HomeA la uneSORTIE DE BOLA TINUBU SUR LA CRISE NIGERIENNE A LA TRIBUNE DE L’ONU : Vers un abandon de l’option militaire ?

SORTIE DE BOLA TINUBU SUR LA CRISE NIGERIENNE A LA TRIBUNE DE L’ONU : Vers un abandon de l’option militaire ?


« Les coups d’Etat militaires sont une erreur, tout comme tout arrangement politique civil biaisé qui perpétue l’injustice ». « Concernant le Niger, nous négocions avec les chefs militaires. En tant que président de la CEDEAO, je cherche à contribuer au rétablissement d’une gouvernance démocratique d’une manière qui réponde aux défis politiques et économiques auxquels cette nation est confrontée, y compris les extrémistes violents qui cherchent à fomenter l’instabilité dans notre région ». Ces propos sont du président nigérian, Bola Tinubu, qui s’exprimait, le 19 septembre dernier, à la tribune de l’ONU, à la faveur de la 78ème session de l’Assemblée générale des Nations unies. Des propos qui tranchent avec la position de fermeté affichée dès les premiers moments du putsch au Niger, par l’institution d’Abuja, et qui laissent peu de place au doute sur l’option de la diplomatie que semble désormais privilégier l’organisation sous-régionale dans la résolution de la crise nigérienne. Laquelle crise dure depuis bientôt deux mois, suite au coup d’Etat qui a renversé le président Mohamed Bazoum à Niamey. S’achemine-t-on alors vers un abandon de l’option militaire ? L’histoire sans doute le dira.

 

La CEDEAO semble avoir changé son fusil d’épaule

 

En attendant, à écouter le locataire du Aso Rock Presidential Villa, par ailleurs président en exercice de la CEDEAO, tout porte à croire que l’on s’éloigne du scénario d’une intervention militaire pour rétablir Mohamed Bazoum sur son trône à Niamey, comme la CEDEAO avait menacé de le faire si les putschistes du 26 juillet dernier ne se ravisaient pas en rétrocédant le pouvoir au président déchu dans un délai d’une semaine. Mais face à la clameur grandissante d’une opinion de plus en plus défavorable voire hostile à une intervention militaire, et sans doute instruite par l’attitude des alliés déclarés des putschistes de Niamey que sont le Mali et le Burkina Faso dont le parlement de transition vient de donner son quitus pour le déploiement d’un contingent militaire au Niger, la CEDEAO semble avoir changé son fusil d’épaule dans sa volonté de rétablir la démocratie à la force du canon au pays du Ténéré. Pour autant, la junte militaire au pouvoir à Niamey a-t-elle partie gagnée ? Rien n’est moins sûr. D’autant que la CEDEAO, qui a, entre-temps, activé sa force d’attente, n’a pas officiellement écarté l’option militaire. Même si tout porte à croire qu’au-delà des risques et des incertitudes d’une éventuelle opération commando, c’est une façon de battre en retraite qui cache mal une volonté d’éviter un bain de sang qui ternirait davantage son image. Par ailleurs, il y a les lourdes sanctions de l’organisation sous-régionale qui continuent d’asphyxier le Niger et qui n’ont pas fini de faire leurs effets.

 

Tant que le flou persistera, la situation restera profitable aux putschistes de Niamey

 

Le tout, dans un contexte où pas plus tard que le 19 septembre dernier, l’Union européenne a « exprimé [sa] solidarité avec la France au sujet de son ambassadeur » au Niger, et réaffirmé son « soutien entier » au président Mohamed Bazoum. Une non-reconnaissance tacite de la junte, qui a de quoi complexifier davantage une équation qui peine déjà à trouver solution tant dans ces manifestations de soutien ou de défiance envers les nouveaux maîtres de Niamey, aucun scénario crédible de sortie de crise ne se dessine clairement à l’horizon. Mais chaque jour qui passe, voit la junte du Général Abdourahamane Tchiani s’enraciner davantage au pouvoir. Et rien ne dit que ragaillardis par les soutiens intérieurs et extérieurs, les militaires nigériens ne vont pas raidir la nuque pour se maintenir le plus longtemps possible au pouvoir. Il appartient donc à la CEDEAO de savoir reprendre la main dans le dossier nigérien en prenant l’initiative de négociations ardues pour tracer les sillons de la transition au Niger et définir un calendrier comme elle l’a fait pour le Mali, la Guinée et le Burkina Faso, trois pays aujourd’hui engagés dans des agendas de retour à l’ordre constitutionnel dans des délais impartis. Autrement, tant que le flou persistera, la situation restera profitable aux putschistes de Niamey qui travailleront à consolider leur pouvoir. Et c’est le peuple nigérien qui continuera de souffrir le martyre des dures sanctions qui visent à le pousser à la révolte contre les tombeurs de Mohamed Bazoum, mais qui semblent pour le moment loin de produire les effets escomptés, si elles ne contribuent pas plutôt à développer la résilience des populations. C’est dire si la CEDEAO doit revoir sa copie. Et le plus tôt serait le mieux. En tout état de cause, tout le mal qu’on souhaite à Bola Tinubu, c’est de parvenir à une solution négociée à la crise en vue du rétablissement de l’ordre constitutionnel au Niger dans les meilleurs délais. Et, au-delà, de réussir son combat pour la démocratie qui, comme il l’a répété, est « le meilleur garant de la volonté souveraine et du bien-être du peuple ». Toute chose qui appelle à un changement de paradigme, en développant des rapports sains avec la démocratie. Autrement, tant que des dirigeants africains brilleront par la mal gouvernance ou chercheront à ruser avec les textes pour se maintenir indument au pouvoir, il y a malheureusement lieu de croire que les crises politiques persisteront, et les coups d’Etat aussi.

 

 « Le Pays »  

 

 


No Comments

Leave A Comment