SORTIE DE SIDIKI KABA SUR LE RETRAIT ANNONCE DE CERTAINS PAYS AFRICAINS DE LA CPI : Un coup d’épée dans l’eau ?
Suite au départ annoncé du Burundi et de l’Afrique du Sud de la Cour pénale internationale (CPI), le président de l’Assemblée des Etats parties au traité de Rome, Sidiki Kaba, a appelé les Etats africains critiques vis-à-vis de la Cour, à « donner une chance au dialogue, à la négociation ». Il appelle, de fait, à l’ouverture de pourparlers avec les Etats frondeurs pour recueillir « leurs appréhensions, leurs récriminations, leurs critiques » en vue d’un « consensus dynamique » lors de la prochaine Assemblée générale des Etats parties, prévue du 16 au 25 novembre à la Haye, au Pays Bas. Mais, sans jouer les Cassandre, on peut bien se douter que le militant des droits humains, par ailleurs ministre sénégalais de la Justice, prêche dans le désert. D’abord, parce que l’arme de la séduction par le dialogue, n’a aucun effet sur les dictateurs africains. De fait, pour les férus de l’argument de la force qu’ils sont, il est illusoire d’espérer les faire succomber au charme d’un dialogue qui, qui plus est, peut être compromettant pour eux. Si ce n’est leur demander de se mettre eux-mêmes la corde au cou pour se faire mener à l’abattoir, c’est tout comme ! Ensuite, si par mirage du désert où il prêche, l’appel du Sénégalais trouvait écho, il ne pourrait avoir que pour effet de ragaillardir les frondeurs. Il pourrait même accélérer l’effet domino qu’a suscité la hardiesse des pionniers de la contestation que sont le Burundi et l’Afrique du Sud, entraînant dans leur mouvement, les timorés qui hésitaient à se mettre sur la place publique. On est, de ce fait, amené à se demander si l’homme n’aurait pas dû se taire, même si l’on comprend bien qu’il ne pouvait pas, en sa qualité de président de l’Assemblée des Etats parties au traité fondateur de la CPI, assister pacifiquement à la déliquescence de l’institution. Car, sa sortie donne l’impression que la CPI joue sa survie et négocie une bouée de sauvetage.
La sortie de Sidiki Kaba a le mérite de mettre sur la table, la nécessité de réforme de la CPI
Elle sonne même comme un signal de détresse que l’armée des dictateurs et des criminels qui hantent encore le sommeil des peuples, peut intercepter et exploiter avantageusement. Et à supposer même que le vœu de Sidiki Kaba, de voir le dialogue amorcé avec les plaignants, se réalise, il est à parier que l’image de la CPI n’en sortira pas renforcée. Car, à coup sûr, les satrapes ne rateront pas l’opportunité de poser des conditions qui videraient l’institution de sa quintessence. La CPI ne serait plus qu’une coquille vide qui perdrait le pouvoir de dissuasion qu’elle possédait pour troubler le sommeil des prédateurs des libertés des peuples. Pire, l’ouverture de ce dialogue peut être perçue comme une prime à la dictature et constituer un mauvais signal pour les droits de l’Homme et la démocratie sur le continent. Toutefois, la sortie de Sidiki Kaba n’est pas sans objet. Elle a au moins le mérite de mettre sur la table, la nécessité de réforme de la CPI, pour répondre au gigantesque besoin de justice universelle, au regard des tragédies qui se déroulent dans le monde. Autant il faut trouver les moyens de maintenir les Etats frondeurs dans la salle des pas-perdus de la Justice internationale, autant il faut trouver les moyens d’appâter les Etats qui, volontairement, se sont dérobés dès le début, notamment les Etats-Unis d’Amérique. C’est une exigence même du principe de la justice qui doit être la même pour tous. Autant la CPI peut étendre son rets dans les savanes africaines, autant elle devrait pouvoir le faire dans les Appalaches américains ou dans le Caucase russe. Et ce combat ne devrait pas être celui du seul président de l’Assemblée des Etats parties de la CPI, mais celui de tous les peuples du monde qui sont toujours les victimes de l’ivresse du pouvoir des dirigeants de par le monde. Et pour ce faire, chaque peuple devrait se donner les moyens de contraindre ses propres dirigeants à juger les crimes commis au sein des Etats, pour ne pas faire de la CPI l’ultime recours.
SAHO