour dénoncer cette prédation des valeurs démocratiques que les Rwandais auront pourtant mis vingt bonnes années à construire. Mais l’on peut être sûr d’une chose : la réaction de Washington n’ébranlera pas outre mesure la détermination de Paul Kagame à prolonger son bail à la tête de l’Etat. Sa réponse au pays de l’Oncle Sam est, pour le moins, nauséeuse : « Il y a pas mal de choses très décevantes qui se passent à travers le monde, nous espérons porter notre propre fardeau et ne pas être le fardeau des autres ». Mais pendant que Washington exprime avec véhémence sa colère contre cette mise en bière de la démocratie au Rwanda, la France, elle, reste atone et aphone. C’est aussi la même posture qu’ont adoptée l’Union européenne et l’Union africaine. Jusqu’au moment où nous tracions ces lignes, ni l’une ni l’autre n’avait pipé mot sur le 3e mandat de Paul Kagame. Mais leur mutisme, à dire vrai, n’étonne guère. En effet, les Occidentaux, la France en particulier, ont si mal géré le génocide rwandais que ce sentiment de culpabilité leur colle à la peau comme une puce. Et Paul Kagame le sait. Il le sait si bien qu’il en a fait un moyen de chantage. L’homme n’hésite pas à rabattre le caquet aux Occidentaux lorsqu’ils essaient de critiquer sa gestion. Et tant que les Occidentaux ne sortiront pas de cette logique, les choses resteront ainsi pour longtemps.
Il faut craindre que les nouvelles ambitions de Paul Kagame ne mettent davantage sur le chemin de l’exil ses opposants
Outre cela, Paul Kagame s’arc-boute sur son bilan qui, il faut bien le reconnaître, est positif sur divers plans. Car, au-delà du fait qu’il a apporté la stabilité aux Rwandais, Paul Kagame a réussi à créer le vivre-ensemble entre Tutsis et Hutus, après un génocide qui aura fait 800 000 morts, et à redynamiser l’économie de son pays. Et cela n’est pas rien. Malgré tout, Paul Kagame aurait tort de croire qu’il est indispensable au point de vouloir régner ad vitam aeternam. Ce serait une illusion de croire que sans lui, le Rwanda sombrera. C’est pourquoi il serait sage pour lui de quitter le pouvoir au terme de ses deux mandats en 2017. S’il persiste et signe, il risque, à coup sûr, de vendanger le bilan positif dont il s’enorgueillit tant. L’exemple de Blaise Compaoré est illustratif à cet égard. Pour refuser de quitter le pouvoir, ce dernier avait surfé sur une prétendue indispensabilité. « Je veux bien quitter le pouvoir mais il n’y a personne pour me remplacer », avait-il laissé entendre. La suite, on la connaît. Après Blaise, il n’y a pas eu de déluge au Burkina. En tout cas, sans jouer les Cassandre, ce 3e mandat ouvert par le récent référendum qui offre la possibilité à Paul Kagame de garder le fauteuil présidentiel jusqu’en 2034, risque de lui porter plus de malheur que de bonheur. En tout état de cause, il doit se rendre à l’évidence que les Rwandais ne vivent pas seulement que de pain. Ils ont aussi besoin de démocratie et de liberté. Et ignorer cela, c’est courir le risque de se faire chasser du pouvoir un beau matin. En voulant faire du Rwanda un royaume, Paul Kagame suit les pas de l’empereur Jean Bedel Bokassa. Et il ne lui reste plus qu’à se faire introniser comme Bokassa. Il faut craindre que ces nouvelles ambitions de Paul Kagame ne mettent davantage sur le chemin de l’exil, ses opposants, l’homme étant narcissique et réfractaire aux critiques. Déjà que certains sont jetés en prison et d’autres poursuivis et assassinés même hors des frontières rwandaises, quels reproches les Rwandais peuvent-ils encore faire à ce Bismarck des Grands Lacs sans s’attirer ses foudres? En somme, on a envie de dire que Kagame est plus craint qu’adulé. Mais il veut faire croire le contraire.
Dabadi ZOUMBARA
Theos
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Les americains devraient s’occuper du désordre qu’ils créent partout dans le monde et nous laisser en paix. Ils ont apporté la démocratie en Libye, en Irak, en Syrie, en Afganistan, etc et maintenant la population de ces pays récolte maintenant les “fruits amers” de la démocratie americaine! Laissez-nous nos dictatures car ils valent mieux parfois que vos prétendues démocraties.
5 janvier 2016