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SOMMET DE LA CEDEAO SUR LA GUINEE


« Mieux vaut prévenir que guérir » ! Tel est l’adage qui pourrait s’appliquer à la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) qui, à l’initiative de son président en exercice, le Ghanéen Nana Akufo-Addo, s’est réunie, le 8 septembre 2021, en sommet extraordinaire par visioconférence, consacré au coup d’Etat, en Guinée, du colonel Mamady Doumbouya contre Alpha Condé renversé trois jours plus tôt. Comme l’on pouvait s’y attendre, l’institution sous-régionale n’a pu faire mieux que de prendre de molles sanctions contre les putschistes guinéens. Lesquelles sanctions n’ont aucune force coercitive pour rétablir immédiatement l’ordre constitutionnel normal encore moins remettre le président Alpha Condé sur son fauteuil. Et l’on imagine aisément l’Union africaine (UA) s’engager de son côté dans la même démarche de sanctions-suspension ; toute chose qui ressemble plus à du formalisme qu’à une volonté réelle de peser sur la situation en vue de rétablir l’ordre des choses. Mais cette impuissance manifeste de plus en plus palpable de ces institutions supranationales face à la montée des coups d’Etat, est-elle vraiment étonnante ? Difficile à dire.

 

 

Si la CEDEAO avait réussi à imposer la clause limitative des mandats, le problème ne se serait certainement pas posé

 

 

 

Mais dans le cas de la CEDEAO, par exemple, qui était sur le point, en 2015, d’adopter courageusement la formalisation de la limitation des mandats présidentiels à deux, l’histoire prouve aujourd’hui à souhait qu’elle s’était tiré une balle dans le pied, en échouant à aller jusqu’au bout de sa logique de défense du respect des règles de l’alternance dans son espace géographique. En rappel, la proposition, adoptée au sommet  d’Accra par les ministres des Affaires étrangères, avait été soumise aux chefs d’Etat, au moment où seuls le Togo de Faure Gnassingbé et la Gambie de Yahya Jammeh apparaissaient comme les deux moutons noirs de la démocratie dans l’espace CEDEAO, susceptibles de s’y opposer. Mais pour des raisons que les peuples ignorent et qui pourraient mieux se comprendre aujourd’hui, les têtes couronnées de l’époque, au nombre desquelles se comptaient le Guinéen Alpha Condé et l’Ivoirien Alassane Ouattara, pris tous deux en flagrant délit de troisième mandat cinq ans plus tard, n’avaient pas trouvé le consensus nécessaire en leur sein pour verrouiller le projet qui a été ainsi rangé au placard s’il n’est pas, depuis, mort de sa belle mort. Mais aujourd’hui, l’histoire se fait le douloureux devoir de leur rappeler qu’ils avaient tort. Car, si la CEDEAO, dans sa volonté de prévenir les remous et autres agitations provoquées par les modifications et changements constitutionnels controversés, avait réussi à imposer cette clause limitative des mandats à ses membres, le problème ne se serait certainement pas posé. Parce qu’on peut croire qu’elle se serait donné les moyens de la faire respecter en amont, en sévissant contre les tripatouilleurs de Constitutions.

 

 

Si la CEDEAO veut sauver ce qui lui reste encore de crédibilité, elle doit impérativement revoir sa copie

 

 

Et c’est de là qu’elle aurait pu légitimement tirer sa force pour sévir contre d’autres contrevenants comme les putschistes maliens qui ont interrompu un mandat régulier. Dans le même ordre d’idées, il y a des raisons de croire que si la même CEDEAO avait fait preuve de fermeté et d’intransigeance contre les tombeurs d’Ibrahim Boubacar Kéita au Mali, elle aurait eu plus de force et d’arguments pour sévir contre la junte conduite par le Colonel Doumbouya, venue joueur les rectificateurs en Guinée. Mais tout porte à croire qu’en échouant à recadrer convenablement le colonel Assimi Goïta et ses camarades au Mali, la CEDEAO a ouvert la boîte de pandore puisque rien ne dit à présent que les coups d’Etat, dans la sous-région, s’arrêteront avec la chute d’Alpha Condé. Bien au contraire, ils doivent être nombreux, les chefs d’Etat de la sous-région, à trembler à présent. Même si, sans faire l’apologie des pronunciamientos, l’on peut se demander si en cherchant à ruser avec les textes pour se maintenir au pouvoir, ils sont véritablement à plaindre quand ceux-là même qui font la force de leur pouvoir, se retournent finalement contre eux.  En tout état de cause, on se demande si les sanctions contre les putschistes n’ont pas été prises par l’institution sous-régionale beaucoup plus pour se donner bonne conscience. C’est pourquoi l’on est porté à croire que si la CEDEAO veut sauver ce qui lui reste encore de crédibilité aux yeux des peuples, elle doit impérativement revoir sa copie. Et les cas malien et guinéen doivent être l’occasion d’une véritable introspection pour elle, pour changer de paradigme. C’est à ce prix qu’elle pourra espérer reprendre la main et redorer son blason terni face à des putschistes désormais conscients de leur force, d’autant qu’ils peuvent toujours prétendre recouvrir leur forfait du vernis de l’onction populaire face à ces prédateurs de la démocratie dont les peuples ne cherchent visiblement qu’à se débarrasser à tout prix.

 

« Le Pays »

 

 

 

 


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