HomeA la uneSORTIE DU PRESIDENT KAFANDO : Salomon n’aurait pas mieux fait

SORTIE DU PRESIDENT KAFANDO : Salomon n’aurait pas mieux fait


L’actualité politique nationale a été marquée, ces derniers temps, par deux événements majeurs. Il y a eu d’abord la sortie du président Michel Kafando dans laquelle il a opté de maintenir en poste son Premier ministre, Yacouba Isaac Zida. Le deuxième fait marquant est le vote des députés de la Transition qui ont mis en accusation des dignitaires de l’ancien régime devant la Haute Cour de justice, dont l’ex-président Blaise Compaoré.

Ce dernier l’a été pour « haute trahison » et « attentat à la Constitution ». Ces deux événements qui, de toute évidence, ne manqueront pas d’influer sur le devenir de notre pays, pourraient être analysés comme suit :

Le président du Faso a préféré couper la poire en deux

Par rapport au maintien en poste du Premier ministre Zida et ce en dépit du souhait du régiment de sécurité présidentielle (RSP), de la hiérarchie militaire, l’on peut dire que le président du Faso a joué habilement à un jeu d’équilibrisme. Dans le souci de ne pas faire perdre la face à l’une des parties en conflit, il a préféré couper la poire en deux. En effet, il a gardé Yacouba Isaac Zida en poste, mais il a pris le soin de lui retirer son portefeuille de ministre en charge de la Défense nationale.

Pour justifier le maintien de Zida, Michel Kafando a estimé que  « tout bouleversement à ce niveau ne ferait que perturber la saine préparation des élections, avec pour risques majeurs d’allonger les délais de notre engagement à organiser le scrutin à bonne date ».

En choisissant dans le même temps de retirer à Zida le pilotage du ministère de la Défense nationale et de l’attribuer à sa propre personne, le président entend par là éviter à l’avenir ce qu’il a qualifié « de frustrations et de dysfonctionnement » au sein de la Grande muette. Ces 2 décisions répondent au souci du président non seulement de ne pas compromettre le calendrier des élections à venir, mais aussi de préserver la cohésion de l’armée. C’est donc une option très sage qui préserve l’essentiel et Salomon n’aurait pas mieux fait. Le président a été d’autant plus sage dans son attitude qu’il a d’abord pris tout le temps d’écouter les avis du Collège de sages qu’il avait mis en place à l’effet de désamorcer la crise, ceux de la hiérarchie de l’armée et des acteurs politiques du pays. Le président a donc bu à toutes ces sources et en toute responsabilité, il a tranché. Et il l’a fait de manière équilibrée et courageuse. Il faut le lui reconnaître. Dès lors, l’on pourrait se poser la question de savoir quelle sera la réaction de l’armée. Pour peu qu’elle soit républicaine et qu’elle ait l’amour de la patrie et nous n’avons pas de raison d’en douter, l’on peut s’attendre à ce qu’elle se plie aux décisions du président du Faso qui est par ailleurs le chef suprême des armées. Autrement, l’armée pourrait s’exposer à plusieurs risques. Le premier est de se couper de la nation en se rendant du coup impopulaire au sein de l’opinion nationale.

Le deuxième risque consiste à susciter le courroux de la Communauté internationale, notamment celui de l’UA (Union africaine) qui, récemment on se rappelle, avait insisté sur la nécessité de la subordination des forces de défense et de sécurité à l’autorité politique qui, dans le cas d’espèce, est incarnée par Michel Kafando.

Le dernier risque auquel l’armée s’expose, et qui n’est pas des moindres, est de se mettre à dos le collège de sages, cette instance qui regorge de personnalités morales dont personne ne doit douter de leur attachement à l’intérêt général.

La Transition donne l’impression de vouloir rattraper les choses

Politiquement et moralement donc, et pour l’image de notre pays à l’extérieur, l’armée n’a pas d’autres choix que de s’inscrire dans la voie de l’apaisement tracée par Michel Kafando. Par rapport au deuxième point marquant de l’actualité nationale, c’est- à-dire la mise en accusation des dignitaires du régime déchu, l’on peut dire que la transition donne l’impression de vouloir rattraper les choses. En effet, l’un des manquements majeurs des nouvelles autorités du pays est de n’avoir pas, dès le début de leur mandat, commencé par là. Si la Transition avait très tôt cherché à accéder aux tiroirs de tous ceux sur qui pesaient de fortes présomptions de crimes économiques et de sang en les interpellant, l’on pourrait parier que certains n’en seraient pas aujourd’hui à parler d’exclusion à propos du Code électoral mis en place en avril dernier. Pour avoir donc voulu faire les choses avec un excès de scrupules, la transition s’est tirée une balle dans le pied. Ce faisant, elle a laissé libre cours à certaines personnes dont les pratiques sous Blaise Compaoré et même après, étaient de nature à les confondre devant les tribunaux, de s’auto-victimiser à peu de frais et c’est de bonne guerre. Mais comme il n’est jamais tard pour bien faire, l’on peut espérer que les mises en accusation seront prises en charge comme il le faut par la justice burkinabè. Et il serait difficile aux détracteurs de la Transition de crier à une justice des vainqueurs pour les raisons suivantes. D’abord, parce que nulle part dans l’histoire, l’on a encore enregistré pendant les moments qui ont suivi les grandes crises que certains pays ont connues, un seul cas où ce sont les bourreaux qui décident s’ils doivent être jugés ou pas.

Ensuite, dans le lot des personnes mises en accusation devant la Haute cour de justice, il y en a dont les dossiers sommeillaient dans les tiroirs de l’Autorité supérieure de contrôle de l’Etat (ASCE), bien avant l’avènement de la transition.

Enfin, la Transition peut justifier la mise en accusation de Blaise Compaoré en se fondant sur la Cour de justice de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) qui a reconnu que la modification de l’article 37 de la loi fondamentale dont s’est rendu coupable l’ancien président, relève d’un changement anticonstitutionnel. Pour toutes ces raisons, l’on peut dire que tous ceux qui considèrent les mises en accusation des dignitaires de l’ancien régime comme une « chasse aux sorcières » sont en train de faire un faux procès à la transition.

Ceux qui invoquent aussi la loi d’amnistie votée en 2012 en faveur des anciens présidents pour dénoncer la mise en accusation de Blaise Compaoré pourraient se voir opposer le fait qu’au moment où l’on votait cette loi, Blaise Compaoré n’était pas ancien président. Le seul ancien président qui peut en bénéficier est Jean-Baptiste Ouédraogo, les autres anciens présidents n’étant plus de ce monde.

Si par extraordinaire, Blaise Compaoré devait être concerné, l’on peut dire que celui-ci, de manière préméditée, avait pris le soin de s’auto-amnistier pour se mettre à l’abri de la Haute cour de justice, au cas où il plongerait le pays dans l’abîme.

Et il l’a plus ou moins fait, en voulant, contre vents et marées, s’accrocher au pouvoir.

« Le Pays »


Comments
  • Félicitations Monsieur le Président. Voilà une sage décision. La transition doit se poursuivre sans perturbations et aboutir aux élections du 11 octobre. Pour cela, il ne faut pas bouleverser le gouvernement. Pour rappel, suite à l’insurrection, il n’y avait que l’armée qui pouvait prendre le pouvoir compte tenu de la situation. Il a ensuite été demandé à l’armée de se retirer et de transférer le pouvoir à une transition civile. Mais l’armée a tenu à s’immiscer dans la conduite de la transition et cela a même été formalisé dans la charte. Des militaires ont donc infiltré le CNT ainsi que le gouvernement avec un premier ministre militaire et tout cela soutenu par l’armée qui n’a posé aucune objection. Alors, qu’ils y restent jusqu’au bout. Et pourquoi donc cette armée, à trois mois des élections, exige le retrait des militaires de la transition ? Pour quels intérêts ? De grâce, privilégions l’intérêt supérieur de la nation au détriment des intérêts individuels et égoïstes. Nous devons tous soutenir la transition!

    20 juillet 2015
  • Que diront ceux qui, de faxcon facilement populiste, denoncaient deja “la chasse aux sorcieres”, “la justice des vainqueurs”? C’est tellement malhonnete et demagogique! Comment voulez- vous que les victorieux ne jugent ps les vaincus? Entre la les grandes theories et la pratique politique basee sur la realite, ya pas match. Rangez vos philosophies qui ne vous donnent meme pas du boulot pour vous arrimer a la realite de la terre ferme, chercheurs – ecrivains qui ne peuvent rien publier dans des cadres professionnels , mais qui se gargarisent de mots sur les reseaux publics.

    20 juillet 2015

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