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SORTIE DES JEUNES DU KATANGA CONTRE KABILA


De l’eau sur les plumes  d’un canard

Des jeunes du Katanga viennent d’adresser une mise en garde ferme au président congolais, Joseph Kabila, qu’ils veulent dissuader de briguer un troisième mandat. Ils menacent de rendre ingouvernable la province.  Le constat que l’on peut faire suite à cette déclaration, est que les coups de semonce à l’endroit de Kabila se multiplient. L’on peut, à titre illustratif, citer ceux de la plateforme de l’opposition, des Laïcs Catholiques et des Eglises protestantes. La question que l’on peut tout de suite se poser  est de savoir si cette énième menace peut ramener le satrape à de meilleurs sentiments.

A priori, l’on peut répondre par la négative. Car l’homme semble obnubilé par son rêve de pouvoir à vie, soutenu en cela par les Raspoutine qui arpentent à longueur de  journée les arcanes de son palais.

Le pouvoir congolais aurait tort de prendre cette sortie des jeunes comme des pitreries d’enfants gâtés

Et rien ne semble en mesure de l’en faire démordre, ni les cadavres de ses compatriotes qui sont tombés sous les coups de la répression de ses  sbires, ni les menaces et les mesures de rétorsions  de la communauté internationale à l’endroit de ses soutiens, et encore moins l’Accord de la Saint-Sylvestre issu du dialogue politique qu’il a lui-même voulu.  Du reste, l’homme semble si avancé dans la matérialisation de ses velléités de pouvoir à vie, qu’il faut plus que de simples menaces verbales pour le contraindre à rebrousser chemin. L’on peut donc se risquer à parier que la menace de la jeunesse katangaise sera de nul effet sur Kabila et s’apparente à de l’eau sur les plumes d’un canard.

Et pourtant, le pouvoir congolais aurait tort de prendre cette sortie des jeunes comme des pitreries d’enfants gâtés. Et pour cause. D’abord, si le Katanga, cette riche région minière s’enrhume, c’est toute la République démocratique du Congo qui éternuera. En effet, en plus de ses nombreuses fermes agricoles et pastorales,  elle renferme  de très riches gisements de cobalt, cuivre, fer, radium, uranium et diamant si fait qu’une  éventuelle paralysie de l’activité économique de cette région, pourrait priver le pouvoir congolais d’importantes devises indispensables à sa survie. Pire, rien qu’en s’en prenant aux intérêts des compagnies minières qui exploitent les ressources du sous-sol, les jeunes Katangais peuvent décider les Occidentaux à augmenter la pression sur le régime de Kinshasa. Par ailleurs, de par son histoire, le Katanga a une tradition d’opposition au pouvoir de Kinshasa et pour s’en convaincre, il faut se référer aux premières heures de l’indépendance du pays. L’on se souvient, en effet, qu’en juillet 1960, la région, sous l’impulsion de Moise Tshombé, avait fait sécession et proclamé son indépendance. Il a fallu une longue campagne militaire de deux ans, sous l’égide des Nations unies, pour que les Katangais, épaulés par des mercenaires qu’ils avaient appelés en renfort, réintègrent le Congo. Sans nul doute que cet épisode de l’histoire nationale demeure encore dans la mémoire collective des populations et pourrait encore alimenter aujourd’hui les rêves des jeunes face à un pouvoir oppresseur.   Enfin, l’on sait que cette province a été

dirigée par l’un des plus dangereux ennemis de Joseph Kabila en la personne de Moïse Katumbi dont la force de nuisance ne relève pas de l’affabulation.

On peut féliciter la jeunesse congolaise pour son engagement dans la lutte contre les dérives monarchiques du pouvoir

L’homme est, en effet, décrit par de nombreux observateurs de la scène politique congolaise comme l’hebdomadaire anglais The Economist, comme «  le deuxième homme le plus puissant en République démocratique du Congo après le président Joseph Kabila ».

Cela dit, tout ceci ne peut être qu’une vue de l’esprit, étant entendu qu’il ne s’agit que d’une simple menace en l’air proférée par des jeunes qui ne disposent, en réalité, d’aucun moyen pour la mettre à exécution et ainsi faire plier Kabila. Mais qu’il s’agisse d’un coup de bluff ou d’une véritable épée de Damoclès qui plane sur la tête du régime, l’on ne peut que féliciter la jeunesse katangaise et au-delà, toute la jeunesse congolaise pour son engagement et sa détermination dans la lutte contre les dérives monarchiques du pouvoir en place. L’on se souvient qu’avant cette menace qu’elle vient de proférer, les jeunes activistes congolais, appuyés par leurs pairs du continent, s’étaient organisés dans des mouvements citoyens comme la Lucha  ou Filimbi, pour faire entendre leur voix. Certains en paient le prix fort quand ils ne sont tout simplement pas trucidés. La jeunesse congolaise a été aussi le fer de lance des mouvements de lutte lancés par les partis de l’opposition et a subi la furie répressive des chiens de garde du régime, laissant de nombreux cadavres sur le carreau. L’on peut, de ce fait, dire qu’elle a tracé le chemin pour de nombreux jeunes du continent, même  si, pour l’heure, les résultats de sa détermination peinent à produire les effets escomptés.

 

« Le Pays »


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