SCANDALES AU SEIN DU FOOTBALL MONDIAL : Il faut aussi regarder dans les écuries de Hayatou
Depuis que Washington a donné un coup de pied énergique dans la fourmilière, la FIFA semble ébranlée jusque dans ses fondations les plus profondes par des affaires de corruption de portée mondiale qui défraient la chronique et qui ont valu l’arrestation d’une vingtaine de ses responsables. Et quand Sepp Blatter rend, de façon spectaculaire, le tablier, quelque quatre jours seulement après sa réélection pour un cinquième mandat, cela a de quoi convaincre même les plus sceptiques que le lièvre levé par l’Oncle Sam est suffisamment gros pour faire perdre le sommeil à plus d’un baron du football mondial.
Aussi, à la lumière de ce qui vient de se passer à la FIFA et en ces moments où la faîtière du football mondial est dans la tourmente, l’on ne peut s’empêcher de s’interroger sur la situation de l’instance dirigeante du football africain, la CAF, dont l’inamovible président, Issa Hayatou, a une gestion tout aussi controversée du football du continent. En témoignent les sanctions contre le Togo victime d’une attaque armée lors de la CAN en Angola, qui lui avait valu une volée de bois vert de l’instance dirigeante du football africain, ou encore les récentes sanctions contre le Maroc concernant l’organisation de la dernière CAN. Sanctions d’ailleurs cassées en appel par le Tribunal arbitral du sport en faveur du Royaume chérifien. Ou encore cette volonté de sauter le verrou de limitation de l’âge pour briguer la présidence de la CAF. A ce propos d’ailleurs, l’on peut trouver à redire sur le comportement de son mentor, Sepp Blatter, par rapport à son 5e mandat qu’il a bataillé pour obtenir et qui se révèle être le mandat de trop. Pour un personnage de son âge, censé avoir une grande expérience de la vie, un tel comportement n’est pas un exemple de sagesse. C’est en cela que son geste était étonnant et fort regrettable. Si fait que cette démission est loin de le grandir, car, quelque part, l’on pourrait dire qu’il s’y est senti contraint par la tournure des événements. Cela est d’autant plus vrai que s’il n’y avait pas eu ce « Fifagate », il n’est pas sûr que Blatter aurait passé la main. C’est pourquoi l’on peut voir derrière sa volonté de limiter désormais le nombre des mandats du président et des membres de l’instance, une façon de couper l’herbe sous les pieds de ses successeurs. La mesure, en elle-même, est certes bonne, en ce qu’elle favorise l’alternance, mais elle aurait été plus élégante si Blatter l’avait appliquée à lui-même. C’est pourquoi l’on peut s’étonner, que ce soit sur le tard qu’il se rende compte des méfaits de la longévité au pouvoir. Et cela est valable pour beaucoup de nos chefs d’Etat qui finissent par être gagnés par la maladie de la « tripatouillite ». Même si Blatter n’a pas directement mis la main dans le cambouis, il n’en porte pas moins la responsabilité morale en tant que président.
La situation que vit la FIFA aujourd’hui, doit être un déclic pour assainir la CAF
Pour en revenir au président de la CAF, sa très grande proximité avec le président fraîchement démissionnaire de la FIFA dont il semble adopter les méthodes, n’est pas pour arranger son image, tant il donne l’impression d’avoir imposé son diktat à la tête du football africain, écrasant au passage et sans pitié, tous ceux qui ont des velléités de lorgner son fauteuil. Ce n’est pas l’Ivoirien Jacques Anouma qui dirait le contraire.
En tout état de cause, ce qui arrive à la FIFA doit inspirer les Africains pour secouer le cocotier des instances de leur football. Car, là-bas aussi, il y a sans aucun doute des brebis galeuses et des pratiques nauséabondes. Et ce qui se passe à l’échelle mondiale est à l’image de ce qui se passe à l’échelle du continent et même des nations. Car, le football est aujourd’hui une véritable mafia. Un milieu pourri où se côtoient des gens bien, mais aussi des serpents de la pire espèce. Des agents véreux et des dirigeants ripoux qui rivalisent de dextérité en micmacs. Ainsi, la magouille, la corruption, les trafics d’influences, les achats de voix et de consciences, tout est bon aujourd’hui en football pour parvenir à ses fins. Il faut assainir le milieu, mais comment ? Là est la grande question.
En tout cas la situation que vit la FIFA aujourd’hui, doit être un déclic pour assainir la CAF. Et les Africains auraient tort de croiser les bras et de penser qu’ils ne sont pas concernés. Au contraire, ils devraient saisir cette occasion pour travailler à bâtir une nouvelle éthique capable d’assainir un milieu tristement renommé pour son affairisme. Et au moment où la bataille pour la succession de Blatter s’ouvre, l’Afrique doit s’interroger aussi sur son avenir. Cela dit, faut-il s’attendre à voir Hayatou emboîter le pas à Sepp Blatter ? Rien n’est moins sûr car, pour l’heure, il n’en montre aucun signe et le fardeau ne semble pas trop lui peser. A moins que d’ici là, il ne soit lui aussi emporté par les développements de cette affaire qui est loin d’avoir livré tous ses secrets.
Quoi qu’il en soit, le fait est qu’aujourd’hui, tout comme le football mondial, le football africain est malade. Et après 27 ans de règne sans partage de son président actuel, il est temps de travailler à un renouveau. A moins que, comme beaucoup de satrapes de présidents, Hayatou n’ait aussi ses dossiers sales qu’il ne voudrait pas voir sortir des placards. Alors, après la FIFA, quelle thérapie pour la CAF ?
« Le Pays »