SOMMET DE BRUXELLES SUR LE FINANCEMENT DU G5 SAHEL : Allier riposte militaire, développement et bonne gouvernance
Quatre cent quatorze millions d’ euros sont virtuellement tombés dans l’escarcelle de la force conjointe, destinés à lutter contre le terrorisme et le crime organisé dans l’espace sahélien, à l’occasion de la rencontre des donateurs organisée à Bruxelles le 23 février dernier. C’est bien plus que ce qui était attendu, pour permettre aux pays du G5 Sahel d’organiser la riposte face aux desseins obscurantistes de quelques marginaux qui prônent un « islam encagoulé » diamétralement opposé aux valeurs de pardon et de partage véhiculées par la religion musulmane. Mais une chose est de lancer tambour battant des opérations militaires de grande envergure comme c’est prévu, une autre est de pouvoir tenir ce pari dans la durée, surtout que la guerre qui s’annonce risque d’être longue et donc forcément coûteuse. Cela dit, il faudrait penser d’ores et déjà à la mobilisation de fonds additionnels comme l’a dit le président nigérien, car l’ennemi en face s’est préparé à une guerre asymétrique et d’usure et pourrait bien profiter d’une éventuelle rupture de financement des opérations de la force ad hoc pour continuer à entretenir la psychose et la schizophrénie ambiantes chez les innocentes populations de la région. Les ressources supplémentaires et disponibles en permanence durant les opérations de « dératisation » du sahel, serviront non seulement à répondre aux besoins matériels et logistiques des troupes, mais aussi et surtout à financer des projets de développement au bénéfice des populations les plus vulnérables et par conséquent les plus enclines à adhérer aux discours volontairement populistes des professionnels du crime de tous bords. L’Alliance pour le sahel dont il a été question lors de la rencontre de Bruxelles s’inscrit justement dans cette perspective, tout comme le protocole d’entente signé en début février dernier entre les pays du G5, le Programme alimentaire mondial (PAM) et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) pour que les deux agences onusiennes appuient “la résilience alimentaire” des populations des cinq Etats sur la période 2018-2020.
Espérons que la création d’un fonds fiduciaire permettra de minimiser les risques
Et comme les besoins sont immenses et variés dans cette zone, d’autres actions sont prévues pour le court, moyen et long terme, comme l’organisation, en juin prochain, d’une table ronde pour le financement d’un Programme d’investissements prioritaires (PIP) du G5 Sahel, la mise en place d’un processus de suppression des visas et des frais d’itinérance entre les cinq pays, la création d’une compagnie aérienne commune (Air Sahel) ainsi que la construction d’un chemin de fer “transsahélien” de près de 6000 kilomètres. Ces projets onéreux sont certes importants pour la mobilité des personnes et des biens dans la zone, mais vont-ils véritablement répondre aux besoins existentiels des populations dont l’implication et la contribution à la lutte contre le terrorisme sont indispensables pour venir à bout des forces du mal ? On pourrait évidemment en douter, et il est même à craindre que toute cette débauche d’énergies ne soit qu’un exemple typique d’éléphant blanc, dans un contexte marqué par la paupérisation croissante et le désespoir de plus en plus prononcé des populations concernées qui vivent majoritairement en zone rurale. Ce serait, pour ainsi dire, du gâchis, parce qu’on n’aurait pas répondu aux vraies préoccupations. Les cellules de recrutement des terroristes pourraient naturellement surfer sur cette « erreur d’aiguillage » pour se démultiplier et compromettre dangereusement tous les efforts fournis pour sauver le sahel. Les éleveurs nomades ont déjà tiré la sonnette d’alarme en dénonçant la non-prise en compte de leurs besoins réels, notamment en eau et en pâturage, dans les projets et programmes de développement qui sont en train d’être conçus par les Etats membres du G5 Sahel et les contributeurs. En un mot comme en mille, ces milliards de F CFA qui seront destinés à la traque aux terroristes doivent être utilisés à bon escient, c’est-à-dire pour résoudre les problèmes prioritaires, en gérant de façon orthodoxe les fonds qui y seront alloués. Car, ce serait un désastre de plus si les contributions des généreux donateurs venaient à être détournées comme ce à quoi on a l’habitude d’assister sous nos tropiques, pour financer le bunga-bunga et autres soirées de parties fines, avec des partenaires aux décolletés affriolants comme en raffolent certains de nos chefs politiques et/ou militaires. De toute évidence, la riposte armée qui se prépare avec tambours et trompettes, parviendra à élaguer l’arbre du terrorisme, mais ne réussira pas à le déraciner si elle n’est pas associée à un processus de développement des zones en proie au fléau, et surtout à la bonne gouvernance qui fait très souvent défaut dans nos pays. Espérons que la création d’un fonds fiduciaire pour gérer les contributions des partenaires et doté d’un comité de contrôle permettra de minimiser les risques de prévarication des ressources destinées à cette lutte contre les réseaux criminels, et que dans un délai relativement court, on démobilisera les 5 000 hommes projetés en première ligne pour casser du terroriste, simplement parce que les partisans de Moctar Belmoctar, Adnane Abou Walid Al-Sahraoui et autres Iyad Ag Ghali auront été littéralement défaits, au grand bonheur de la sous-région, de l’Afrique et du monde entier.
Hamadou GADIAGA