SECOND TOUR DE LA PRESIDENTIELLE AU NIGER: Mahammadou Issoufou montre la voie à suivre
2020-2021 auront été des années électorales en Afrique de l’Ouest, notamment dans sa partie francophone. En effet, après la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Burkina Faso, c’est au tour du Niger de procéder au choix, par les urnes, de l’homme qui présidera à sa destinée pendant les cinq ans à venir. Le scrutin a été tenu le 21 février dernier, soit près de deux mois après l’organisation du 1er tour. D’emblée, il sied de tresser des lauriers au président sortant, Mahamadou Issoufou, pour son comportement en faveur de la promotion de la démocratie dans son pays. Grâce à ce dernier, peut-on dire, le Niger, naguère célèbre du fait du nombre effarant de coups d’Etat qu’il a connus dans son histoire, vient de prendre du galon en matière de démocratie. En tout cas, l’histoire retiendra de lui, entre autres, l’image d’un homme d’Etat qui a conduit le Niger à la première succession pacifique et démocratique entre deux présidents élus. Par là, il positionne le Niger, comme une des vitrines démocratiques de l’Afrique de l’Ouest francophone aux côtés du Burkina et du Sénégal.
Mahamadou Issoufou a courageusement refusé d’adhérer à la confrérie des prédateurs de la démocratie
Et dans une Afrique de l’Ouest en proie au cancer du 3e mandat, cela mérite d’être relevé avec force et admiration. En tout cas, l’exemple d’alternance donné par le Niger doit faire honte à tous ces présidents qui croient dur comme fer, qu’ils sont investis d’une mission messianique, et que, de ce fait, ils doivent s’accrocher à leur trône jusqu’à leur dernier souffle. Mahamadou Issoufou a courageusement refusé d’adhérer à cette confrérie de prédateurs de la démocratie. Car, pour lui, « la démocratie respire par l’alternance ». Au- delà de ce dernier, il faut rendre hommage à l’ensemble de la classe politique nigérienne, et aux activistes de la société civile. In fine, le mérite revient au peuple pour son rôle de vigie de la démocratie. De ce point de vue, l’on pouvait s’attendre logiquement à un second tour à la hauteur de la qualité de la démocratie au Niger.
En tout cas, au moment où nous tracions ces lignes, l’ambiance dans laquelle se déroulait le scrutin, n’était pas celle qu’ont connue Abidjan, Conakry ou encore Bangui à l’occasion de la présidentielle de la Côte d’Ivoire, de la Guinée et de la Centrafrique. En effet, on se souvient que dans ces trois pays, la présidentielle avait donné lieu à des scènes de violences où des gourdins avaient voltigé et où l’on a enregistré par endroits, des morts. Bref, au Niger, tout semble indiquer que la politique n’est pas la guerre. Et cela est une leçon que le peuple nigérien donne à bien des pays africains. L’un dans l’autre donc, l’on peut s’attendre à ce qu’il ne marchande pas sa participation à ce scrutin. En tout cas, le taux de participation sera un des enjeux de ce scrutin inédit dans l’histoire du pays. Et c’est le lieu de rappeler que bien des scrutins organisés en Afrique, ont souffert de la faible participation des citoyens. A l’origine de ce mal, la désaffection de ces derniers vis-à-vis de la chose politique et l’idée selon laquelle le scrutin est plié d’avance. Dès lors, l’on préfère consacrer le jour du vote à vaquer à d’autres occupations au lieu de s’y rendre.
L’essentiel est que le vainqueur ait remporté le scrutin à la régulière
Il faut espérer que les 7,5 millions d’électeurs nigériens ne se comportent pas de cette manière. En tout cas, l’on note avec satisfaction qu’à la mi-journée, l’affluence était au rendez-vous, surtout à l’intérieur du pays. En tout état de cause, le candidat qui sortira vainqueur du second tour, aura besoin de légitimité pour relever les deux grands défis qui se posent au pays. Le premier est la pauvreté dans laquelle patauge le Niger. En effet, ce dernier fait partie des pays les plus pauvres de la planète. Et ce classement est l’une des conséquences de l’explosion démographique sous laquelle ploie le Niger depuis toujours. Cette équation est d’autant plus difficile à résoudre qu’elle est rendue complexe par des pesanteurs coutumières et religieuses. Le Niger a donc besoin d’un consensus politique pour tenter de résoudre l’équation. Et cela ne peut se faire que si le nouveau président bénéficie de légitimité forte. L’autre défi à relever est d’ordre sécuritaire.
En effet, le Niger est en proie depuis plus de dix ans, à des attaques terroristes de deux grands groupes ; en témoigne la mort de sept membres de la CENI dans la région de Tillabéri, dont le véhicule a sauté sur un engin explosif. Le premier grand groupe terroriste est affilié à l’organisation Etat islamique. Ce groupe sévit à l’Ouest du pays dans ses parties frontalières avec le Mali et le Burkina. L’autre grand groupe criminel qui a mis l’Est du pays pratiquement sous coupe réglée, est sous la houlette de Boko Haram. Et le fait de tenir le vote sur l’ensemble du territoire dans ce contexte, représente déjà un exploit et un espoir. Aux élections législatives de décembre 2020, les autorités avaient tenu le pari, à la grande satisfaction des Nigériens et des Nigériennes. A cette occasion, un autre pari avait également été tenu : celui d’une élection apaisée. Cette fois-ci, une déclaration conjointe de l’UA (Union africaine), de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) de l’UE (Union européenne) et des Nations unies, appelle le peuple nigérien à réitérer le même comportement. Il revient aux institutions en charge des élections, de jouer chacune sa partition, pour que, quel que soit le vainqueur du second tour, le Niger sorte par le haut à l’issue de ce scrutin. Bazoum ou Ousmane, peu importe, l’essentiel est que le vainqueur ait remporté le scrutin à la régulière et que le perdant ait le fair-play de le féliciter.
« Le Pays »