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SITUATION SOCIO-POLITIQUE DU BURKINA : Les défis présentés par le Cardinal Philippe Ouédraogo et Monseigneur Justin Kientega


Le Cardinal Philippe Ouédraogo et Monseigneur Justin Kientega du diocèse de Ouahigouya étaient en Allemagne dans le cadre de la Campagne de Carême 2017 de Misereor, organisée pour soutenir le Burkina Faso dans son développement. Cette campagne se déroule du 24 février au 22 mars 2017. Le 9 mars dernier, l’Archevêque de Ouagadougou et l’évêque de Ouahigouya ont livré un message digne d’intérêt aux évêques allemands pour susciter et encourager leur générosité au bénéfice du Burkina Faso. Lisez plutôt leur message !

 

« Eminences,

Excellences,

Au nom de l’Eglise-Famille de Dieu au Burkina,

Au nom des fils et filles du pays des Hommes intègres,

Nous vous saluons chaleureusement dans la collégialité épiscopale. Après avoir accueilli la délégation de Misereor en février dernier à Ouagadougou, nous vous remercions pour l’invitation et pour l’hospitalité que vous nous offrez à votre tour. 

Nous sommes très heureux et reconnaissants pour le choix du Burkina Faso pour la Campagne de Carême 2017. Nombreux et complexes sont les défis que nous voudrions partager avec vous. Mais en fonction du temps, nous nous contenterons d’une intervention basée sur deux aspects essentiels :

 

1.)    Présentation du pays et dialogue interreligieux

Le Burkina Faso est un pays d’Afrique de l’Ouest. Qui compte environ 19 millions d’habitants. Avec un PIB de plus ou moins 700 dollars américains par personne et par an, notre pays compte parmi les plus pauvres du monde. Les ressources de l’Etat proviennent, pour une grande part, du commerce de l’or, du coton, de l’élevage et de l’appui des partenaires financiers internationaux. Le développement économique du pays souffre d’un manque d’infrastructures et d’une faible productivité. 80% de la population du pays vit de l’agriculture et de l’élevage.

Le Burkina Faso est un pays laïc dans lequel quatre grandes religions sont pratiquées : l’islam, la religion catholique, la religion traditionnelle et la religion protestante. La culture locale est faite de tolérance. Les différentes religions vivent en bonne harmonie dans le dialogue de la vie et des œuvres.  Au sein de la même famille coexistent plusieurs religions.

L’islam est la religion la plus répandue, mais il existe une minorité catholique active. La collaboration étroite entre leaders religieux et autorités coutumières a toujours favorisé la paix sociale. Nombreux sont les mariages inter-religieux et inter-ethniques qui favorisent la cohésion sociale au sein de cette population burkinabè composée d’une soixantaine de groupes sociolinguistiques et culturels.

A l’occasion des fêtes religieuses des uns et des autres, les familles échangent les repas de la fête et des visites réciproques, etc. Dans le même village, musulmans, chrétiens et protestants se mettent d’accord pour des réalisations communes telles que la construction d’un barrage, l’organisation des travaux champêtres, l’entraide mutuelle pour construire une mosquée ou une église…

Un autre exemple : l’UFC (Union Fraternelle des Croyants) de Dori, qui regroupe catholiques, protestants et musulmans depuis une quarantaine d’années, travaille efficacement pour la promotion sociale et la paix. 

Dans certains diocèses, afin de promouvoir la cohésion sociale et le respect entre les croyants, sont organisées des compétitions sportives au bénéfice des jeunes. 

La situation est positive dans l’ensemble. Toutefois, la vigilance est de mise parce qu’il y a des signes avant-coureurs d’intégrisme islamistes. Cet intégrisme ne facilite pas parfois le processus du dialogue inter-religieux.

L’Eglise pour sa part, demeure solidaire avec le peuple et les pasteurs. Tous demandent à toute la communauté paroissiale d’intensifier la prière pour accompagner le pays pour la réconciliation, la justice et la paix, une paix durable et véritable.

 

2.)    Situation socio-politique et économique

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le Burkina Faso revient de loin. En 2014, le pays a connu une insurrection populaire. La transition engagée juste après a été émaillée par une tentative de coup d’Etat en  septembre 2015. En novembre 2015, le pays a pu organiser l’une des élections présidentielles jugées ouvertes et transparentes par les nombreux observateurs de la communauté internationale. Ces élections ont permis au Burkina Faso de renouer avec une vie institutionnelle normale.

Les moments difficiles que le pays a traversés ont occasionné des pertes en vies humaines et d’importants dégâts matériels et financiers (incendies de maisons, incendies d’unités économiques, pertes d’emploi …). Les plus pauvres ont vu leur situation empirer. Pour ne rien arranger, le 15 janvier 2016, le pays a connu sa première attaque terroriste en plein cœur de sa capitale, Ouagadougou. Depuis, des attaques sporadiques des groupes djihadistes sont enregistrées dans le Nord du Burkina Faso, notamment aux frontières avec le Mali.

 

La coopération avec les autorités étatiques

L’Etat a le devoir de contribuer au bien-être du peuple : éducation, santé, développement, etc.  Comme l’enseigne un proverbe de la Savane, «un seul doigt est incapable de ramasser la farine». D’où la nécessité de la coopération de toutes les Forces vives du pays. 

Aujourd’hui, le pays doit relever un ensemble de défis pour se repositionner dans le concert des nations :

  • Défis politiques : réconciliation nationale, cohésion sociale, consolidation de la démocratie, promotion de l’état de droit ;
  • Défis sécuritaires et religieux : mise sur pied des Forces de Défense et de Sécurité républicaine, renforcement du dispositif sécuritaire à travers une meilleure coopération régionale (p. ex. dans le cadre du G5 Sahel composé du Tchad, de la Mauritanie, du Niger, du Mali et du Burkina Faso), dialogue interreligieux, lutte contre l’intégrisme religieux ou l’endoctrinement des jeunes ;
  • Défis économiques : investissement, relance économique, lutte contre la corruption ;
  • Défis sociaux : Formation de la jeunesse, création d’emplois. Plus de 70% des 19 millions de Burkinabè ont moins de 35 ans. Ils ont d’énormes potentialités et besoins dont il faut tenir compte pour en faire des citoyens engagés pour le développement.

A ces défis, il faut ajouter deux autres défis majeurs, à savoir l’Urgence écologique et la vulnérabilité financière des structures de pastorale sociale.

Face à tous ces défis, l’Eglise apporte sa contribution. Grâce à la conjugaison des efforts avec ses partenaires, l’Eglise Catholique au Burkina Faso parvient à mener des actions de plus en plus significatives et visibles. C’est ainsi qu’en 2015 par exemple, les interventions de l’OCADES Caritas Burkina ont couvert plusieurs domaines : agriculture, élevage et environnement, hydraulique de production, énergie, formation professionnelle, microfinance, alphabétisation, éducation, santé/nutrition, eau potable, assainissement/hygiène, action sociale et urgences …

 En guise de conclusion, le Burkina Faso et l’Allemagne entretiennent une coopération depuis 1961. En matière de partenariat, nous tenons à saluer le travail précieux de Misereor au Burkina Faso en termes de développement et promotion humaine. En outre, nous ne saurions oublier l’apport de Missio pour le soutien de l’œuvre de l’évangélisation : formation de catéchistes, de séminaristes, etc., ainsi que celui du Kindermissionswerk pour l’aide en faveur de l’enfance.

Au regard des défis, nous constatons une absence de Caritas Allemagne au Burkina Faso, même face à des situations de catastrophe (inondations, famines…). Aussi suggérons-nous la signature d’une convention cadre de partenariat  entre l’Eglise Catholique en Allemagne et l’Eglise Catholique au Burkina Faso.

Dans l’Exhortation apostolique post-synodale «Ecclesia in Africa» (no. 104), le Pape St. Jean-Paul II invite les Eglises particulières d’Afrique à se fixer pour objectif d’arriver au plus tôt à pourvoir à leurs besoins et à assurer leur autofinancement. Et il appelle les Eglises-sœurs du monde à soutenir cet effort pour aider à relever ce défi.

Dans cette perspective, pouvons-nous espérer que l’Eglise d’Allemagne considère favorablement ces défis urgents pour notre pays ?

Eminences, Excellences,

L’Eglise-Famille de Dieu au Burkina Faso est pleine de gratitude pour la solidarité généreusement manifestée par l’Eglise en Allemagne.

Le rêve commun que nous souhaitons : comment aller plus loin – Duc in altum – pour un monde plus digne et plus fraternel, pour une Eglise plus sainte et missionnaire ? Dans la perspective du message du Pape François à l’occasion du Carême 2017, faisons nôtre l’invitation du Saint-Père : «ouvrir la porte du cœur à l’autre, une condition du bonheur».

Dieu bénisse les travaux de votre Assemblée plénière, ainsi que nos Eglises et pays respectifs. »

 

Pour la délégation du Burkina Faso à la Campagne de Carême 2017 de Misereor :

Cardinal Philippe Ouédraogo et Monseigneur Justin Kientega

 

 

 

 


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